Même si Matéo se trompe au sujet du libéralisme, ce qui est un point de détail dans ce qu’il ressent, fondamentalement a-t-il raison? C’est la bonne question…
Bonjour Monsieur,
Ce mail n’appelle pas nécessairement de réponse de votre part, je cherchais
simplement à écrire mon désarroi. Ne sachant plus à qui faire part du profond mal-être
qui m’habite, c’est vous qui m’êtes venu à l’esprit. Même si cela remonte à longtemps,
l’année que j’ai passée en cours avec vous a eu une influence déterminante sur les
valeurs et les idéaux qui sont aujourd’hui miens et que je tente de défendre à tout prix,
c’est pour cela que j’ai l’intime conviction que vous serez parmi les plus à même de
comprendre ce que j’essaye d’exprimer.
Ces dernières semaines ont eu raison du peu d’espoir qu’il me restait. Comment
pourrait-il en être autrement ? Cette année était celle de mes 21 ans, c’est également
celle qui a vu disparaître mon envie de me battre pour un monde meilleur. Chaque
semaine je manifeste inlassablement avec mes amis et mes proches sans observer le
moindre changement, je ne sais plus pourquoi je descends dans la rue, il est désormais
devenu clair que rien ne changera. Je ne peux parler de mon mal-être à mes amis, je
sais qu’il habite nombre d’entre eux également. Nos études n’ont désormais plus aucun
sens, nous avons perdu de vue le sens de ce que nous apprenons et la raison pour
laquelle nous l’apprenons car il nous est désormais impossible de nous projeter sans
voir le triste futur qui nous attend.
Chaque semaine une nouvelle décision du gouvernement vient assombrir le tableau
de cette année. Les étudiants sont réduits au silence, privés de leurs traditionnels
moyens d’expression. Bientôt un blocage d’université nous conduira à une amende de
plusieurs milliers d’euros et à une peine de prison ferme. Bientôt les travaux
universitaires seront soumis à des commissions d’enquêtes par un gouvernement qui se
targue d’être le grand défenseur de la liberté d’expression. Qu’en est-il de ceux qui
refuseront de rentrer dans le rang ? Je crois avoir ma réponse. Samedi soir, le
5 décembre, j’étais présent place de la République à Paris. J’ai vu les forces de l’ordre
lancer à l’aveugle par-dessus leurs barricades anti-émeutes des salves de grenades
GM2L sur une foule de manifestants en colère, habités par une rage d’en découdre
avec ce gouvernement et ses représentants. J’ai vu le jeune homme devant moi se
pencher pour ramasser ce qui ressemblait à s’y méprendre aux restes d’une grenade
lacrymogène mais qui était en réalité une grenade GM2L tombée quelques secondes
plus tôt et n’ayant pas encore explosé. Je me suis vu lui crier de la lâcher lorsque celleci explosa dans sa main. Tout s’est passé très vite, je l’ai empoigné par le dos ou par le
sac et je l’ai guidé à l’extérieur de la zone d’affrontements. Je l’ai assis au pied de la
statue au centre de la place et j’ai alors vu ce à quoi ressemblait une main en charpie,
privée de ses cinq doigts, sorte de bouillie sanguinolente. Je le rappelle, j’ai 21 ans et je
suis étudiant en sciences sociales, personne ne m’a appris à traiter des blessures de
guerre. J’ai crié, crié et appelé les street medics à l’aide. Un homme qui avait suivi la
scène a rapidement accouru, il m’a crié de faire un garrot sur le bras droit de la victime.
Un garrot… Comment pourrais-je avoir la moindre idée de comment placer un garrot sur
une victime qui a perdu sa main moins d’une minute plus tôt ? Après quelques instants
qui m’ont paru interminables, les street medics sont arrivés et ont pris les choses en
main.
Jamais je n’avais fait face à un tel sentiment d’impuissance. J’étais venu manifester,
exprimer mon mécontentement contre les réformes de ce gouvernement qui refuse de
baisser les yeux sur ses sujets qui souffrent, sur sa jeunesse qui se noie et sur toute
cette frange de la population qui suffoque dans la précarité. Je sais pertinemment que
mes protestations n’y changeront rien, mais manifester le samedi me permet de garder
à l’esprit que je ne suis pas seul, que le mal-être qui m’habite est général. Pourtant, ce
samedi plutôt que de rentrer chez moi heureux d’avoir revu des amis et d’avoir
rencontré des gens qui gardent espoir, je suis rentré chez moi dépité, impuissant et
révolté. Dites-moi Monsieur, comment un étudiant de 21 ans qui vient simplement
exprimer sa colère la plus légitime peut-il se retrouver à tenter d’installer un garrot sur le
bras d’un inconnu qui vient littéralement de se faire arracher la main sous ses propres
yeux, à seulement deux ou trois mètres de lui ? Comment en suis-je arrivé là ?
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Je n’ai plus peur de le dire. Aujourd’hui j’ai un dégoût profond pour cette République
moribonde. Les individus au pouvoir ont perverti ses valeurs et l’ont transformée en
appareil répressif à la solde du libéralisme. J’ai développé malgré moi une haine
profonde pour son bras armé, qui défend envers et contre tout ces hommes et ces
femmes politiques qui n’ont que faire de ce qu’il se passe en bas de leurs châteaux. J’ai
toujours défendu des valeurs humanistes et pacifistes, qui m’ont été inculquées par mes
parents et desquelles j’ai jusqu’ici toujours été très fier. C’est donc les larmes aux yeux
que j’écris ceci mais dites-moi Monsieur, comment aujourd’hui après ce que j’ai vu
pourrais-je rester pacifique ? Comment ces individus masqués, sans matricules pourtant
obligatoires peuvent-ils nous mutiler en toute impunité et rentrer chez eux auprès de
leur famille comme si tout était normal ? Dans quel monde vivons-nous ? Dans un
monde où une association de policiers peut ouvertement appeler au meurtre des
manifestants sur les réseaux sociaux, dans un monde où les parlementaires et le
gouvernement souhaitent renforcer les pouvoirs de cette police administrative qui frappe
mutile et tue. Croyez-moi Monsieur, lorsque je vous dis qu’il est bien difficile de rester
pacifique dans un tel monde…
Aujourd’hui être français est devenu un fardeau, je suis l’un de ces individus que l’État
qualifie de « séparatiste », pourtant je ne suis pas musulman, ni même chrétien
d’ailleurs. Je suis blanc, issu de la classe moyenne, un privilégié en somme… Mais
quelle est donc alors cette religion qui a fait naître en moi une telle défiance vis-à-vis de
l’État et de la République ? Que ces gens là-haut se posent les bonnes questions, ma
haine pour eux n’est pas due à un quelconque endoctrinement, je n’appartiens à l’heure
actuelle à aucune organisation, à aucun culte « sécessionniste ». Pourtant je suis las
d’être français, las de me battre pour un pays qui ne veut pas changer. Le
gouvernement et les individus au pouvoir sont ceux qui me poussent vers le
séparatisme. Plutôt que de mettre sur pied des lois visant à réprimer le séparatisme
chez les enfants et les étudiants, qu’ils s’interrogent sur les raisons qui se cachent
derrière cette défiance.
La France n’est plus ce qu’elle était, et je refuse d’être associé à ce qu’elle représente
aujourd’hui. Aujourd’hui et malgré moi je suis breton avant d’être français. Je ne
demanderais à personne de comprendre mon raisonnement, seulement aujourd’hui j’ai
besoin de me raccrocher à quelque chose, une lueur, qui aussi infime soit-elle me
permette de croire que tout n’est pas perdu. Ainsi c’est à regret que je dis cela mais
cette lueur je ne la retrouve plus en France, nous allons au-devant de troubles encore
plus grands, le pays est divisé et l’antagonisme grandit de jour en jour. Si rien n’est fait,
les jeunes qui comme moi chercheront une sortie, un espoir alternatif en lequel croire,
quand bien même celui-ci serait utopique, seront bien plus nombreux que ne l’imaginent
nos dirigeants. Et ce ne sont pas leurs lois contre le séparatisme qui pourront y changer
quelque chose. Pour certains cela sera la religion, pour d’autre comme moi, le
régionalisme. Comment pourrait-il en être autrement quand 90 % des médias ne
s’intéressent qu’aux policiers armés jusqu’aux dents qui ont été malmenés par les
manifestants ?
Nous sommes plus de 40 heures après les événements de samedi soir et pourtant je
n’ai vu nulle part mentionné le fait qu’un manifestant avait perdu sa main, qu’un
journaliste avait été blessé à la jambe par des éclats de grenades supposées sans
danger. Seul ce qui reste de la presse indépendante tente encore aujourd’hui de faire la
lumière sur les événements terribles qui continuent de se produire chaque semaine.
Soyons reconnaissants qu’ils continuent de le faire malgré les tentatives d’intimidation
qu’ils subissent en marge de chaque manifestation.
Je tenais à vous le dire Monsieur, la jeunesse perd pied. Dans mon entourage sur Paris,
les seuls de mes amis qui ne partagent pas mon mal-être sont ceux qui ont décidé de
fermer les yeux et de demeurer apolitiques. Comment les blâmer ? Tout semble plus
simple de leur point de vue. Nous sommes cloîtrés chez nous pendant que la planète se
meurt dans l’indifférence généralisée, nous sommes rendus responsables de la
propagation du virus alors même que nous sacrifions nos jeunes années pour le bien de
ceux qui ont conduit la France dans cette impasse. Les jeunes n’ont plus l’envie
d’apprendre et les enseignants plus l’envie d’enseigner à des écrans noirs. Nous
sacrifions nos samedis pour aller protester contre ce que nous considérons comme
étant une profonde injustice, ce à quoi l’on nous répond par des tirs de grenades, de
gaz lacrymogènes ou de LBD suivant les humeurs des forces de l’ordre. Nous sommes
l’avenir de ce pays, pourtant l’on refuse de nous écouter, pire, nous sommes muselés.
Beaucoup de choses ont été promises, nous ne sommes pas dupes.
Ne gaspillez pas votre temps à me répondre. Il s’agissait surtout pour moi d’écrire mes
peines. Je ne vous en fait part que parce que je sais que cette lettre ne constituera pas
une surprise pour vous. Vous êtes au premier rang, vous savez à quel point l’abîme
dans lequel sombre la jeunesse est profond. Je vous demanderai également de ne pas
vous inquiéter. Aussi sombre cette lettre soit-elle, j’ai toujours la tête bien fixée sur les
épaules et j’attache trop d’importance à l’éducation que m’ont offert mes parents pour
aller faire quelque chose de regrettable, cette lettre n’est donc en aucun cas un appel au
secours. J’éprouvais seulement le besoin d’être entendu par quelqu’un qui, je le sais,
me comprendra.
Mateo
» Je le rappelle, j’ai 21 ans et je suis étudiant en sciences sociales, personne ne m’a appris à traiter des blessures de guerre »………
Bonjour, Matéo,
vous êtes jeune et vous semblez lucide, mais » étudiant en sciences sociales » ne me semble pas la bonne formation pour survivre dans le monde qui vous attend! car « des blessures de guerre », vous allez en rencontrer beaucoup dans le « monde d’après », mais ça, vu votre désillusion, vous le savez déjà implicitement.
J’ai 72 ans, et bien sûr en ma qualité de baby-boomer, les jeunes d’aujourd’hui m’accusent de leur laisser un monde à feu et à sang. Sachez toutefois, si vous êtes lucide, que étant libéral, je n’ai jamais cautionné les gouvernements successifs (socialistes de gauche ou de droite), qui se sont acharnés à corrompre la démocratie. Nous, les libéraux, avons été submergés par le nombre croissant d’assistés créés par ces gouvernements afin d’asseoir leur domination par des suffrages légitimes en apparence, mais complètement pervertis par l’assistanat.
Il est trop tard pour moi, mais vous qui avez devant vous un avenir qu’il vous appartient de construire, prenez vous en main, formez vous dans des disciplines utiles à votre survie ( la médecine, la technologie, etc….) et choisissez soigneusement le pays ou la région qui pourront vous accueillir en vous laissant libre de développer vos capacités et votre inventivité. Les sciences sociales, c’est bien, mais, comme l’art, ça ne devient possible que quand on a le ventre plein, de quoi se chauffer, se loger, se vêtir, se défendre. Si vous trouvez cet eldorado, (et vous avez de bonnes chances puisque des solutions sont encore possibles pour les jeunes comme vous), l’âge et l’expérience venant, je vous souhaite de trouver la paix en décorant votre grotte de merveilleuses peintures du monde que vous aurez construit.
Bien à vous et bon courage!
@Mateo,
3 pays pourraient correspondre à votre « attente/profil » : l’Écosse ( au dessus d’Édimbourg ), la Finlande, l’Irlande au centre . . . .
Jeune Mateo
En admettant que vous existiez, vous feriez mieux d’avoir confiance en vous plutôt qu’en cette idée farfelue de la France qui , si je vous comprends bien, devrait vous apporter tout un tas de choses, que vous n’auriez pas à obtenir par vous-même.
Vous êtes la simple victime d’une croyance en ce qui n’existe pas et vous oubliez de vous assumer.
Commencez par ça, au lieu de manifester, par construire et travailler.
Depuis 50 ans , les gouvernements communo-socialiste successif, (droite, gauche, vert, …)ont imaginé le bien être des ouvriers, ont supprimés les emplois qui les faisaient vivres, en les remplaçant par des aides sociale, qui les as rendu totalement dépendant et les as installé dans une précarité permanente; la monarchie constitutionnelle française, laisse la part belle à une clique de fonctionnaires, qui ne veulent pas prendre le risque de perdre leurs pouvoir, d’ou leurs défenses par leurs violences, ( fiscal, social, sécuritaire,) ils défendent en fait leurs pré-carré, en te pétant la main, ils espèrent que le suivant rentre dans le rang…, on vote uniquement pour maintenir une castre, qui ne veulent pas perdre le pouvoir; on a l’impression que se sont les anciens les responsables, hors les jeunes au pouvoir maintienne cette état, et ne veulent surement pas que cela change;
Par leurs humanisme, au frais de la population, ils font rentrés des centaines de milliers d’immigré d’origine principalement africaine, qui haïssent l’occidental, et nous haïssent ; pourquoi?