Johnny HALLYDAY

Je suis d’un an plus jeune que Johnny Hallyday. Je dois dire qu’à l’époque des faits, dans les années 60, j’étais plus Dutronc que Johnny.

Ceci dit ce n’est pas de moi dont je voulais vous parler, désolé pour cet écart.

Nous sommes, parait-il, quinze millions à avoir suivi les obsèques de M. Hallyday à la télévision et, quand même, pas loin d’un million qui étaient sur place.

C’était des obsèques XXXL, l’émotion était indéniablement présente et colossale.

Un petit coup de chapeau à Madame Line Renaud pour sa sensibilité et sa vraie modestie.

Une fois l’émotion exprimée, la larme séchée, on se prend à penser : « mais qu’est-ce qui c’est passé ? »

On a vu une église pleine d’apparatchiks et à l’extérieur une foule faite de gens simples, les deux hermétiquement séparés par deux barrières, l’une matérielle, l’autre abstraite. C’était saisissant.

La sincérité des gens simples était évidente, celle des apparatchiks plus suspecte, au moins pour certains.

La question est la suivante : le pouvoir était-il dans l’église ou dans la rue ? Car, derrière l’émotion affichée, il était bel et bien là le pouvoir.

Il m’a paru que les hommes de pouvoir étaient contraints. Rien en effet n’aurait pu arrêter la déferlante de la foule venue partager une émotion, qu’elle dut laisser sur le trottoir en repartant bredouille.

Les apparatchiks avaient décidé de canaliser foule et émotion à leur avantage. Ils l’ont bien fait, on n’y a vu que du feu.

Que représentait cet homme, Johnny, pour cette foule venue spontanément — pas comme pour les défilés politiques ou syndicaux organisés et payés par les partis ou les syndicats — ?

Seul chacun des participants le sait au fond de lui, ou croit le savoir.

Voici mon hypothèse, qui n’est donc qu’une hypothèse.

Au préalable un petit détour chez moi.

Figurez-vous qu’il fut un temps où nous donnions à manger aux animaux sauvages de notre jardin. Gardons raison ce n’était pas des lions, il ne s’agissait que d’écureuils, de pies et de palombes, mais ils venaient manger journellement à deux mètres de la fenêtre de notre séjour.

J’ai pu les observer longuement.

Nous ne les alimentons plus car notre maison était alors envahie de tiques, ce que nous attribuions très injustement à notre chien, alors que lui-même était la victime de ces animaux sauvages transporteurs de parasites. Nous avons supprimé la nourriture, ils ne viennent plus, nous n’avons plus de tique.

Revenons au sujet, la particularité de ces animaux, en dehors de leur beauté et de la curiosité qu’ils provoquent, c’est qu’ils vivent dans la peur.

Une peur constante, visible, qui les met en mouvement perpétuel, prêts à faire face ou à détaler. Une peur si inquiétante qu’elle fait peur à observer.

Dans le même temps, mon chien lui ronflait à longueur de journée. Il était étranger à la peur, sauf s’il pensait encourir mon courroux après avoir fait une connerie.

Il était clair que mon chien a échangé sa peur contre sa liberté. En acceptant d’être mon animal domestique, d’être sous ma servitude, il a éloigné la peur.

Il y a donc un lien fort entre la liberté et la peur. La liberté fait peur.

Comme les animaux les hommes croient n’avoir que deux choix, la peur ou la servitude.

De la même manière que les animaux, il n’est pas rare que les homme contractent un marché de dupe et doivent subir la peur tout en ayant accepté une servitude qui finira mal pour eux. Il faudrait en parler avec les vaches, avant leur arrivée sur l’étal du boucher.

J’imagine que Johnny représentait la liberté pour tous ces gens simples qui ont abandonné leur liberté aux apparatchiks pour éviter la peur qu’elle véhicule.

Je crois que c’est cela qu’ils sont venus dire : « Tu nous quittes, « capitaine même pas peur », nous étions libres à travers toi, que va-t-on devenir ? »

Car Johnny Hallyday c’était : la moto « même pas peur », le fric « même pas peur », les impôts « même pas peur », les déserts « même pas peur », les femmes « même pas peur », les apparatchiks « même pas peur », jamais peur Johnny.

Il était donc, entièrement, à travers sa musique, ses chansons et sa vie, ce message d’intrépidité, de refus de la peur, de passion de la liberté individuelle, de toutes les libertés. Ce message il l’exposait au grand jour, tous pouvaient le partager, se l’approprier, il le leur donnait.

C’est ce message qui perturbe gravement la pensée politique de Mélenchon, qui ne peut ni l’entendre, ni le voir, ni le comprendre et n’a pas apprécié cette cérémonie dédiée par les gens simple au courage en même temps qu’à l’amour de celui qui vivait pour eux ce courage.

Sur ce blog nous connaissons bien les ravages de la peur.

Notamment son résultat le plus commun, l’abandon des libertés en espérant, en échange de la servitude, ne plus avoir à affronter la peur. C’est ce réflexe universel qui domestique, au profit de leurs tyrans, les animaux et les hommes.

Personnellement, comme tout le monde, j’ai eu très peur toute ma vie, j’ai encore peur. Notamment Bercy me fait peur.

Je pense à Jean Moulin et à sa lucidité, lui qui agissait en toute conscience de la peur et qui s’est jeté par la fenêtre pour que la peur ne l’oblige pas à trahir face à la torture. Résister fait peur.

Le gout de la liberté, l’idée que l’on se fait d’elle — peut-être simple utopie — vaut d’affronter la peur. D’autant que de multiples preuves sont là pour nous faire savoir que la servitude n’est pas une garantie contre la peur.

Johnny Hallyday, bouclier anti-peur ?

C’est ce que je crois. La foule qui était présente refuse la servitude qui lui est imposée par les hommes de pouvoir, mais la peur la paralyse, elle extériorisait en venant ici son désir de liberté à travers Johnny Hallyday, le jour de sa mort elle se trouve orpheline de cet ami sincère qui n’avait « même pas peur » et soulageait sa servitude. Les hommes de pouvoir n’avaient pas le choix, s’ils avaient entravé cette foule, elle aurait explosé.

En cela on peut dire que oui, au-delà du saltimbanque, au-delà de l’être aimé et aimant, Johnny Hallyday était quelqu’un d’immense.

Il faut être immense pour porter seul la peur de tous.

Cordialement. H. Dumas

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A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

8 réflexions sur « Johnny HALLYDAY »

  1. Bonsoir,

    « Il faut être immense pour porter seul la peur de tous. » cette phrase résume tout.

    C’est comme l’entrepreneur qui cherche à bousculer les codes et le qu’en-dira-t-on. On voit nettement que là où il jouit d’une image positive la société se porte globalement bien et là où l’on songe s’abord à lui faire les poches après son succès la société décline et sombre dans la violence.

    cdlt

  2. Bjr,
    Beau texte mais avec des nuances car le chanteur jouait à copains comme cochon avec les politiques et même avec Hollande Junior!

    Je constate une énième fois que les Français sont des veaux comme le disaitle Général car si des millions se déplacent pour les funérailles d’un chanteur, combien descendent dans la rue pour défendre leurs libertés & leurs droits, contre les abus des politocards et les nazillons du fisc!

    Des vrais moutons qui conspuaient en coeur le Johnny il n’y a pas si longtemps quand les médias propagandistes hurlaient contre lui pour son exil fiscal!

    @+

  3. Votre texte est superbe et (devenue fan « par alliance ») je partage sincèrement la peine ressentie.
    Mais, même si (comme vous le dites) il était un symbole du « même pas peur » voir qu’autant de gens ne parviennent à s’exprimer ou se manifester qu’à travers une idole (ou un guide, un mentor, un gourou…) m’inquiète ou me désole…
    Beaucoup s’identifiaient, ne vivaient que pour et à travers Johnny… N’est-ce pas une forme de névrose, de drogue, d’aliénation ?
    La liberté pour moi ?
    Commencer par essayer d’être soi-même (autonome psychologiquement), tout en acceptant les limites (imposées par la vie en société) mais en résistant au conditionnement.
    Etre comme Diégo : Libre dans sa tête !

  4. j’évoquerai le sujet dans mon prochain papier sur les politiciens professionnels commencé avant la mort de Johnny … qui se précipitent dans tous les raouts médiatiques histoire d’être vus !
    En attendant, je ne sais pas s’il l’a fait intentionnellement, mais il va être enterré dans un paradis fiscal !
    Pour un pied de nez à qui l’on sait …
    Ouaf mort de rire !

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