Le dernier contango
par Eric Peiffer, Globalsilver, commentaire posté sur mon papier « Ils sont objectivement passibles d’un tribunal international ».
« L’expression “dernier contango” est empruntée au mathématicien Antal Fekete, dont l’auteur s’est largement inspiré.
La configuration du marché de l’or
La structure normale du marché de l’or est le contango, ce qui signifie que le prix à terme est supérieur au prix comptant . La différence entre le prix à terme et le prix comptant (base de l’or) correspond à la la prime versée par les marchés en contrepartie d’un service de gardiennage.
On assiste à un phénomène étrange depuis la naissance en 1975 des contrats futures sur l’or: la base de l’or, exprimée en pourcentage du taux d’intérêt, n’a pas cessé de diminuer, pour devenir nulle pour la première fois le 2 décembre 2008. Elle a ensuite fait des incursions de plus en plus fréquentes en territoire négatif. Aujourd’hui, la base de l’or n’est plus que rarement en contango. C’est la backwardation, ou déport.
L’or et l’argent disparaissent de la circulation
Une telle situation indique que l’or et l’argent, dont les hommes ne se défont que s’ils sont certains de pouvoir les retrouver dans les mêmes termes, disparaissent de la circulation. En effet, la backwardation conduit les coffres à se vider car elle permet aux sociétés d’entreposage de réaliser des profits additionnels en débouclant leurs positions (straddles composés d’un achat d’or comptant et d’une vente à terme) avant l’échéance des contrats à terme. La backwardation est également révélatrice du comportement des investisseurs: elle signale que les possesseurs d’or refusent de s’en défaire contre des dollars quelle que soit l’ampleur des profits sans risque que les marchés peuvent leur proposer.
Dans une structure normale de marché, si vous vendez votre or physique et achetez simultanément une promesse de livraison de la même quantité d’or, cette opération vous coûte de l’argent: elle vous coûte les frais d’entreposage. Le déport signifie que le marché est prêt non seulement à régler tous vos frais d’entreposage à votre place, mais aussi à vous verser des profit sans risque, si vous acceptez de vous séparer de votre or ne fut-ce que pendant quelques semaines. Tout se passe comme si votre banque vous proposait spontanément de régler vos factures à votre place sans passer leurs montants au débit de votre compte, et vous offrait en plus une prime pour vous remercier d’avoir accepté de lui faire tant d’honneur. Dans une telle situation, vous deviendriez certainement très méfiant. Vous vous demanderiez ce qui peut bien pousser votre banque à faire ça, et quelles sont ses intention cachées. Nous sommes précisément dans cette situation sur le marché de l’or. Mais ceci ne suscite pas la moindre question de la part des économistes. Cédez votre or, on réglera vos factures pour vous et on vous donnera une prime. Et surtout ne nous remerciez pas parce que c’est normal! “C’est lorsque mes ennemis me font des cadeaux que je les crains le plus”. Virgile, Enée, II.49
La convertibilité or dollar: une bataille perdue d’avance
La backwardation est toujours et partout le signe d’une pénurie. Une pénurie est incompatible avec un cours en baisse. Or c’est ce à quoi on a assisté ces dernières années. La seule explication rationnelle est la suivante: la baisse des cours (on comprend qu’elle a été orchestrée) n’a pas réussi à mettre fin à la backwardation. Qui peut bien offrir des quantités d’or invraisemblables, provoquant la baisse des cours, au moment où les marchés sont désespérément demandeurs d’or? La réponse est évidente: les banques centrales. Même si il est peu probable qu’elles aient vendu leur or, il est hautement probable qu’elles l’aient loué, car l’or étant une matière première qui peut être stockée, il existe un marché de la location. L’avantage est que la location d’or permet aux banque centrales d’inscrire l’or à la actif alors qu’elles ne l’ont plus. Il s’agit d’une pratique tout à fait habituelle lorsque les cours sont en contango puisqu’elle permet à la société d’entreposage de réaliser des profits additionnels en louant ses stocks jusqu’à une échéance qui est antérieure à celle à laquelle elle s’est engagée à livrer en vendant un contrat à terme. Mais louer de l’or lorsque les cours sont en déport est une toute autre histoire: c’est la garantie de ne jamais le retrouver. Il apparaît que les banques centrales, pour qui il est une nécessité vitale de maintenir l’illusion que les promesses qu’elles émettent sont convertibles en or, sont aujourd’hui les seuls vendeurs d’or. Mais leurs stocks ne sont pas infinis. Le jour où ils seront tous partis, les offres de vente d’or auront disparu: l’or ne sera plus disponible à aucun prix.
La backwardation ou la phase ultime d’un système de Ponzi
La backwardation sur l’or est un épiphénomène qui n’est pas digne du moindre intérêt, affirment les économistes. Ces gentlemen trahissent ainsi leur incompréhension des mécanismes à l’oeuvre dans la crise que nous traversons depuis 2009, soit un siècle après que la France et l’Allemagne aient décidé de forcer leurs peuples à accepter des promesses en échange de biens et de services. Car cette crise est une crise de l’or, dont la période d’incubation se mesure en décennies, et aux conséquences de laquelle les hommes ne sont pas le moins du monde préparés: dans l’histoire des hommes, jamais l’or n’a été introuvable quelque soit le prix proposé, jamais les gouvernements n’ont tous fait défaut en même temps. Or c’est ce qui va arriver.
Il n’est un secret pour personne que les promesses émises par les gouvernements ne sont remboursables en rien d’autre qu’en elles-mêmes. Par exemple, la dette émise par le Trésor américain est payable en billets de la Réserve fédérale (les dollars que nous connaissons), qui ne sont pas payables en quoi que ce soit, mais sont garantis par la même dette du Trésor américain. Comment se fait il qu’un tel système de Ponzi, que de tels chèques en bois puisse(nt) hypnotiser le monde entier? Après avoir exploré toutes les réponses possibles, on en vient à la conclusion que cette dette est demandée parce qu’elle est encore, d’une certaine manière et pour l’instant, échangeable contre de l’or: le dollar permettant encore d’acheter de l’or par le biais du marché à terme, on peut encore considérer que la dette américaine est payable en or à l’échéance, même si à un taux de change variable.
Mais le jour où ce dernier lien, ténu, entre l’or et le dollar sera rompu, ce qui ne manquera pas d’arriver compte tenu de la configuration dans laquelle se trouve le marché de l’or, alors le tapis sur lequel le château de cartes a été construit sera retiré, et le système monétaire s’effondrera comme les twin towers du World Trade Center.
Voyez les choses de cette manière: il existe un casino (le marché obligataire) dans lequel les parieurs peuvent prendre des paris sans risque. C’est la maison qui régale. Mais il y a un hic: la montagne de gains qui se trouve devant chaque participant peut devenir irremboursable à tout instant et sans préavis. Lorsque le marché de l’or entrera dans sa phase ultime de backwardation permanente, conduisant au retrait de toutes les ventes d’or et à la disparition du marché à terme, la détention de dette américaine n’aura plus aucune base rationnelle. On assistera à une course folle vers la sortie. Les porteurs de dette se piétineront à mort pour essayer d’encaisser leurs gains. En vain.
Explosion thermonucléaire
L’or, unique extincteur définitif de dette, a été exilé de force du système monétaire par la force. Il n’existe aujourd’hui plus aucun moyen de retirer une dette du système monétaire. Les économistes prétendent que transférer la dette aux banques puis au gouvernement équivaut à la retirer du système. La réalité est que seule la circulation de l’or peut éteindre la dette. Or avec un marché en backwardation permanente, la circulation de l’or est inexistante, et la montagne de dette ne peut plus que grossir à un rythme toujours plus soutenu. La dette est comme un matériau nucléaire qui doit être manipulé avec d’extrêmes précautions. Le dernier contango, ou la backwardation permanente, activera une réaction en chaîne suivie d’une explosion thermonucléaire qui provoquera des dommages sociaux considérables et à la survenue desquels l’humanité n’est pas absolument préparée. L’effondrement cataclysmique du régime des monnaies fiduciaires n’a pas encore eu lieu, mais sa survenue est désormais acquise, et le jour du jugement imminent. Le dernier contango sera un événement dévastateur qui éclipsera toutes les crises précédentes. Il détruira la richesse des hommes, et conduira à la mise à l’arrêt du capital fixe et dons des chaînes de production. Des hordes d’hommes désoeuvrés et sans ressources, faute d’avoir acheté de l’or à temps, sillonneront les rues, pillant, tuant, violant et appliquant leurs propres lois. La civilisation disparaîtra, comme elle disparut à la chute de l’Empire romain mais cette fois à l’échelle de la Terre entière.
Renaissance par l’or
C’est alors que l’étalon or, tel le phénix mythologique, renaîtra de ses cendres. Les hommes sont des animaux sociables, qui ont besoin d’échanges avec leurs semblables pour vivre: personne ne peut être à la fois boulanger, maçon, instituteur, commerçant, médecin… C’est ainsi que les hommes qui voudront intensément un bien ou un service paieront en or ou en argent. L’humanité, qui aura une fois de plus (parce le taux de mortalité des monnaies fiduciaires dans l’histoire est de 100%) appris à ses dépends ce que valent les promesses des gouvernements, reviendra spontanément à l’utilisation des monnaies choisies par les hommes au terme d’un processus oublié de 4.000 ans, monnaies que sont l’or et l’argent, seuls biens sur terre à avoir une valeur objective. Un premier pays ouvrira sa Monnaie (l’institution) à la libre frappe des pièces d’or et d’argent. Tout l’or jamais extrait du sol, qui existe sous forme de bijoux ou autres, convergera vers cette Monnaie, qui remettra en échange des real bills, lettres de change payables en pièces d’or à la date à laquelle les pièces auront été frappées (une saison soit 91 jours maximum). La libre circulation de ces lettres de change permettra aux marché de financer la production et la distribution des biens de consommation courante, sans qu’il soit nécessaire d’envahir le pool des pièces d’or ne serait-ce qu’une fois, faisant ainsi disparaître le chômage. Les possesseurs d’or et d’argent disposeront de la seule forme de capital qui permettra de relancer les chaînes de production. Ils deviendront les nouveaux capitalistes, ces acteurs absolument indispensables à la société puisqu’ils permettent à tous les talents d’exprimer leur plein potentiel, pour le bien de tous. A nouveau fonctionnel et débarrassé de l’influence néfaste des gouvernements, le marché des capitaux permettra aux hommes, qui savent qu’ils passent d’une situation de surplus de force physique et mentale à une situation de déficit, de préparer leurs vieux jours en convertissant de la plus efficace des manières leurs revenus en richesse, pour plus tard convertir cette richesse en revenus. »
Bien cordialement. H. Dumas