C’est ainsi que cela se passait

Ce billet n’a pas la prétention d’être historique, ni scientifique, il s’agit d’une simple plongée dans les souvenirs de l’homme très ordinaire que je suis.

Je me suis installé à mon compte en avril 1965, il y aura donc 48 ans en Avril 2013. Je travaille toujours, cela me convient parfaitement.

En Avril 1965 :

– C’était le plein emploi. Non seulement tout le monde travaillait, mais la plupart étaient sollicités à leur travail pour des emplois mieux payés ou plus intéressants. La main d’œuvre était importée en très grande quantité.

– Les milieux modestes poussaient leurs enfants à faire des études. Aussitôt diplômés, les avocats, assureurs, dentistes, médecins, ou autres posaient leur plaque, les clients affluaient. Deux ou trois ans plus tard ils construisaient déjà leur maison, possédaient les plus belles voitures. L’ascenseur social marchait à fond.

– La propriété privée était sacralisée. Lorsque l’Etat expropriait, il surpayait pour compenser la privation de propriété.

– Les salariés du secteur privé étaient payés 20 ou 30% de plus que les fonctionnaires. Ces derniers, moins rémunérés, mettaient en avant leur statut de serviteur de l’Etat et l’idée du sacrifice pour justifier leur situation. Tout le monde s’accordait à penser que la sécurité de l’emploi et l’irresponsabilité dont ils jouissaient étaient naturelles, compensant leurs petits salaires.

– L’Etat était centralisé, les préfets possédaient un pouvoir absolu. Dans chaque département ils représentaient l’Etat central.

– L’économie, elle, était décentralisée. Chaque ville moyenne possédait sa banque, ses entreprises, ses commerçants, ses cliniques. La compétition était tonique.

– Pas ou peu de permis de construire, l’acte constructif était partout libre. Pas de permis de conduire à point, pas de limitation de vitesse, pas de casque en moto. La liberté de mouvement était la règle.

– La réussite au Bac était de l’ordre de 40% (c’est une impression, je ne suis pas sûr du chiffre), mais plus de la moitié des élèves avaient quitté l’école bien avant.

– Les métiers étaient globalement libres, il ne fallait pas de diplôme pour être  agent immobilier, notaire, huissier, architecte (maître d’œuvre), etc… donc le bac ne manquait pas à ceux qui n’avaient pas jugé utile de le passer.

– Les plus values n’étaient pas imposées, la fiscalité était légère. Les prestations de l’Etat étaient limitées. Les impôts locaux insignifiants.

– La guerre d’Algérie venait de se terminer, les pieds noirs furent absorbés sans trop de problème.

– Il y avait une inflation constante, la construction d’une maison coutait à la sortie 10 à 20% de plus que les devis initiaux. Il n’était pas rare d’attendre son branchement téléphonique un ou plusieurs mois. Les salaires suivaient l’inflation, ils étaient augmentés tous les deux ou trois mois.

– L’impression d’enrichissement était constante pour ceux qui travaillaient. Il y avait quelques SDF, que l’on appelait « clodos », ils étaient 5 ou 6 pour une ville de 30.000 habitants, connus de tous. Les bidonvilles étaient en voie de  disparition.

– Par contre, les libertés personnelles étaient limitées, censure au cinéma, en littérature, radio et télévision d’Etat, l’originalité n’était pas de mise.

– L’offre politique était indigente. Les élus étant quasiment bénévoles, ils étaient majoritairement issus des classes dirigeantes.

Ces années furent un enrichissement constant, pour tous et à tous les niveaux, économique, scientifique et culturel.

Tant et si bien que l’idée de profiter de cette richesse se fit pressente.

C’est dans ces conditions qu’advint Mai 68

Une révolution de fils à papa qui voulaient plus de liberté, un monôme. Un monde ouvrier, piégé par l’image de cette révolution, qui alors, un peu partout, se saisissait de l’outil de production. Moyennant quoi, le retour de bâton fut terrible. La gauche fut écrabouillée aux élections qui suivirent le monôme. Un peu plus de dix ans plus tard, cette liberté pour enfants gâtés arrivera avec la prise du pouvoir par Mitterrand.

Le monôme devint alors le socialisme.

Aujourd’hui, 44 ans de socialisme plus tard :

– La règle pour les jeunes, diplômés ou pas, est le chômage.

– La majorité fait de longues études, tout le monde a le bac, mais l’ascenseur social est en panne.

– La propriété privée est largement contestée, elle n’existe plus pour le foncier et les droits à construire.

– Les fonctionnaires sont payés 20 à 30% de plus que le secteur privé. Ils sont toujours irresponsables et conservent la garantie de l’emploi.

– l’Etat est décentralisé.

– L’économie est hyper-centralisée.

– La majeure partie des métiers est inaccessible sans un parchemin délivré par l’omniprésente Education Nationale.

– Les impôts sont écrasants.

– L’inflation est quasiment nulle. Les salaires statiques.

– Nous ne sommes pas en guerre apparente à l’extérieur, mais à l’intérieur les SDF se sont multipliés.

– Les libertés personnelles de circulation, d’action professionnelle, de construction, etc… se sont réduites comme peau de chagrin.

–  Celles touchant à la culture, à condition d’aller dans le sens de la pensée majoritaire, sont totales, la censure a disparu. C’est un point largement positif, qui ne procure malheureusement ni le gîte ni le couvert.

– Il y a pléthore d’offres politiques, la politique a perdu son aspect bénévole en devenant un métier à part entière et, pratiquement, le seul ascenseur social disponible.

Conclusion :

Ces souvenirs me tétanisent. S’il y a un rapport entre l’appauvrissement de notre société et son organisation, un retour en arrière n’étant pas imaginable, ce ne sont ni la planche à billet ni les « mesurettes » actuelles qui peuvent nous ramener à la richesse, tant les modifications ayant entrainé cet appauvrissement sont profondes.

J’ai aussi le souvenir qu’en 1965, il y avait encore de vieilles familles possédant un château et les 300 ou 400 hectares qui allaient avec. Ruinées, ces dernières ont toutes vendu les terres pour garder le château. C’est ça une fin de race : prendre la frime pour la réalité.

La conclusion raisonnable de tout cela est que notre richesse, nos biens, nos ressources seront, sous peu, rachetés par d’autres puissances. Nous allons être économiquement colonisés.

Il s’en suivra pour nos enfants ou nos petits-enfants une guerre de libéralisation à venir.

Bien cordialement. H. Dumas

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A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

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