Abdiquer

La République ne permet pas d’abdiquer. Seulement de renoncer. L’abdication est réservée au roi. C’est normal. Comme gage de la continuité du régime, le roi a un successeur désigné en faveur duquel il abdique. L’élu républicain n’en a pas. Il est seul dans l’espace et le temps pour réaliser son œuvre. Renoncer est son lot, et, croit-il, la sauvegarde de son maintien.

À défaut de renoncer l’élu républicain peut être renvoyé. C’est sa crainte.

Autour de lui s’empressent d’abord ceux qui veulent prendre sa place, ensuite ceux qui n’ont d’autre ambition que de le détruire et enfin, loin de lui, les électeurs qui, par définition, fustigent son action. Personne n’est fiable en somme dans cette galaxie.

Laurent Berger appartient à la deuxième catégorie. Par esprit de vengeance de s’être senti humilié pour n’avoir pas été suffisamment pris au sérieux au début du premier quinquennat ou par la conviction née sur le tard d’une mission de libération du peuple, peut-être des deux, le voici qui, mettant en pièces le principe républicain de la souveraineté de la représentation nationale, il propose de confier à des médiateurs – on croyait jusqu’à présent ce type de proposition réservé aux seuls technocrates – le soin de trouver un arrangement entre les acteurs de la loi reportant l’âge de la retraite à 64 ans et les diverses thèses syndicales prônant pour les unes, son retour à 60 ans, voire au-dessous, ou pour les autres son maintien à 62.

On peut parier, dans l’esprit de Berger, sur son adhésion à la dernière hypothèse, compromis facile du statu quo qui plaît tant aux abouliques.

Comme d’habitude, se rallient à cette proposition les faibles,  les vénaux et les lâches plus soucieux de sauvegarder leur place que d’assurer la pérennité de la nation qu’ils ont juré de servir. Mais ce sont tous des imbéciles qui, croyant ainsi se préserver du désastre, ne font qu’accélérer leur chute.

Car c’est de la dépossession du Parlement qu’il s’agit.

Resterait à créer un tribunal populaire et à faire allégeance à « l’auto-incarné de la République », pour que l’idéologie révolutionnaire de la Nupes triomphe.

À jouer les idiots utiles de Mélenchon, Berger, conforté par les Vichystes du Parlement, aura généré l’anarchie dont il est cependant l’un des plus farouches adversaires. Ce ne sera pas son plus grand titre de gloire.

Reste à espérer qu’à aucun moment, biberonné par les habituelles renonciations de l’appareil d’État qui ont conduit à toutes les démissions, le gouvernement n’en arrive pas, lui aussi, à abdiquer…

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