Lorsqu’il y a dix ans j’ai créé ce blog je n’avais pas d’objectif précis, sauf celui de témoigner de ce qui m’arrivait depuis une dizaine d’années, que je ne comprenais pas.
Architecte intégré au monde économique depuis 1965, j’avais derrière moi 45 ans d’activité. Pendant toutes ces années je me suis contraint à une éthique absolue, que ce soit quant à la qualité esthétique et technique de mes réalisations ou à mes rapports à l’économie en refusant tout gain illicite ou de complaisance, toute connivence avec les maîtres d’ouvrages ou les entrepreneurs.
J’ai vu ce comportement qui faisait ma réputation et ma clientèle, d’essentiel devenir marginal pour cette dernière. Aujourd’hui l’autorisation délivrée par un technocrate est plus importante que la chaine d’intégrité des intervenants.
Puis, cerise sur le gâteau, le fisc à qui je payais scrupuleusement ce que je devais, est venu me fouiller et me piller, me ruiner.
Les dix ans de réflexions partagées sur ce blog ont abouti à la conclusion que je n’ai pas su m’adapter au changement de paradigme de la société.
L’aurais-je voulu je crois que je n’aurais pas pu. En effet je suis convaincu que les modifications sociétales dont je suis la victime sont inappropriées, qu’elles portent en elles le germe de l’effondrement de notre société.
Je suis aussi conscient qu’il pourrait être mal venu de la part d’un homme de 75 ans en fin de course de prétendre que tout était mieux avant et que tout va s’effondrer après. Ce serait une erreur de me faire ce procès car bien que je tire mes réflexions de ma condition — d’où partent mes observations — je ne m’implique pas personnellement dans mes conclusions.
Ces conclusions sont les suivantes : des croyances se sont installées en lieu et place des réalités, notamment sur trois sujets essentiels, le capital, la monnaie, l’égalité.
Ces croyances sont porteuses pour notre société d’aveuglement, d’incompréhension dans un premier temps, puis d’échec et de conflits à venir, pendant que d’autres systèmes sociaux ailleurs mieux lotis progressent — fatalement à notre détriment — entrainant l’inévitable départ de nos jeunes. Si j’avais vingt ans je partirais.
Le capital
Ce fut ma première analyse, le capital est essentiel en tout à tout progrès.
Capitaliser c’est accumuler et transmettre, une activité que de l’ensemble du monde vivant seuls les hommes sont capables. C’est ce qui explique leur développement fulgurant dans la chaine du vivant.
La science, la culture, la pensée, la médecine pour ne prendre que ces exemples sont la résultante de leur capital attaché.
Pas de culture sans bibliothèque qui ne sont que l’expression du capital culturel, que les livres conservés soient lus ou non. Pas de science sans l’enseignement dans cette discipline des connaissances acquises qui sont le capital scientifique. Evidemment il en est de même en économie.
Chaque invention ou compréhension nouvelle vient immédiatement augmenter le capital collectif auquel elle est liée, quelque soit son propriétaire du moment, quel qu’en soit l’usage qui en est fait. Le capital est constitué de choses utilisées et de choses non utilisées. Il n’est pas de capital dormant ou de capital actif, le capital est global.
Ce qui permet de dire que le capital est la chose la plus utile qui soit, qu’il doit être impérativement protégée car toute atteinte à celui-ci met en péril l’activité qui en dépend.
Mais aussi que le capital – dans sa spécialité — est immédiatement commun à toute l’humanité quel qu’en soit son propriétaire.
Le capital est donc une accumulation de biens globale sans hiérarchie d’utilité, collectif par destination indépendamment de son possesseur.
Ceci posé, il n’est pas besoin d’être un fin observateur pour constater que toutes les sociétés qui ont soit détruit, soit oppressé et limité leur capital économique, ont vu leur économie périr.
Mais aussi que notre société croit globalement nécessaire de détruire son capital économique au motif qu’il faudrait l’éparpiller, le partager artificiellement, le redistribuer. C’est la première faute lourde que j’ai constatée. C’est la première des croyances qui tuent.
La monnaie
Souvent confondue avec la richesse la monnaie n’est qu’une convention.
Son utilité économique est réduite à la simple transition. Elle est une garantie de continuité en permettant entre deux ou plusieurs actes économiques de garder intact la valeur générée par ces actes.
Sa crédibilité dépend de sa stabilité. Pour que la monnaie existe il faut que ceux qui en ont besoin s’accordent à lui conférer la valeur qu’ils attendent d’elle.
En réalité la monnaie devrait être indépendante, garantie, à valeur fixe ou au moins prévisible. Sans quoi sa mission n’est pas remplie et elle devient un élément instable des transactions.
De ce point de vue, je n’ai jamais connu de monnaie remplissant les conditions essentielles à la réalité de son existence.
Les Etats se sont attribués l’exclusivité de sa production, alors que le marché aurait certainement était plus apte par la concurrence à créer une monnaie garantie et stable. Mais le phénomène est mondial.
Je n’ai connu que monnaie trafiquée, je suis atterré quand je vois qu’une majorité se dégage pour la trafiquer davantage.
Le crédit excessif qui accroît la masse monétaire au-delà de sa nécessité, qui permet d’accéder au résultat avant l’acte économique devant le générer, est un risque systémique d’une imprudence folle. Ajoutons à cela le fantasme de richesse accolé à la monnaie qui finit par en pervertir l’utilité, tout est de travers pour elle.
Je ne sais pas ce qu’il en serait autrement, si elle était limitée à son rôle, cette situation n’est plus d’actualité depuis presque un siècle.
Notons que la monnaie — s’il n’était des préteurs indélicats — ne permet pas par elle-même de trahir l’économie ou la société. Donc pas d’affaire véreuse sans préteurs véreux, pas de guerre sans préteurs véreux. La monnaie simple garantie temporelle de valeur est neutre, ne représentant momentanément que la valeur ajoutée ou retranchée à une transaction.
Les croyances qui affectent la monnaie sont multiples et profondes. On la pense acteur économique, richesse, initiée par l’Etat qui n’est que son garant, indépendante de l’économie, distribuable comme au Monopoly. Rien à voir avec sa réalité.
C’est la deuxième des croyances qui tuent.
L’égalité
Je m’en suis expliqué dans le billet précédent.
Les hommes naissent égaux, cette égalité fondamentale, indiscutable, est une donnée personnelle. Chacun de nous ressent cette égalité indépendamment de son statut social qui n’est qu’apparence.
Mandela se pensait l’égal de ses geôliers, il l’était même s’il était le seul à ressentir ainsi sa position de prisonnier. Contrairement, beaucoup de puissants sociaux qui se ressentent inférieurs compensent cette sensation par un déchaînement de pouvoir.
La question n’est donc pas « comment rendre égale l’apparence sociale ? » mais plutôt « comment vivre mon égalité d’homme dans un monde inégal ?« .
L’égalitarisme qui prône l’égalité apparente par la redistribution ne fait qu’ouvrir la porte à l’arbitraire et au pouvoir mis au service des croyants à ce système.
Il engendre le vol et son apparente légalité couverte par la légitimité affirmée de la redistribution, sans apporter le ressenti d’égalité personnel.
L’égalitarisme est une croyance qui bouleverse la nature humaine au point de faire d’une émotion personnelle une obligation collective.
Ainsi le sentiment d’égalité et son corollaire le sentiment d’injustice, émotions profondément personnelles, se transforment par le biais de l’égalitarisme en données collectives, évidemment sans solution malgré les contraintes insupportables qu’elles génèrent.
Il s’agit ici de la troisième croyance mortelle parce qu’annihilant le devoir de se connaître soi-même, de s’apprécier en tant qu’homme, indépendamment de sa réussite sociale.
J’ai vu cette troisième croyance s’amplifier jusqu’à devenir un poison paralysant pour notre société.
Conclusion
Tout cela ne m’intéresse plus, ce billet est une sorte de testament intellectuel.
J’ai compris qu’avoir raison ne sert à rien, n’est que souffrance. La raison est mise en échec par le temps. Elle est instantanée, lui s’étire comme bon lui semble.
En 1973 je me suis insurgé contre la loi Royer. J’expliquais alors qu’en mettant la grande distribution en position de monopole on ne rendait service à personne. Pas aux consommateurs évidemment, mais pas non plus aux distributeurs qui allaient s’engraisser dans la facilité au détriment de leur efficacité à venir. Nous y sommes, ces gros pleins de soupe n’ont pas vu arriver les évolutions commerciales du monde, ils sont en train de se fracasser…. partout.
En ce qui me concerne je n’ai aucune chance d’échapper aux vols fiscaux dont je suis l’objet, qui sont la conséquence, le bras armé, des croyances mortelles qui se sont emparées de notre société, dont nous venons de faire le tour, qui vont anéantir ce pays. Je coulerai avec le Titanic-France.
Ces croyances stupides pour survivre ont dû inventer un langage, les mensonges colportés par ce langage me désespèrent et ferment la porte à tout retour en arrière, à toute prise de conscience. Seule la faillite pourra clore cette dérive. Dans quel état allons-nous y arriver ?
Je remercie sincèrement ceux qui ont eu la gentillesse de suivre ce blog et les pénibles avancées de ma pensée. Hélas tout ça pour aucun résultat tangible.
Bien à vous.
Merci pour ces réflexions qui devraient constituer l’objet d’un « grand débat » puisqu’elles sont au cœur des dégradations qui vont achever ce qui paraissait être une civilisation.
Cependant, un des 3 points me parait devoir être précisé, l’égalité . Quand vous dites être d’accord avec la formulation » les hommes naissent égaux », c’est à mon sens là qu’est un immense malentendu sur l’égalité dont se servent les idéologues qui jouent sur 2 tableaux en fonction de leurs intérêts du moment.
La loi, c’est »…naissent libres et égaux en droits ». Je constate que l’égalité n’existe pas dans le vivant.
Quand on parle des droits il s’agit seulement de la redistribution par l’Etat, des droits et des avantages (donc de l’argent)à égalité pour tous. Dans l’absolu, ce qui correspond à cette règle, c’est un revenu de base identique pour tous. Plus question de statuts avec des droits correspondant à des Devoirs, qui se transforment en privilèges, c’est à dire des droits et du pouvoir, mais sans les devoirs et la responsabilité personnelle qui va avec.
Sauf si ces droits correspondent à une nécessité d’intérêt général telle la justice qui doit rester indépendante. Mais dans ce cas, pas question de droit de vote ou autre conflit d’intérêts. En quelques sortes, nos politiciens et nos fonctionnaires devraient être interdits de vote et de politique puisqu’ils ne sont là que pour réaliser la volonté du peuple.
C’est me semble-t-il, ce que pensent les gilets jaunes sans oser l’exprimer.
Le Revenu de base identique pour tous correspond au droit de vivre et il est acquis à la naissance au titre d’un héritage commun, à la fois matériel, culturel et spirituel.C’est une simplification totale du « social » dont j’observe que ceux qui le décident et le distribuent en vivent beaucoup mieux que ceux qu’ils sont censés protéger.
Bonjour,
L’égalité des hommes est d’être des hommes, pas des oiseaux ou des poissons.
Le reste n’est qu’émotion personnelle par rapport à l’inégalité matérielle apparente ou réelle mais constante de la vie.
Certainement pas un problème collectif.
Bien à vous.
Un très grand merci pour cet article et pour tout votre travail de réflexion
C’est d’une très grande justesse et la preuve d’une grande humanité
Je comprend votre écœurement face à cette faillite morale et sociale dont nous sommes tous victimes et vous tout particulièrement
Une vie de travail pour finir dépouiller par des bandits, c’est horrible et c’est impardonnable
Cependant, le fonctionnement de la vie obéit à des lois naturelles et y contrevenir comme nous le faisons actuellement ne dure qu’un temps
Le capital accumulé permet de résister pendant une certaine durée puis le roi est nu et tout s’effondre
Alors les fausses croyances portées par une élite dévoyée s’écroulent en même temps
Tout est balayé très rapidement
Et la société remet alors en avant les croyances et les valeurs qui permettent de reconstituer le capital par le profit et le travail ou alors elle disparait irrémédiablement
Sincèrement, je suis convaincu que nous sommes arrivé à ce point de non retour et que dans les dix ans qui viennent le clocher va être remis au milieu du village
Nous allons vivre des temps de stupeur et de tremblements
Bien à vous
Cher Henri comme le dit Marc Jean vous nous avez aidé. Cela est et reste à votre crédit. Merci.
Vous avez aidé plein de lecteurs à tenir le coup lors de leurs contrôles fiscaux ; ce qui a permis à certains de résister plus efficacement ; sans doute le fisc a été contraint d’adopter des méthodes un peu moins outrancières ; ainsi de nombreux abus ont pu être évités grâce à ces modestes résistants donc indirectement grâce à vous.
Cher Henri, seuls les poissons morts vont dans le sens du courant. La vraie faute , c’est celle que l’on ne corrige pas.
Mais un Citoyen qui veut faire quelque chose a toujours contre lui = Ceux qui veulent l’empêcher de la faire ; ceux qui veulent faire la même chose ; ceux qui veulent faire l’inverse ; ceux qui ne font rien.
N’abandonnez donc pas, vous risqueriez de le faire une heure avant le miracle.
« Les Batailles de la vie , ne sont pas gagnées par les plus forts , ni par les plus rapides , mais par ceux qui n’abandonnent jamais. »
En France des chercheurs qui cherchent, on en trouve mais des chercheurs qui trouvent, on en cherche .
En effet certains considèrent le Chef d’Entreprise comme un Loup qu’on devrait abattre, surtout les administrations française, D’autres pensent que c’est une vache que l’on peut traire sans arrêt; Peu voient en lui le cheval qui tire le char.
Mais pour être chef d’entreprise en France il faut être fou , mais il n’y a qu’un fou qui peut le faire.
Amitiés!