Un bateau en avarie de gouvernail et de moteur flotte. Son commandant peut parfaitement se pavaner sur la passerelle. La situation peut durer des heures, des jours ou des semaines, au gré des vents et des courants, de sa situation par rapport à la côte, du stock de ses provisions.
Mais, inéluctablement, un jour il s’échoue.
Notre pays n’a plus de gouvernail, plus de moteur, des provisions, les récifs sont encore assez loin, peu importe que le commandant gesticule, l’échouage aura lieu, mais pas tout de suite.
D’où viennent ces avaries qui frappent le bateau France ?
Elles ne sont pas la résultante du hasard. Elles sont la conséquence d’une attitude délibérée.
Un ami, récemment, m’a conseillé de lire le livre de Patricia Pitcher « Artistes, artisans et technocrates ». Une partie de la réponse se trouve dans ce livre.
Madame Pitcher, de façon très convaincante, divise les intervenants économiques en trois catégories :
– La première, qu’elle compare aux artistes, sont les créateurs qui, au-delà des normes, dans un espace en apparence à la limite de la folie parce qu’à l’opposé des convenances, de façon erratique, inventent l’avenir. Ils sont les initiateurs, les créateurs de la future richesse.
– La deuxième, qu’elle compare aux artisans, sont les exécutants des projets des créateurs. Ils sont travailleurs, sérieux, honnêtes, acceptent l’ordre établi contrairement aux premiers. Ils sont la plus grande masse, disons la classe moyenne et ouvrière.
– La troisième, les technocrates, sont les administratifs qui contrôlent et rationalisent à l’extrême. Cette classe technocratique exerce son pouvoir sur la masse principale des artisans. Naturellement les créateurs initiaux, impétueux et borderline, sont leurs opposants naturels.
Pour que tout marche bien il faut que chacune de ces catégories reste à sa place où elle est indispensable, il faut aussi qu’elles se respectent entre elles.
C’est ici que se situe le problème.
La troisième catégorie, les technocrates, à l’aide d’une rhétorique dite « planificatrice ou socialiste », a convaincu la deuxième catégorie, celle des artisans, la plus grande masse, de se soumettre totalement à son organisation.
A l’aide de différents arguments mensongers, notamment en instillant la défiance par rapport à la première catégorie des créateurs, les technocrates se sont assurés l’adhésion majoritaire des artisans à leur organisation.
Nous appelons communément cette organisation : « l’administration socialiste ».
En réalité, il s’agit d’un processus d’organisation pensé exclusivement en terme de rationalisation, dont sont absents l’énergie créatrice des artistes et l’humanité des artisans.
Le résultat est un monde inhumain, incapable de se renouveler, d’imaginer, qui perd donc son moteur et son gouvernail, par l’affaiblissement anormal des deux premières catégories au profit de la troisième, mais qui flotte. Qui, de loin, donne l’impression d’un bateau en marche, alors qu’il n’est plus que le jouet des vents et des courants.
La France est devenue cela, un bateau errant.
Son gouvernail : les artistes-créateurs, son moteur : les artisans-exécutants, sont bloqués par la rouille que dégage une technocratie rigide et envahissante.
L’avarie est là et bien là.
Inutile d’espérer une solution venant du capitaine qui s’agite sur la passerelle, encore moins évidemment de ceux qui génèrent l’avarie : les technocrates.
Ce n’est que la réconciliation des première et deuxième catégories, les artistes et les artisans, qui pourrait remettre la France en état de marche. Cela, bien sûr, avant que l’échouage ait disloqué le navire.
Disons-le clairement, cette hypothèse est peu probable, elle supposerait que ceux qui ont pris le pouvoir, dont la rationalisation extrême crée le blocage de notre société, prennent conscience de leur nocivité.
Personnellement, je n’y crois pas, mais alors pas du tout. Hélas.
La France flotte, mais elle va s’échouer, les dégâts vont dépendre de la côte qu’elle va rencontrer.
Bien cordialement. H. Dumas