comprendre l’électricité – 4ème partie

Bon le plus dur est passé… abordons les aspects pratiques, d’abord comment on programme la production en fonction de la consommation…

Comprendre l’électricité et sa production

4ème partie – production électrique et consommation

L’énergie électrique ne peut se stocker sauf de manière très limitée et donc la règle de base dans ce domaine c’est d’ajuster le mieux possible la production à la consommation (à quelques % près).

Or la consommation est très variable et l’on peut distinguer des cycles de consommation journaliers, hebdomadaires et annuels assez bien reproductibles.

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Cycle journalier

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Cycle hebdomadaire

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Cycle annuel

Figure 1 – Exemples de cycles de consommation d’énergie électrique en France

Ainsi au cours de la journée on observe un creux important durant la nuit et un pic de consommation vers 19h ; au cours de la semaine le weekend présente une baisse sensible par rapport aux autres jours ; durant l’année la consommation est beaucoup plus élevée en hiver (en raison en particulier du chauffage électrique) et plus faible en été (période de vacances et une climatisation encore peu répandue) avec un minimum très marqué le 15 août. Il est donc nécessaire de prévoir précisément la courbe de consommation afin de mettre en service les moyens de production adéquats.

La France dispose d’un parc de production d’environ 128 GW qui se répartit entre divers moyens de production, constitué à 50% de centrales nucléaires, de20% de centrales thermique à flamme (charbon, fioul et gaz) et de 30% d’énergies renouvelables, principalement d’énergie hydraulique (20%).

 figb4_01 Figure 2 – Parc de production électrique français en 2013–          Nucléaire :      63,130 GW

–          Thermique :    25,576 GW

               charbon          6,341 GW

               fioul                 8,779 GW

              gaz                 10,456 GW

–          Hydraulique :  25,404 GW

–          Eolien :               8,143 GW

–          Solaire PV:         4,298  GW

–          Autres EnR :      1,478 GW

           (EnR :  39,323 GW)

Pour prévoir la consommation, RTE doit déterminer chaque jour la courbe de consommation du lendemain. Cette courbe est obtenue à partir des prévisions météorologiques et doit tenir compte du calendrier. Pour cela la France est divisée en 7 régions et la journée en 48 périodes de 30 minutes.

 figb4_02 Figure 3 – Carte des régions françaises pour le calcul de la consommation électrique.

Il faut d’abord tenir compte de la température : une variation de ± 1°C par rapport à la normale et c’est 2.100 MW en hiver et 500 MW en été qu’il faut en plus ou en moins.

La luminosité du ciel joue un rôle important. La nébulosité est divisée en octa : de 0 pour un ciel dégagé à 8 pour un ciel couvert. Son influence est de 650 MW par octa.

Le jour de la semaine, de l’année, les jours fériés, la tarification etc. jouent un rôle important également.

A partir de toutes ces données RTE calcule la courbe théorique de consommation du lendemain, demi-heure par demi-heure et détermine les moyens de production à mettre en œuvre pour y faire face. Le lendemain, à 14h30 les prévisions sont actualisées en fonction de la courbe réelle de consommation observée jusque-là.

 figb4_03   Figure 4 – Courbes prévisionnelle et réelle relatives au 16 novembre 2010.

 La courbe en bleu représente la consommation calculée le 15 novembre pour le 16, la courbe en orange la consommation réelle et la courbe en vert la nouvelle courbe prévisionnelle corrigée à 14h30.

A 21h45 la puissance demandée était de 65.321 MW, la prévision initiale de 66.750 MW et la prévision corrigée de 65.250 MW.

La figure suivante montre à deux moments d’une journée hivernale les moyens de production qui ont été mis en œuvre :

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Au milieu de la nuit (faible consommation) la puissance consommée n’était que de 72,75 GW, essentiellement fournie par les centrales nucléaires ; à 19h au moment du pic de consommation la puissance nécessaire avait atteint 94,2 GW (+30%) ; si la part du nucléaire a légèrement augmenté il a fallu faire appel aux autres moyens de production, en particulier à l’hydraulique, aux moyens de pointe et au fioul. L’éolien n’a joué qu’un rôle secondaire et on a dû importer.

De fait, les moyens de production sont classés entre les moyens de production de base, utilisés en permanence et qui en France sont fournis par les centrales nucléaires, les moyens de semi-base qui assument les fluctuations normales et les moyens de pointe pour faire face aux pics de consommation. Eventuellement dans les cas de pics très importants on peut importer.

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Production nucléaire Production thermique « charbon »
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Production hydraulique Productions « gaz »(en haut) et fioul (en bas)

Figure 6 – Octobre 2012 – Evolution des moyens de production mis en service au cours du mois

La figure 6 montre les variations de la production électrique durant le mois d’octobre 2012 selon les différents moyens de production (compte tenu d’un fort refroidissement vers la fin du mois qui a entrainé une augmentation sensible de la consommation).

On constate que la production nucléaire est stable avec cependant vers la fin du mois un léger accroissement de sa production (passant de 40 à 48GW). Pour les centrales thermiques fonctionnant au charbon on constate une utilisation continue mais avec des variations importantes en fonction de la journée et de la semaine. Les centrales thermiques au gaz et au fioul ne sont utilisées que très rarement et ponctuellement. Enfin l’énergie hydraulique constitue le moyen d’ajustement le plus efficace et le plus utilisé.

Il faut en effet tenir compte des spécificités particulières des différents moyens de production. Un réacteur nucléaire peut voir sa puissance modulée jusqu’à 25 à 30% mais s’il peut être arrêté rapidement sa remise en fonctionnement est longue et délicate, et demande plusieurs semaines… Une centrale thermique au charbon est plus souple mais on évite de l’arrêter complétement, sa remise en service prendra également un certain temps. Les centrales thermiques au gaz et au fioul sont beaucoup plus souples et seront utilisées aux périodes de pointe de consommation. Quant à l’énergie hydraulique elle est de loin la plus souple et peut être mise en service ou arrêtée instantanément.

La place de ces différentes sources dans la production est montrée par la figure 7.

 

Figure 7 – Production électrique française (2014)

La production de base est assurée par les centrales nucléaires (73,3%) ; l’hydraulique assure avec 13,7% la 2ème part de la production ; le thermique à flamme vient en 3ème position avec 8,1% et enfin les énergies renouvelables avec moins de 5%.

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L’arrivée des énergies renouvelables éoliennes, par nature imprévisibles et avec des productions extrêmement variables (à l’échelle de l’heure ou moins) pose un sérieux problème aux gestionnaires. Quant au solaire photovoltaïque sa production (très variable d’un jour à l’autre d’un facteur 10) est concentrée principalement entre 11 et 13h. Les surproductions intempestives (mais qui ponctuellement peuvent être importantes) doivent être évacuées quoi qu’il arrive… Elles sont alors soit bradées sur le marché libre, soit « vendus » à des prix négatifs (jusqu’à – 500€/MWh) à des utilisateurs pouvant les absorber. Pour la France et l’Allemagne il s’agit de la Suisse et de l’Autriche qui possèdent de fortes capacités de production hydraulique très souples ; pour le Danemark qui a développé une forte production éolienne, la moitié de cette production est cédée à la Norvège. Dans les cas extrêmes, la solution est de tout simplement effectuer un délestage (en 2013 en Allemagne 550 GWh d’électricité renouvelable ont été ainsi perdus).

 figb4_10 Exemple de l’évolution de la production électrique en Allemagne en septembre- octobre 2009 selon le mode de production et évolution du prix de l’électricité sur le marché (EPEX Spot).

30 septembre, 6 octobre : peu de vent et le prix de vente a dépassé les 100 €/MWh mais le 4 octobre en raison d’une forte production éolienne le prix a atteint un prix négatif de -500€/MWh !

 

La solution envisagée pour répondre à une production importante d’énergie renouvelable dans les années futures est de développer un nouveau compteur électrique pour les particuliers (Linky) qui permettra au distributeur de délester l’usager en fonction des variations de la production… (Et avec un coût de plusieurs milliards d‘euros à la charge du consommateur). Plutôt que d’adapter la production à la consommation c’est la consommation qui devra s’adapter à la production ! Faudra penser pour les hivers futurs à acheter des pulls bien chauds !

 

Complément : Stockage de l’énergie électrique

On ne peut pas stocker directement l’énergie électrique mais seulement par des moyens détournés :

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En 2010, alors que la puissance mondiale totale de production électrique était de 4.400 GW, les capacités de stockage n’étaient que de 141 GW, (dont 4,2 GW pour la France) soit 3% de la puissance de production.

 figb4_12  Ces moyens sont essentiellement associés aux STEP. Les autres procédés sont anecdotiques ! 

 

 figb4_13 Figure Ia – Principe de fonctionnement d’une STEPLa centrale est constituée de 2 lacs reliés par des turbines réversibles. En période de surproduction, de l’eau est pompée du lac inférieur vers le lac supérieur et turbiné en cas de forte consommation.

Il est clair que les capacités de stockage et donc de production sont limitées au volume du lac supérieur.

Un autre problème rarement évoqué est le coût final de l’électricité ainsi produite ! Dans le cas assez favorable des STEP le rendement global (pompage + turbinage) est de l’ordre de 50% d’où une électricité 2 fois plus chère que celle stockée. S’il s’agit d’une énergie produite la nuit par des centrales nucléaires et restituée le jour en période de pointe, c’est rentable ; s’il s’agit d’une énergie renouvelable déjà au minimum 2 fois plus chère (voire 4 à 5 fois pour le solaire photovoltaïque ou l’éolien en mer ) le coût final devient absolument prohibitif !

Quant à la solution « hydrogène » (production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, puis stockage de l’hydrogène puis enfin production électrique à l’aide de piles à combustible…) compte tenu du médiocre rendement de l’ensemble (moins de 30% et en supposant que l’on puisse produire des piles à combustible à faible coût) le bilan final sera d’un coût pharaonique. C’est ce qu’illustre le projet Myrte (CEA-Helion-Université) installé en Corse et destiné à tester le stockage de l’énergie solaire sous forme d’hydrogène avec production d’électricité par des piles à combustible. Constituée de 3700m2 de panneaux PV (560 kWc) pour une production de 700 MWh/an (pour un investissement de 24 millions d’euros) conduit à un coût final de l’électricité ainsi stockée à… 2200 €/MWh soit 50 fois le prix moyen de production !

Il semblerait d’ailleurs que ce coût soit même sous-estimé, car selon France-Stratégie, compte tenu de son rendement global de 35%, cette centrale ne produirait que 250 MWh/an ce qui conduirait à un coût final de… 8000€/MWh(1).

1 – Michel Gay- http://www.contrepoints.org/2015/06/28/212148-myrte-sous-le-soleil-le-contribuable

 

 

 

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