Les hommes se posent la question du bien et du mal, probablement depuis toujours. Evidemment je me la pose, comme tout le monde. Ce n’est pas facile et la concurrence est rude, tant d’intelligences supérieures se sont penchées sur le sujet au cours des siècles. Au fil du temps mes certitudes, si tant est que j’en ai eues à ce sujet, ce sont envolées.
Au final, il ne m’en reste qu’une: il n’est pas possible d’anticiper, il n’y a pas de règle.Cependant, je suis convaincu que pour tout et en tout il y a une résultante en bien et en mal. Chacune de nos intentions, de nos actions, produiront inévitablement du bien ou du mal, que ce soit pour nous ou pour les autres. Là est le problème.
Ce qui me fait du bien peut aussi me faire du mal, le bien que je fais à celui-ci peut faire du mal à celui-là. Jour après jour je suis donc obligé de réfléchir à la portée de mes actions. J’ai la responsabilité personnelle du bien et du mal générés par chacune de mes décisions, pour moi et pour les autres. Vertigineux.
Jusque là, ce n’est pas facile mais gérable. Le problème se complique lorsqu’un homme est indifférent à la portée de ses actes, que ce soit pour lui-même ou pour les autres. Le désordre que cette attitude engendre voit surgir les « moralistes ». Ils n’ont de cesse de mettre en règles le bien et le mal. Il en est de fameux, par exemple les curés, les mollahs ou autres religieux dont le pouvoir est assis sur cette certitude qu’ils affichent de connaître le bien du mal, qui plus est en exigeant le droit d’imposer leur point de vue aux autres. J’ai un souvenir ému de mes confessions d’enfance. Je n’ai jamais pu accorder une once de crédit au tri fait par mon confesseur entre le bien et le mal. L’avenir m’a prouvé que je n’avais pas tort. Je plains les musulmans qui en sont encore à cette étape. Nous pourrions nous réjouir, en ce qui nous concerne, de constater que nos moralistes religieux sont en perdition, ils ne font plus guère recette.
Hélas, l’heure n’est pas aux réjouissances. Pas plutôt ces moralistes disparus, il nous en arrive de pires. Je veux parler de ces bonnes consciences laïques et collectivistes qui décrètent, par lois et décrets, ce que doit être chaque geste de notre vie. Comment conduire, comment aimer, comment penser, comment partager, comment donner, comment recevoir, comment classer, comment respirer, comment consommer, en un mot comment vivre.
Au secours, j’étouffe. Plus grave, je meurs.
Car, comme toujours, dans cette configuration stratifiée du mal et du bien, chacun est dépossédé de son libre arbitre. Une autorité autoproclamée décide et, inévitablement, rend des jugements. Untel est bien. Untel est mal. Inutile de se pencher avec compréhension sur les problèmes de chacun, il suffit d’acclamer les verdicts de cette nouvelle religion, qui aurait la compétence du « bien », commun à tous et encarté. Malheureusement, nos nouveaux papes, les énarques, élus et fonctionnaires divers, qui se prétendent en charge de notre morale, ne sont pas plus infaillibles que les anciens papes. Par contre, leurs certitudes ont immanquablement besoin, pour s’affirmer, de dénoncer ceux qui ne sont pas conformes à leur vision du bien. C’est ainsi que vous pouvez devenir, que vous deviendrez tous un jour ou l’autre, l’incarnation de leur vision du mal à l’aune de leur système.
Le plus terrible tient au fait que, effrayée par l’idée d’avoir à assumer la responsabilité de ses actions, la majorité s’engouffre dans la facilité que lui apportent ces fausses certitudes de nos « nouveaux prêtres ». Elle fait alors chorus avec eux dans la chasse aux sorcières. Malheur à ceux qui ont la malchance d’être désignés comme agissant mal. Leur compte est bon. Nulle instance, nul tribunal, nulle conscience ne se lèvera pour les aider ou les comprendre. Qu’ils crèvent pensent-ils tous. C’est triste, ce sera difficile.
Cordialement. H. Dumas