Lettre ouverte d’un entrepreneur à M. Piketty

Monsieur,

J’ai lu avec attention votre ouvrage  » Le capital au XXIe siècle ».

Il n’est pas téméraire d’affirmer que vous êtes un homme intelligent, un redoutable et prudent débatteur, mais aussi que vous êtes totalement partial, probablement collectiviste-socialiste.

Vous ignorez volontairement les réalités de l’entreprise. Ce faisant, vous n’avez pas commis un livre d’économie, mais hélas un roman de gare démagogue et larmoyant à souhait, bien écrit.

Celui qui s’adresse à vous, qu’évidemment vous ne lirez jamais alors qu’il vous a lu, a subi une avanie largement égale aux dégâts d’une guerre tels que vous les décrivez : « …Quelqu’un qui a 60 ans en 1940, qui perd tout son patrimoine dans un bombardement, une expropriation ou une faillite a peu de chance de s’en remettre… A l’inverse, une personne qui a 30 ans en 1940 et qui perd tous ses avoirs – sans doute peu de chose – a encore largement le temps d’accumuler un patrimoine après la guerre « 

Votre description donne une vague idée de ce que représente un pillage fiscal tel que je l’ai vécu, justement à 60 ans, et dont vous réclamez la généralisation.

Première falsification de votre ouvrage

Le capital n’est considéré par vous que dans sa dimension consumériste.

Or, cette dimension du capital n’est qu’un épiphénomène lié à l’actuelle culture socialiste de la civilisation occidentale finissante.

En réalité, le capital, est l’outil essentiel de l’entrepreneur, le socle de l’économie, il n’est que cela, mais en cela il est essentiel à la vie et au progrès des sociétés.

Une seule fois, sur 949 page, vous en faites état :  » …le capital joue toujours aujourd’hui un rôle central dans les processus de production, et donc dans la vie sociale. On a toujours besoin avant de commencer à produire de pouvoir avancer des fonds, pour payer des bureaux ou des équipements, pour financer des investissements matériels et immatériels de toutes natures…. »

Le reste du temps vous nous ramenez à Balzac, auteur de génie, impécunieux par négligence, veulerie et gout du luxe, alors qu’exactement à la même époque Frédéric Bastiat posait les fondements d’un raisonnement économique inégalé, encore parfaitement valide aujourd’hui.

Deuxième falsification de votre ouvrage

Vous sous-entendez, sans jamais en apporter la preuve — l’auriez-vous pu ? que les hommes politiques seraient plus aptes à gérer le capital que ne le sont ceux qui le possèdent, que ce soit d’eux-mêmes ou par héritage.

Or l’histoire de l’humanité fait la démonstration du contraire, ce qui aurait dû vous rendre prudent sur ce sujet.

Troisième falsification de votre ouvrage

Ici il y a lieu de reconnaître votre prudence affichée.

Vos chiffres paraissent tirés, dans leur plus grande partie, de statistiques fiscales, avec tout ce que cela comporte de falsifications et de manipulations de la part des ministères des finances, quels qu’ils soient.

Sur vos courbes, les années les plus égalitaires sont les années de guerre.

Vous ne pouvez dissimuler que la richesse est liée à la puissance économique d’un pays et que sa diminution impacte directement la vie de ses citoyens.

Vous évoquez la surimposition des USA, sans la lier à leur déclin, que vous attribuez à la montée en puissance du Japon et de l’Europe, votre explication est contraire aux faits.

Heureusement pour vous, la cupidité des banquiers vous sert de canevas, mais avez-vous réfléchi au fait qu’elle est en réalité un avatar du socialisme, en ce qu’elle consiste à faire gérer des sommes énormes issues du mutualisme — fonds de pension, assurances, etc… — par des opérateurs qui n’en sont ni propriétaires ni responsables.

Vous ne paraissez pas surpris que les époques de dettes démesurées au cours des siècles précédents aient été provoquées par des cataclysmes du type guerre ou révolution, pendant qu’aujourd’hui nos seuls politiques et leur vénalité, hypocritement appelée socialisme, en réalité corruption acquisitive de voix, aient pu arriver au même résultat : un endettement surréaliste.

Pour vaincre le mal, vous proposez d’en augmenter la cause : l’impôt. Est-ce vraiment sérieux de la part d’un économiste ?

Vous ne pouvez pas ignorer la logique simple de Von Mises : l’économie libérale est la seule vraie démocratie puisque c’est le consommateur, donc la base, qui commande. Où qu’il soit pris, l’impôt, in fine, se retrouve inclus dans le prix des choses, donc à la charge du consommateur, du citoyen.

Conclusion

Vous êtes un homme dangereux, parce qu’enseignant. Votre registre n’est pas celui de Karl Marx qui ne s’adressait qu’à des chercheurs, à des intellectuels, vous vous adressez à nos jeunes et au grand public. En cela votre responsabilité dans la ruine à venir est colossale.

Vous n’avez pas compris ce qu’est un entrepreneur. En lui offrant un avenir limité par des taxes à 90% s’il atteint le niveau des 0,1% des plus riches, vous anéantissez sa raison de vivre. Il sait qu’il n’a probablement aucune chance d’y arriver, mais il a besoin que cela existe pour espérer et prendre les risques insensés qu’il doit nécessairement prendre. L’homme, ici ou ailleurs, a besoin d’infini.

N’enlevez pas le gros lot aux joueurs de Loto, ils ne joueront plus.

Tout homme politique a la nécessité de croire qu’il pourrait accéder au poste suprême, alors que tout connaisseur de la politique sait qu’en réalité ce poste n’existe pas, il n’est qu’apparence.

Votre leitmotiv, ce que vous stigmatisez, est que le capital rapporte. Or, s’il rapporte, c’est qu’il est utilisé, qu’il remplit son rôle économique. Autrement, il est dilapidé par les politiques en un Etat social, ogre dévoreur de capital financier, puis, in fine, de capital humain.

M. Piketty, dans une société efficace et libre les hommes en bonne santé sont en très bonne santé. Dans une société en difficulté et oppressante, les hommes en bonne santé le sont un peu moins. Mais, dans les deux sociétés, hélas, les malades restent les malades. Il en est de même pour la pauvreté.

Les difficultés causées aux riches ne rendent pas les pauvres moins pauvres, au contraire.

Il est dommage que votre intelligence ne soit pas mise au service du libéralisme, de la dénonciation de l’usage abusif fait par certains de la fortune qui, alliés à la force des Etats, s’éloignent de l’économie, de la créativité, de la concurrence, pour se vautrer dans les profits illicites du monopole, sous couvert de socialisme.

D’où vous vient cette haine des riches ?

Bien cordialement. H. Dumas

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A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

6 réflexions sur « Lettre ouverte d’un entrepreneur à M. Piketty »

  1. Excellente critique

    en effet il faut re donner aux entrepreneurs l’envie d’entreprendre

    d une part en leur rendant la liberté
    d autre part en leur rendant le capital qu’ils ont risqué en leur laissant leurs gains

  2. Votre note de lecture m’a interpellée car je souhaite lire ce livre duquel on dit le plus grand bien.
    Ayant étudié l’économie et étant entrepreneur (j’ai fermé boutique mais je recommencerai), mais pas encore – mais bientôt – dans la seconde moitié de la vie, je pense que :
    1 – l’économie n’est pas une science
    2 – aucun modèle économique parfait n’existe
    3 – qu’il ne faut pas lier idéologie et économie

    Si j’avais été bourré par les fameux « gauchistes » de la fac – et ils étaient présents – je ne pense pas que j’aurais « sombré » dans l’entrepreneuriat.
    Il ne faut pas penser que les jeunes n’ont pas de sens critique. Contrairement à vous les anciens (si je peux me permettre) nous avons accès, même à la fac terreau de mécréants copinateurs (en partie, y en a des biens comme dirait Didier Super), à un flot de publications du monde entier.
    Toutes les publications analyses ne proviennent pas de France – fort heureusement – ni de scabreux économistes adeptes de la lutte des classe ou des modèles quantiques appliqués à l’économie (valide selon 147 hypothèses sinon ça ne marche pas).

    Rassurez-vous, ce n’est pas cet ouvrage qui va ruiner quoique ce soit. La ruine elle a débuté il y a 30 ans lorsque le premier budget en déséquilibre a été voté. Et ça par contre je crois que vous connaissez les responsables et leurs amis qui ont vendu des frégates à l’étranger ou des trains-supposés-rapides ou des réacteurs fukushimiesques.

    1. Bonjour,

      Je reviens quelques temps après le message ci-dessus.
      J’ai donc lu en partie le livre (j’ai deux autres livres en cours), juste quelques passages. Ce que j’aime bien avec son livre c’est son articulation et le fait de pouvoir lire des chapitres sans avoir lu les précédents.

      Mes « études » teintées de marxisme – involontaire – à leurs débuts avec un cours obligatoire sur l’Histoire des Faits Economiques et Sociaux, me permettent de relativiser vos propos.

      M. Piketty ne remet pas en cause l’entrepreneuriat et le fait de remporter sa mise ou de devenir riche. Non non, au contraire.

      Ce qu’il constate c’est le détournement des richesses au détriment de l’entrepreneur et de salaries par une poignée d’ultra-riche qui ne réinvestisse pas dans l’économie réelle et qui deviennent des rentiers parasites (il y en a en bas des parasites mais il y en a en haut aussi).

      Parasites car :
      – de part la nature de leur placement ils empêchent la création de nouvelles entreprises et l’éclosion de nouveaux riches (cf. l’exemple des USA et la fin du self-made man)
      – ils favorisent les bulles spéculatives (Internet, immobilier et biotech – expliquez comment une entreprise qui n’a que des dettes et qui espèrent vendre son produit dans 5 ans peut valoir disons 100 millions d’euros sans CA ? )
      – ils empêchent l’existence d’une classe moyenne (dont font partie les entrepreneurs le plus souvent) qui dépend d’une répartition des richesses

      On est loin de la lutte des classes !

      D’où l’importance des Etats dans cette régulation.
      Cas concret : le Japon

      A qui profite la planche à billet sensée relancer l’économie?

      Aux grandes entreprises qui se gavent (profits records) sans faire grand chose.
      En même temps progression des salaires proches de 0, peu d’investissement des ménages, PME qui réclament leur part …
      Marxisme ??? Copinage plus surement…

      Résultat
      Le premier ministre a enfin mis la pression sur grands groupes pour qu’ils réalisent des investissements dans leurs outils de production…

      Ne pas confondre la lamentable administration de la France qui est une monarchie républicaine.

  3. Bonjour M. DUMAS,

    Comme beaucoup de  » jeunes retraités  » et après avoir vendu mon entreprise, le mot bradé serait plus approprié, je découvre une liberté dont j’étais privé, faute de temps, durant les 40 années de gestion et conflits avec l’administration.
    J’avoue ne pas avoir eu le temps de lire tous vos articles mais celui-ci m’a interpelé car peu de gens dénoncent le livre de Piketty et je suis d’accord avec vous, en l’enseignant aux jeunes étudiants il fera un ravage dans leur esprit et malheureusement le bourrage de crâne gauchiste insufflé à nos jeunes n’est pas prêt de nous sortir de cette  » exception française » qui fait tant de dégâts économiques.
    J’ai écrit un livre que j’ai voulu  » politiquement incorrecte  » et qui raconte la vrai histoire d’un chef d’entreprise, loin des inepties de nombreux journalistes et politiques qui se croient investis des pouvoirs de parler à notre place.
    c’est avec plaisir que je vous en offrirai un si vous me communiquez vos coordonnées.
    Continuez votre combat même si il n’est pas toujours suivi de victoire.

    Amicalement

    C. GOUDRON

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