Ni démocratique, ni libérale, la France doit changer !
« Rien ne changera », concluent nombre d’éditorialistes à l’issue de débats où l’on a constaté que tout marche de travers en France. Ce pessimisme s’explique par le poids de l’Etat, dont les prélèvements représentent chez nous les deux tiers de ce que le pays produit. Le grand économiste Hayek voyait dans cette emprise un grave danger pour la démocratie, notant que les nazis n’avaient pas eu de mal à prendre le pouvoir parce qu’il leur suffisait de s’emparer des commandes de l’Etat.
Pourquoi l’Etat dépense-t-il autant en France ? Parce que le système social est hors de tout contrôle. En ce moment, les taxis qui assurent les transports sanitaires manifestent parce que les pouvoirs publics veulent diminuer leurs tarifs pour réduire un peu le coût de leurs prestations. C’est un des innombrables dysfonctionnements de la Sécurité sociale. La gratuité a tout emporté sur son passage dans ce domaine. Et l’on voit des énarques qu’on a placés aux commandes du navire fou s’évertuer à redresser la barre sans y parvenir jamais parce que ce bateau n’a pas de gouvernail.
Quand François Fillon fut désigné par son parti pour l’élection présidentielle de 2017, il déclara son intention d’en finir avec le système social français. Le lendemain matin, Bernard Accoyer, important personnage du parti de Fillon, l’appela pour lui conseiller de mettre la pédale douce à ses projets sociaux. Et Fillon déclara que la réforme sociale pouvait attendre. Depuis, elle attend toujours. Nul ne doute qu’une telle réforme de la gratuité générale ne pouvait se faire sans troubles. Mais l’effondrement de la France allait en provoquer tout autant …plus tard.
L’enjeu est parfaitement connu. Dans une compétition mondiale effrénée, le pays incapable de se réformer perd toute chance. C’est le cas de la France. Pourtant, elle avait saisi l’opportunité d’y parvenir en adhérant à la construction européenne et notamment en signant le traité de l’Acte unique de 1986, qui créait le marché intérieur et instaurait la liberté de circulation des biens, des services et des personnes. La Sécurité sociale allait donc devoir se réformer. Enfin ! Mais Edouard Balladur, alors ministre des finances, fit voter au Sénat, par une nuit sans lune, une disposition qui excluait la Sécurité sociale du dispositif de concurrence. Cette mesure était parfaitement illégale, puisque contraire au traité, mais les juges la validèrent toute honte bue.
Après près d’un demi-siècle de combat, nous avons fini par obtenir de la Cour de cassation l’invalidation de toute mesure s’opposant à l’application du traité et, de façon générale, aux dispositions européennes. Il ne reste plus qu’à le faire savoir aux tribunaux qui, comme chacun le sait, vivent en vase clos et ont beaucoup de mal avec le changement. Mais les choses vont se faire, parce qu’on ne peut pas éternellement s’opposer aux évolutions historiques. Je tiens ici à remercier les quelques libéraux que compte notre pays pour leur absence totale de soutien, ce qui n’a pas manqué de nous faire perdre du temps. Mais que voulez-vous, un libéral français est quelqu’un qui n’aime pas beaucoup le changement, fût-ce dans le sens de ses idées.
Le redressement français doit obligatoirement passer par l’arrêt de l’immigration et le rétablissement de la sécurité. L’avènement de Retailleau va dans ce sens. Encore devra-t-il le confirmer et ne pas retomber dans les habituels atermoiements de la droite. Mais que de temps perdu. En 1958, le général de Gaulle avait rétabli – non sans mal – l’autorité de l’Etat. Il n’en reste plus que l’autoritarisme des hauts fonctionnaires. Ainsi va l’histoire des peuples. La France a gardé son prestige international, en dépit de ses errements actuels. C’est un cadeau à peine mérité, mais bienvenu, au moment où il devient vital de prendre d’énergiques mesures de renouveau.
Pour redresser un pays, il faut avoir le soutien de l’opinion. A cet effet, les chaînes d’information ont un rôle crucial à jouer. Leur paresse actuelle est évidemment un handicap : tous les soirs les mêmes invités disant la même chose. J’ai vécu de près la création d’Europe 1. Il y soufflait un vent de liberté et d’insolence. C’est ce qui manque à nos chaînes actuelles, pour ne pas parler du gauchisme du service public. A quand un animateur mettant facétieusement le feu aux papiers que lit un journaliste à l’antenne ? C’était signé Francis Blanche. Il est mort depuis un demi-siècle.
Pour réformer, il faut un réformateur. Parfois il en existe, et la malchance veut qu’ils disparaissent. Un de mes amis, le Dr Pierre Belot, avait obtenu de Raymond Barre la création du secteur 2 des médecins, qui leur accordait la liberté d’honoraires. Malheureusement, son tracteur se retourna sur lui et il mourut. Sans avoir pu généraliser cette liberté à tout le corps médical. Un réformateur devrait être prudent, tant il y en a peu.
Il n’en reste pas moins que la France est rétive à la réforme. Cela tient à son passé monarchique millénaire. Et probablement aussi au fait qu’on puisse y vivre bien …quand les malheurs s’en écartent. Mais aujourd’hui le monde a tant changé que les atermoiements ne se pardonnent plus. Près de deux cents pays sont répertoriés sur la planète. La majorité d’entre eux ne sont ni démocratiques ni libéraux. Nous avons la chance de l’être en Occident. Sauf en France. Il est plus que temps d’en finir avec cette exception française !
Claude Reichman
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