LE CICE est-il sorti du Loch Ness? par Dominique

 par Dominique  de emploi-2017.org

Mesure phare du pacte de compétitivité, puis du pacte de responsabilité, le CICE n’aura pas ou peu d’impact sur l’emploi. Mal expliqué par le gouvernement et compliqué à mettre en œuvre, il n’aura que faiblement soulagé les entreprises françaises.

Zéro emploi créé au lieu de 300.000

On se souvient qu’en novembre 2012, le CICE était censé créer 300.000 emplois d’ici la fin du quinquennat. Bien que celui-ci ne soit pas encore terminé, Michel Sapin n’a pourtant pas hésité à déclarer que finalement « il ne faut pas attendre d’effet direct du crédit d’impôt sur les embauches ». 48% des entreprises dans les services et 34% des entreprises dans l’industrie indiquent un impact du CICE sur l’emploi, mais le plus souvent pour préserver des emplois ou former les collaborateurs plutôt que recruter.

En fait, cette absence d’augmentation nette de l’emploi n’est pas une surprise. Pour s’en convaincre, il convient de regarder le surcroît d’impôts considérable que paient les entreprises françaises par rapport à nos voisins, surcroît au vu duquel l’allégement du CICE fait figure de goutte d’eau.

Le CICE permettra une baisse des charges d’environ 10 milliards d’euros au titre de 2013 mais ceci est à comparer avec les quelque 120 milliards supplémentaires de prélèvements obligatoires payés par les entreprises françaises, comparé à l’Allemagne (à économies égales), ou avec les 170 milliards de prélèvements supplémentaires, si l’on compare avec le Royaume-Uni. Ces montants sont obtenus à partir des pourcentages de PIB de prélèvements obligatoires payés par nos entreprises, soit respectivement 6 points et 9 points de PIB supplémentaires par rapport à nos deux voisins :

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Au vu de ces chiffres, il n’est donc pas étonnant que le CICE n’entraîne pas une augmentation nette de l’emploi, les entreprises cherchant aussi à restaurer leurs marges ou améliorer leur fonds de roulement.

Un dispositif incompris et compliqué

Outre le fait que cette mesure constitue une goutte d’eau dans un océan, on ne peut que constater la communication ratée du gouvernement en ce qui concerne le CICE, dont personne n’a compris la logique ni la pertinence par rapport à une baisse pure et simple des charges. Alors que même des économistes de gauche comme Piketty réclament une baisse de cotisations patronales, on peut en effet se demander pourquoi François Hollande a supprimé dès le début de son mandat celles instaurées par Nicolas Sarkozy pour ensuite inventer l’usine à gaz du CICE. Elle était de toute évidence peu propice à ramener la confiance dans un tissu entrepreneurial déjà fortement ébranlé par la crise et les précédents projets anti-entreprises du gouvernement.

Or la véritable raison du CICE, rarement évoquée dans les médias, a une explication purement budgétaire et comptable. Elle vient de l’opportunité qu’a vue Bercy dans l’approche éclatée entre la vision de l’entreprise (comptabilité par engagement) et la vision budgétaire de l’État (comptabilité en trésorerie). L’entreprise calcule en effet son résultat avec ses dettes et ses créances alors que l’État raisonne en fonction de ses encaissements et décaissements. En mettant en place un crédit d’impôt plutôt qu’un allégement de charges, Bercy a vu par cette combine un moyen d’impacter immédiatement les comptes des entreprises tout en décalant à plus tard l’impact sur ceux de l’État, suivis à la loupe par Bruxelles. Pour le CICE constaté sur 2013, l’État ne rembourse ainsi ces créances que de manière répartie entre 2014, 2015 et 2016, selon le moment où les entreprises constatent un bénéfice, ou à l’issue de cette période dans le cas inverse. Cette stratégie incomprise a été la source d’incompréhensions de tous les acteurs publics et des médias.

Le préfinancement, instauré pour compenser le manque à gagner en trésorerie des entreprises, s’est par ailleurs révélé compliqué et sans intérêt pour la plupart d’entre elles. 15.000 entreprises seulement y ont eu recours en 2013, pour 1,5 milliard de préfinancement total. Pour les entreprises allant bien, le préfinancement est en effet plus cher qu’un financement bancaire de court terme classique et pour les entreprises qui vont très mal (procédure de sauvegarde) le préfinancement est interdit par Bercy [1]. Ainsi seules les entreprises allant faiblement mal (pas de procédure de sauvegarde mais pas d’accès avantageux au financement bancaire) ont eu un intérêt à y recourir, au prix cependant d’une procédure relativement lourde et coûteuse (attestation par leurs experts-comptables, estimation de l’assiette, calcul de la marge d’erreur, etc.).

Gouttes d’eau dans un océan et d’une utilité relative, le CICE et son préfinancement n’auront donc que faiblement soulagé les entreprises françaises.

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