La farce de la modernisation de l’Etat

La dénonciation des travers de l’administration fait partie, depuis, longtemps, des habitudes des français.

Alphonse Allais, faisant allusion à la gabegie administrative, avait ironisé « il faut demander plus à l’impôt et moins au contribuable ».

G Clémenceau encore plus acide avait affirmé : « la France est un pays fertile, le gouvernement  sème les fonctionnaires et le contribuable récolte les impôts »

Georges Courteline, à la fin du 19°s, avec sa pièce satirique de 1893 « Messieurs les ronds de cuir » fustigeait déjà les travers des fonctionnaires.

La sur administration et la mauvaise administration  ne sont donc pas une nouveauté, c’est un mal français endémique voire chronique !

Régulièrement, on fait donc le constat que le système fonctionne mal, que les dépenses publiques sont trop élevées, que les dettes sont énormes, qu’il y a trop de fonctionnaires et l’exemple récent de l’épidémie de Covid l’a démontré amplement.

Les effets délétères de ce mauvais fonctionnement sont parfaitement répertoriés : poids excessif sur l’économie (trop de contraintes d’une administration tatillonne), fiscalité trop lourde, manque de compétitivité des entreprises privées, important chômage endémique entrainant une dépense publique forte pour assurer l’indemnisation des sans emploi.

Alors, c’est promis, on va engager des réformes !

C’est le discours récurrent des étatistes et autres hauts fonctionnaires et c’était aussi le discours … d’E Macron au début de son mandat lorsqu’il a promis de réduire la dépense publique (qui a explosé), les déficits (qui se sont envolés) et le nombre de fonctionnaires (qui a augmenté) !

Et, effectivement, plusieurs réformes ont été lancées : la LOLF en 2001 (loi organique relative aux finances publiques), la RGPP en 2007 (révision générale des politiques publiques), la MAP (modernisation de l’action publique) …

Et le constat permanent est qu’à chaque fois, il … ne s’est absolument rien passé. Aucun résultat tangible ou palpable et la meilleure preuve c’est que les dépenses publiques ne cessent d’augmenter ;  ou plutôt si, à chaque nouvelle réforme, l’emprise de l’Etat augmente avec pour corollaire une augmentation constante et systématique de la pression fiscale et des déficits !

Ces échecs systématiques et répétés permettent d’avancer trois hypothèses :

  • Soit les réformes ont été mal conçues,
  • Soit elles ont été neutralisées par l’administration !
  • Soit il s’agit essentiellement d’un effet cosmétique, d’un écran de fumée, destiné à masquer un système à la dérive.

la combinaison de deux hypothèses sur trois voire même des trois étant susceptible de fournir un début d’explication.

Ne pas confondre réforme et réformes

E Macron a annoncé à grand renfort de publicité qu’il allait supprimer l’ENA en en changeant en fait seulement le nom !

Ça c’est une réforme !

Fatalement, comme les décideurs sont des fonctionnaires, alternant voire même cumulant, sans aucun scrupule, les postes dans le gouvernement et dans l’administration, ils ne vont évidemment pas s’attaquer à leur pré carré ni scier la branche sur laquelle ils sont assis !

Ils sont en outre victimes d’une « déformation professionnelle » à propos des capacités de l’administration et de ses compétences et on va vu ce que cela donnait, dans le secteur de la santé, avec la pandémie de Covid !

A l’hôpital, 35% des employés sont des administratifs qui n’ont rien à voir avec la médecine. Une seule mesure a-t-elle adoptée pour enrayer voire même pour inverser cette tendance ?

Non, bien entendu !

Pour faire face au mécontentement des agents hospitaliers, le gouvernement a juste promis de nouvelles distributions d’argent à un secteur qui ne manque pas de moyens mais qui est extrêmement mal géré !

On vient en outre d’apprendre que l’administration vient d’ajouter un seizième organisme de surveillance médicale : « le haut conseil d’orientation pour la stratégie vaccinale »

Autre exemple : La mise en place du PALS (prélèvement à la source) n’a abouti à aucune simplification de l’impôt sur le revenu, bien au contraire, mais le but réel et non avoué était seulement de permettre à l’Etat de bloquer toute tentative éventuelle de résistance à l’impôt ; c’est à dire qu’en fait les petits hommes gris de l’Etat se sont donnés, avec ce système, les moyens de faire durer leur système … quoiqu’il arrive !

L’autre versant de cette « réforme » a été la mise en place d’un système de traque fiscale par le biais de l’utilisation de l’IA (intelligence artificielle), dans des conditions totalement opaques, afin d’améliorer le rendement de la perception fiscale.

Vu sous cet angle, on s’aperçoit que la modernisation des moyens de l’Etat signifie essentiellement l’amélioration des moyens de prédation fiscale de l’Etat, devenu essentiellement une organisation mafieuse essayant, par tous les moyens, de préserver son business !

Seulement, on se rend compte que ces exemples ne sont pas une réforme de l’Etat mais seulement des réformes visant à désamorcer une colère populaire contre l’élite, à obtenir le silence d’agents mécontents et enfin une meilleure prédation fiscale ; car, quand on vit sur le dos des autres, fatalement, il ne faut pas que « les autres » puissent se soustraire, de quelque manière que ce soit, à la dime fiscale.

Un constat d’échec permanent

L’absence de résultat de ces diverses réformes s’explique essentiellement par le fait que tous les dirigeants politiques de ce pays sont des fonctionnaires vivant de l’impôt payé par les autres.

Par ailleurs, la classe politique dans son ensemble est totalement étatiste de JL Mélenchon à Marine Le Pen en passant par E Macron et les barons des LR car tous ces gens vivent de la dépense publique … puisque, dans une vision totalement socialiste, le financement de la vie politique et publique est totalement assuré par l’impôt !

Cela signifie que ce sont ceux qui sont la cause ou les responsables, et bien souvent aussi les bénéficiaires de ces dérives, qui s‘engagent à faire ces réformes alors qu’ils agissent et pensent dans un système protégé, non assujetti à la concurrence dans le cadre d’une vision exclusivement hiérarchique de la société.

Pour décrire ce phénomène, il suffit d’imaginer qu’au niveau de l’administration une directive donnée tout en haut de la hiérarchie va se répercuter ensuite à tous les échelons inférieurs selon un schéma tentaculaire. Fatalement, si la décision est erronée, elle va se répercuter jusqu’au bout de la hiérarchie et c’est alors la catastrophe ; surtout que, pour qu’il y ait une correction, il faut qu’il y ait un retour c’est à dire que les échelons les plus bas fassent part de leurs observations et que celles-ci remontent toute la chaine hiérarchique. Cela n’arrive pratiquement jamais surtout que le fonctionnaire subit rarement les conséquences de ses décisions et de ses actes !

Les réformes de l’action de l’administration étant toutes pensées dans ce cadre hiérarchique et selon un système binaire (dans l’administration on ne fonctionne que dans deux sens : les recettes et les dépenses et le mot « économies » est banni), elles ne peuvent qu’échouer !

Il faut savoir que toutes les organisations sociales bases sur un système administratif qui en contrôle le fonctionnement sont vouées à l’échec et le meilleur exemple est la défunte URSS qui a été incapable de s’adapter aux changements nécessaires !

A l’inverse, les entreprises réagissent chacune en ce qui la concerne pour son domaine d’activité de manière très rapide car c’est une question généralement de survie. La réactivité de la chaine hiérarchique est réduite au maximum.

C’est pourquoi, alors que l’Etat dispose du nec plus ultra de l’école de formation des cadres, l’ENA, le constat est implacable :

Mauvais investisseur, mauvais employeur incapable de gérer ses effectifs dont tous les employés se plaignent (éducation, hôpitaux, militaires, …), mauvais décideur (voir les éoliennes et les énergies dites vertes), mauvais administrateur (l’administration marche mal partout !), mauvais gestionnaire et mauvais prévisionniste car tous ses calculs se sont avérés faux, il faut être conscient qu’une entreprise privée fonctionnant selon ces « méthodes » ferait faillite très rapidement !

Seulement, l’Etat dispose d’une porte de sortie : en cas d’échec, il augmente sa prédation directe ou indirecte par le biais du levier fiscal et, lorsque celui-ci n’est plus suffisant, utilise l’emprunt voire même la planche à billets ; ce qui fait qu’il n’y a jamais d’austérité pour l’administration mais seulement un gaspillage des budgets alloués et ce même si les fonctionnaires sont toujours à se plaindre du manque de moyens, des salaires trop bas.

Une conception socialiste de l’administration

Ces annonces de réformes successives sont donc au mieux des écrans de fumée destinés à faire croire à l’électeur contribuable qu’enfin on va réformer le système et que des économies seront faites mais le résultat est toujours le même et, bien entendu, à l’arrivée, personne n’est jamais responsable de l’échec !

Sans contrôle ni contre-pouvoir rien ne peut arrêter la marche en avant de l’Etat et de son administration car, selon une conception typiquement socialiste, l’administration est perçue comme un vecteur d’organisation de la société et si ce système n’a pas correctement fonctionné jusqu’ici, c’est qu’il n’y en avait pas assez ; ce qui constitue la justification implicite à toutes les dérives de la dépense publique !

L’exemple le plus explicite a été cette auto-attestation de déplacement chef d’œuvre de l’administration triomphante, hors sol et paranoïaque de 2 pages et 15 motifs de sortie rapidement retirée devant l’ineptie manifeste d’un document émanant visiblement de fonctionnaires zélés !

En fait, la réforme de l’Etat c’est tout simplement la tarte à la crème de l’administration, le mistigri pour amuser le bon peuple et lui faire croire que, promis, juré, à l’avenir ce sera vraiment différent et que ça va changer ; alors que rien ne change !

Pire, la haute fonction publique est devenue une noblesse d’Etat, dont ses membres présentent tous le même cursus, le même mode pensée, la même morgue dans les phrases creuses et l’inaction, et elle est le principal bénéficiaire de ce système !

Elle vit et existe dans le cadre d’un schéma absolument similaire à celui qui existait au profit de la noblesse sous l’ancien régime en s’arrogeant impunément des privilèges de même nature et sur lesquels il n’est pas question de revenir !

En fait, la seule réforme qui soit efficace, ce n’est pas une amélioration du fonctionnement de l’administration, c’est la diminution du rôle de l’Etat et la suppression de pans entiers de son intervention ; en un mot le retour au libéralisme qui fait tant défaut à la France.

La France cumule tous les superlatifs négatifs (plus forte dette, plus forts déficits, plus grosse dépense publique, plus grand nombre de fonctionnaires, …). Elle est bien l’homme malade (de son administration) de l’Europe et la remise en cause de ce système totalement inadaptable ne pourra probablement intervenir qu’avec la cessation des paiements de l’Etat ; c’est à dire lorsqu’il fera défaut et sera alors contraint de réduire des dépenses qu’il ne pourra plus assumer !

Mais ce jour-là, les français seront en colère !

Bien cordialement à tous !

Licence de publication : la reproduction de cet article est autorisée à la condition de le reprendre en totalité, d’en rappeler l’auteur ainsi que le site originel de publication.

 

 

 

 

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

2 réflexions sur « La farce de la modernisation de l’Etat »

  1. Le France est devenue peu à peu l’inverse de l’école: C’est quand tu travailles bien que tu es puni !!!

    CITATIONS SUR LE FISC et les fonctionnaires:
    Lorsque je donne quatre coups de pédale, il y en a trois pour le fisc .Bernard Hinault
    Le fraudeur fiscal est un contribuable qui s’obstine à vouloir garder un peu d’argent pour son propre usage. Philippe Bouvard
    Si l’état créait un impôt sur la beauté, je serais exonéré , Sim
    Un millionnaire est un milliardaire qui vient de payer ses impôts , Jean Rigaux
    C’était un Français qui payait tellement d’impôts que le jour où il mourut le gouvernement fit faillite. Roger Pierre
    Les conneries c’est comme les impôts, on finit toujours par les payer, Michel Audiard
    L’impôt est un tribu prélevé sur le travail des uns pour entretenir la paresse des autres, Inconnu
    Puisque les impôts ont une assiette, pourquoi mangent-ils dans la nôtre ? Alphonse Allais
    Chaque contribuable est quelqu’un qui travaille au profit du gouvernement sans être astreint à passer les concours de fonctionnaires, Ronald Reagan
    Réunion: L’administration française adore ça. Certains fonctionnaires poussent même le raffinement jusqu’à organiser des réunions pour fixer la date des prochaines. Jacques Mailhot
    Mon père était fonctionnaire et ma mère ne travaillait pas non plus,Coluche
    Un ministère est un lieu où les fonctionnaires qui arrivent en retard croisent ceux qui partent en avance, Clémenceau
    Les fonctionnaires sont les meilleurs maris: quand ils rentrent le soir à la maison, ils ne sont pas fatigués et ont déjà lu le journal. Clémenceau
    Les fonctionnaires sont comme les livres d’une bibliothèque: ce sont les plus haut placés qui servent le moins. Clémenceau
    La France est un pays extrêmement fertile: on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts, Clémenceau

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