Faut-il investir au capital de la Française des Jeux ?

Le gouvernement va prochainement mettre en vente 80% des actions qu’il détient dans le capital de la Française des Jeux (FDJ).

Selon les propos de Bruno Le Maire, ministre des finances, l’opération devrait être très intéressante pour les investisseurs car il est prévu d’attribuer une action gratuite pour 10 achetées à condition de conserver les titres au moins 18 mois. ADP (Aéroport de Paris) devrait faire l’objet d’une procédure identique dans les prochains mois si cette première introduction sur le marché rencontre le succès.

Les motivations du gouvernement

Pour autant, il ne semble pas que nous en soyions revenus à la vague de privatisations qui avait été opérée sous les gouvernements Chirac puis Balladur pour un grand nombre d’entreprises publiques (Paribas, St Gobain, Elf-Aquitaine, Seita …) et qui avait permis l’émergence d’un capitalisme populaire (les français devenaient propriétaires des entreprises françaises).

Malheureusement, ce capitalisme populaire a très vite été laminé par Bercy notamment en raison d’une fiscalité sur le capital de plus en plus pesante (imposition des plus values, CSG). En outre, certains investissements se sont avérés être hasardeux (Eurotunnel, EDF qui a perdu 70% de sa valeur d’introduction, Natixis qui a perdu 90% de sa valeur).

Car l’investissement en actions reste un pari sur l’avenir et la rentabilité future d’une entreprise. Il y a donc toujours le risque de perdre tout ou partie de son capital investi !

De plus, les gouvernements postérieurs n’ont rien fait pour favoriser les investissements en bourse, bien au contraire, notamment parce qu’ils cherchaient essentiellement à canaliser l’épargne des français vers la dette publique (OAT du Trésor ou assurance-vie) au détriment des investissements des entreprises privées.

Les français ont donc préféré retourner à leurs placements préférés (la pierre et les contrats d’assurance vie à capital garanti).

De ce fait, en France, la détention d’actions est extrêmement faible ; à la grande différence des USA où tout le monde possède des actions ; notamment parce que leur système de retraites est assis sur la bourse et les fonds de pensions alors qu’en France nous sommes sous le régime étatique et monopolistique de la répartition.

Néanmoins, il ne faut pas se leurrer quant aux raisons profondes sur lesquelles est fondée cette volonté de mettre en vente une partie des actions d’une entreprise publique.

Alors que, dans les années 1990, il s’agissait de désengager l’Etat de secteurs de l’économie où il n’avait rien à y faire, ici il s’agit d’une simple ouverture du capital, et non d’une privatisation, afin d’obtenir du cash (estimé entre un et deux milliards €) pour essayer de parer aux insuffisances d’un budget gravement déficitaire. Autrement dit, les fonds obtenus serviront à boucher quelques trous !

La Française des Jeux cash machine du gouvernement ?

Il peut apparaître singulier que l’Etat cherche à se séparer de son patrimoine (la Française des Jeux est actuellement détenue à 72% par l’Etat) ; surtout qu’il s’agit d’une entreprise générant des revenus réguliers et constants : 15 milliards € de CA pour 185 millions de bénéfices compte non tenu des taxes fiscales et des redevances sur les jeux lesquelles représentent 3,5 milliards € l’an.

Alors, opportunité ou piège ?

Les caractéristiques de l’opération sont assez mal connues.

La répartition du capital serait, après mise sur le marché : 20% pour le public, 20% pour l’Etat, 5% pour le personnel et les buralistes ; le reste (55%) étant réservé aux zinzins (investisseurs institutionnels de type Caisse des Dépôts et Consignations, compagnies d’assurances, banques). Tout ce que l’on sait c’est que l’Etat va conserver une minorité de blocage et, de ce fait, le contrôle effectif de cette société.

Or, la règle de principe de tout investisseur avisé est qu’il ne faut jamais acheter des titres de sociétés qui sont sous le contrôle direct ou indirect de l’Etat car alors entrent en jeu des considérations politiques qui n’ont rien à voir avec la bonne gestion d’une entreprise ; quelle qu’elle soit !

Par contre, on sait que la Française des Jeux est rentable et qu’elle est basée sur l’addiction des classes populaires pour le jeu (loto, jeux de grattage). Le chiffre d’affaires demeurera donc au minimum constant.

L’autre intérêt est que la Française des Jeux détient le monopole des jeux de loterie et de loto sportif en France métropolitaine et d’outre mer. Les risques de perte en capital sont donc limités car la FDJ ne se situe ni sur le marché spéculatif ni sur le marché concurrentiel. Elle ne risque donc pas, du moins pour le moment, d’entrer en concurrence avec des entreprises privées plus performantes !

Par ailleurs, il faut tenir compte de trois tendances récentes :

– la fiscalité sur le capital a baissé depuis que E Macron a mis en place une flat tax à 30% même si cette taxe n’est pas vraiment flat. L’investissement en actions redevient donc intéressant.

– la fiscalité sur l’immobilier va connaître dans les prochaines années une évolution sensible à … la hausse car il faudra bien dégager des moyens financiers pour permettre aux collectivités locales de fonctionner.

– les taux d’intérêts étant à zéro, le rendement des contrats d’assurance-vie est en train de chuter et va probablement arriver, sous 2 ans, à … zéro ! Les nouveaux contrats des compagnies d’assurances sont d’ailleurs exclusivement proposés en unités de compte ; c’est à dire en actions !

D’un autre côté, l’Etat ayant un besoin chronique de revenus, il poussera toujours à la distribution de dividendes lesquels représentent 150 millions € par an. La distribution de dividendes est donc assurée. L’Etat a même tendance à se livrer au pillage systématique des sociétés qu’il détient et ce bien souvent au détriment des investissements ; l’exemple d’EDF est à cet égard symptomatique !

Par contre, s’il se prive, avec cette opération, d’une partie des dividendes, il garde le pouvoir de régulation interne (minorité de blocage) et externe (par le biais de la législation sur les jeux). Car le problème principal des entreprises qui restent sous le contrôle de l’Etat est qu’elles obéissent d’abord à l’Etat et à son administration et ensuite, éventuellement, aux règles économiques du marché. Cela a été particulièrement le cas pour EDF qui a dû procéder à des investissements non rentables dans les ENR ainsi que dans le développement d’une nouvelle technologie pour les centrales nucléaires de type EPR dont on s’est aperçu qu’elle était loin d’être au point (Flamanville). Le cours de l’action EDF a chuté de 70% depuis son introduction et l’opération s’est donc avérée catastrophique pour l’investisseur.

Enfin, le risque principal est que l’entreprise subisse des aléas qui sont actuellement imprévisibles (désaffection pour les jeux du fait de l’irruption d’une nouvelle forme de jeu par le biais d’Internet) et qui seraient susceptibles d’affecter la rentabilité de la FDJ et le cours de l’action. Néanmoins, en l’espèce, ce risque apparaît pour l’instant peu probable.

Il faudra aussi faire attention à ce que le titre ne soit pas trop valorisé lors de son introduction ; mais ici encore cela apparaît peu probable car il s’agit ici pour l’Etat d’une opération test et un échec compromettrait forcément les mises sur le marché des autres sociétés.

Par contre, une flambée du cours de l’action apparaît tout aussi peu probable. Il ne faudra donc pas escompter pouvoir réaliser des plus values rapides et conséquentes.

Conclusion

Au-delà du fait qu’en France on n’aime pas les capitalistes et qu’on se méfie de la Bourse, on peut donc investir et escompter des dividendes réguliers qui seront de toute façon supérieurs au taux de la plupart des placements qui tangentent actuellement avec le zéro (Livret A compris).

Néanmoins, le Fisc, toujours à la recherche du dernier € taxable, pourra toujours remettre ultérieurement en cause les conditions de détention de ces titres au gré de la fiscalité ; le pire du pire ayant été atteint sous la présidence de F Hollande avec une véritable confiscation fiscale des revenus du patrimoine.

Le problème est qu’on ne sait pas comment va évoluer la législation sur les jeux de hasard eu égard aux directives européennes visant à l’ouverture du marché ; étant entendu que la Française des Jeux restera toujours sous le contrôle de l’Etat et de ses fonctionnaires et on sait qu’il faut … se méfier de la gestion étatique même si certains persistent à vouloir nous vanter les mérites de l’Etat stratège.

Bien cordialement à tous !

 

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

4 réflexions sur « Faut-il investir au capital de la Française des Jeux ? »

  1. Il y a un excellent article de Charles Gave qui nous met en garde d’investir sur toute société qui touche à l’Etat, de près ou de loin : https://institutdeslibertes.org/retour-sur-la-gestion-de-portefeuille-ou-la-bourse-ce-nest-pas-fait-pour-moi/

    J’ai trouvé aussi, pour traduire le timing de cette introduction en bourse ceci : https://insolentiae.com/le-grand-tableau-en-une-image/

    Quand FDJ sera effectivement introduite en bourse, je ne suis pas certain qu’il y ait encore des options créées pour se couvrir, voir pour envisager un scénario Bear.

    Attribuer une action gratuite pour 10 achetées, une ristourne de 10% sur le prix de revient, à condition de conserver les titres au moins 18 mois, un an et demi, est effectivement un peu long pour moi, trop « Long » si je puis dire dans le contexte des marchés actuels et des fondamentaux qui rougissent un peu partout.

    A la limite laisser la FDJ baisser franchement avec forcément une hausse de volatilité intrinsèque associée, puis pourquoi pas la reprendre à l’achat, mais pas n’importe comment.

    En clair je n’irai jamais là-dessus à sec en introduction dans le contexte actuel et avec un blocage de position sans Stop pour 10 – 1 sur 18 mois.

    Il y a de quoi faire un autre article là-dessus, mais c’est en commentaires à présent.

    1. D’accord avec vos remarques !
      Je ne pense pas qu’il y ait dans les prochains mois des variations importantes sur le cours, sauf Krach (mais là c’est l’ensemble de la côte qui plonge), mais la règle de Charles Gave est la seule valable : éviter d’acheter des actions de sociétés qui sont sous le contrôle direct ou indirect de l’Etat surtout avec la bande de « libéraux » au pouvoir …

  2. La Françaises des jeux : une future entreprise du passé, je ne donne pas cher de son avenir avec les jeux en ligne sur téléphone portable.

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