Délation recommandée même pour des enfants. Un pas de plus…
« On a l’impression que toute forme de critique est interdite », s’est inquiétée Frédérique Rolet, secrétaire nationale et porte-parole du Snes-FSU auprès de Franceinfo.
Publié le 12 mai 2020 à 11h42 Mis à jour le 12 mai 2020 à 12h12
Des représentants de syndicats d’enseignants se sont agacés de la publication de documents lundi 4 mai sur la plateforme Eduscol par le ministère de l’Education nationale. Parmi ces « documents de référence et des recommandations pédagogiques qui ont pour objectif d’accompagner les professionnels dans le processus de reprise des cours » après le confinement, celui intitulé « Ecouter et favoriser la parole des élèves en retour de confinement Covid-19 » [PDF] a particulièrement fait grincer des dents.
Des morts qui se comptent par dizaines de milliers, des milliards d’humains confinés : la pandémie de coronavirus a plongé le monde dans un scénario digne d’un film catastrophe. « L’Obs » vous offre des clés pour comprendre : en explorant les pistes pour affronter cette récession historique ; en réfléchissant au monde de demain avec les plus grands philosophes ; en couple, au travail, comment vivons-nous le confinement ?… Pour tout savoir, suivez notre rubrique dédiée.
Initialement présenté sur les réseaux sociaux comme une circulaire, ce document est en fait décrit comme une « fiche » par le ministère. Un paragraphe a notamment retenu l’attention : « Des enfants peuvent tenir des propos manifestement inacceptables, peut-on lire dans ce texte de trois pages. La référence à l’autorité de l’Etat pour permettre la protection de chaque citoyen doit alors être évoquée, sans entrer en discussion polémique. Les parents seront alertés et reçus par l’enseignant, le cas échéant accompagné d’un collègue, et la situation rapportée aux autorités de l’école. »
« On nous demande de ne pas remettre en cause la gestion de la crise »
Une recommandation qui agace autant qu’elle inquiète. Sur les réseaux sociaux, de nombreux professeurs craignent une volonté de faire taire les critiques contre le gouvernement.
« On nous demande de ne pas remettre en cause la gestion de la crise », a affirmé Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, auprès de Franceinfo.
Comme d’autres sur Twitter, elle souligne que cette formulation ressemble à celle déjà utilisée dans une fiche pédagogique publiée après les attentats de « Charlie Hebdo », de l’Hyper Cacher et de Montrouge en 2015. Déjà, les professeurs étaient invités à évoquer « l’autorité de l’Etat pour permettre le “vivre ensemble” ». « On ne peut pas comparer la situation sanitaire actuelle avec une situation terroriste », continue Francette Popineau, qui regrette l’utilisation de termes similaires dans des contextes bien différents.
Pour Frédérique Rolet, secrétaire nationale et porte-parole du Snes-FSU, syndicat national des enseignements de second degré, certaines de ces fiches « posent problème idéologiquement ». « On a l’impression que toute forme de critique est interdite », estime-t-elle auprès de Franceinfo.
« Propos haineux » ou « théories complotistes »
Contacté par « l’Obs » au sujet de la fiche « Ecouter la parole des élèves », le ministère de l’Education nationale précise que les « propos inacceptables » évoqués englobent « des propos haineux en direction d’une personne ou d’un groupe », « manifestant le refus des gestes barrières et le souhait de s’en affranchir », « exprimant une indifférence à la situation, un mépris des deuils », ou encore « relayant des théories complotistes ».
Le ministère précise par ailleurs que la plateforme Eduscol est « destinée aux professeurs et propose des moyens de répondre en tant qu’enseignant » face à certaines dérives.
D’autres fiches présentes sur Eduscol avaient attiré l’attention des enseignants, comme celles sur le « risque de dérive sectaire » [PDF] ou le « repli communautaire ». Cette dernière explique dans son introduction que « la crise du Covid-19 peut être utilisée par certains pour démontrer l’incapacité des Etats à protéger la population et tenter de déstabiliser les individus fragilisés. Divers groupes radicaux exploitent cette situation dramatique dans le but de rallier à leur cause de nouveaux membres et de troubler l’ordre public ».
La secrétaire générale du Snuipp-FSU Francette Popineau regrette là aussi, auprès de Franceinfo, un « amalgame » laissant penser que « le communautarisme et la façon de comprendre cette crise sanitaire ont un rapport ».
Là encore, le ministère de l’Education nationale tente de se justifier, assurant que la Mission interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives sectaires (Miviludes) l’avait alerté « chaque semaine pendant le confinement » sur « un risque de récupération des peurs par certains individus ou groupes qui prônent des idées (par exemple sur l’alimentation) en dehors des consensus scientifiques, voire pouvant présenter un danger ».
Contrairement à des circulaires, ces fiches pédagogiques n’ont pas de valeur réglementaire. Elles sont destinées à « [souligner] les points de vigilance à porter à certaines situations et l’importance à accorder à la parole des élèves », est-il précisé sur Eduscol. « Elles ne peuvent pas contrevenir à la liberté pédagogique des enseignants », rappelle Frédérique Rolet.
un avant-goût de la loi Avia !
Dépassons la question de l’origine de cette réaction, sans être dupes et toujours vigilants sur les motivations profondes, et partageons une légitime inquiétude sur le glissement inexorable vers un régime « autoritaire« si je m’efforce de rester optimiste (? en contemplation des désordres qui pointent avec les conséquences économiques, financières et sociales de la gestion de cette petite épidémie)
Un vrai débat quant à la forme de manifestation que nous allons devoir choisir contre ceux qui fourvoient le pays depuis 36 mois…
Pour ma part, je serais favorable à la méthode Gandhi avec adaptation au contexte temporel, spatial et technologique…
En tout état de cause, pour nos enfants et les enfants de nos enfants, nous, les plus anciens, avons un DEVOIR impérieux : celui de se lever en masse…pour regarder nos jeunes dans les yeux en espérant qu’ils y liront la valeur de la liberté, bien au delà de la crainte de la mort !