Virginie Pradel est fiscaliste à la Fondation Concorde.
L’art de plumer les contribuables français sans les faire crier
Mais comment augmenter la pression fiscale sans que cela ne se sache et surtout ne braque les contribuables? Plusieurs méthodes sont envisageables. Le gouvernement peut tout d’abord opérer une distinction entre les impôts, d’une part, et les taxes, contributions et cotisations, d’autre part. Il peut également recourir à des hypothèses fiscales improbables… et «marketer» les nouveaux prélèvements, voire (encore mieux!) les décentraliser… En somme, il existe en France presque autant de prélèvements que de façons de les augmenter sans se faire remarquer.
Distinction artificielle entre impôt, taxe, contribution et cotisation
Impôt, taxe, surtaxe, contribution, contribution «exceptionnelle», redevance… Notre terminologie fiscale est riche (il faut bien varier les plaisirs) ; et cela n’a manifestement pas échappé à notre ministre de l’économie qui en use… et en abuse.
Pour mémoire, ce dernier a affirmé sur RMC et BFMTV: «Il n’y aura pas de nouvel impôt en France pendant le quinquennat. […] On ne supprime pas un impôt pour en rétablir un autre». Soit! Mais pour notre ministre de l’économie, s’empêcher de créer un nouvel impôt ne signifie pas s’empêcher de créer de nouvelles taxes et a fortiori de nouvelles contributions! Aussi la première loi de finances rectificative pour 2017 a-t-elle introduit deux contributions sur l’impôt sur les sociétés au taux de 15 % (soit 30 % au total) pour les très grandes entreprises. On précisera que ces deux contributions, dites «exceptionnelles», n’ont en réalité d’exceptionnelles que le nom dès lors qu’elles s’inscrivent dans le prolongement direct de la contribution elle aussi exceptionnelle instaurée en 2012 par François Hollande, laquelle a pour rappel été prorogée et augmentée une fois (de 5 % à 10,7 %).
La deuxième loi de finances rectificative pour 2017 a, quant à elle, instauré deux taxes, à savoir celle sur l’exploration d’hydrocarbures et celle sur l’exploration de gîtes géothermiques à haute température. Enfin, la loi de finances pour 2018 a également introduit trois nouvelles taxes:
– celle pour le développement des industries de fabrication du papier, du carton et de la pâte de cellulose ;
– celle additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules de tourisme ;
– celle sur les plus-values réalisées à l’occasion des cessions de logements par les organismes d’habitations à loyer modéré et par les sociétés d’économie mixte agréées.
Ce sont donc en définitive sept taxes et contributions qui ont déjà été créées par ce gouvernement.
Dans le même esprit, notre ministre de l’économie a déclaré qu’il n’y aurait «pas de hausse d’impôt» pendant le quinquennat. Soit! Mais cela n’empêche nullement d’augmenter les taxes et cotisations déjà existantes. C’est d’ailleurs ce que s’est attelé à faire le gouvernement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, dans laquelle il a augmenté les taux de la Cotisation Sociale Généralisée (CSG) de 1.7 point, ce qui porte celui sur les pensions de retraites à 8,3 %, celui sur les revenus d’activités à 9,2 %, et celui sur les revenus du patrimoine à 9,9 % (cela équivaut à une hausse de 20%).
Pour rappel, les cibles fiscales de cette hausse sont les retraités et les propriétaires immobiliers dans la mesure où ils ne bénéficient d’aucune compensation.
Au reste, le gouvernement a nettement renforcé le montant de la taxe carbone (hausse de 46 %) ce qui a corrélativement augmenté les tarifs des taxes intérieures de consommation (TIC) frappant les produits pétroliers (TICPE), le gaz naturel (TICGN) et le charbon (TICC). Ces taxes discrètement camouflées dans les factures sont très coûteuses pour les consommateurs d’énergies (essence, gazole, gaz, etc.) ; rappelons d’ailleurs que la TICPE représente à elle seule la quatrième recette fiscale de l’État (environ 16 Mds € par an). Enfin, le gouvernement a augmenté le taux de la taxe sur les métaux précieux (or, platine, etc.) de 10 % à 11 %, le tarif de la taxe sur les véhicules les plus polluants, ainsi que le montant des droits sur le tabac.
Certes, on ne peut pas reprocher à notre ministre de l’économie d’avoir délibérément menti dans la mesure où aucun impôt stricto sensu n’a été créé ou augmenté depuis son arrivée ; cela étant, la distinction politique qu’il a opérée entre impôt et taxe confine à la tartufferie fiscale pour au moins deux raisons. D’une part, car la différence existant en théorie entre ces deux prélèvements obligatoires (les recettes d’un impôt sont soumises à la «règle de non-affectation» contrairement à celles d’une taxe) n’est pas respectée par le législateur ; si bien que certains impôts portent le nom de taxe, à l’instar du premier impôt de France qui se nomme Taxe sur la Valeur Ajoutée (la fameuse TVA). D’autre part, car cette distinction entre impôt et taxe méconnue de la quasi-totalité des contribuables ne change rien en pratique pour ces derniers lorsqu’ils sont amenés à les payer.
Retenir des hypothèses fiscales improbables
Une autre méthode contestable à laquelle le gouvernement recourt est celle consistant à retenir des hypothèses fiscales improbables pour aboutir à des conclusions favorables d’absence de hausse d’imposition.
Prenons par exemple les droits sur le tabac: le gouvernement a décrété non seulement que ceux-ci allaient fortement augmenter (hausse de 1 € du paquet de cigarette en mars 2018) mais aussi que cette hausse conduirait naturellement les Français à arrêter de fumer. Il en a ainsi conclu qu’il n’y aurait pas de hausse des recettes fiscales liées au tabac en 2018 et donc pas de baisse du pouvoir d’achat des Français. Bien entendu, cette analyse est fortement contestable dès lors qu’il est impossible d’anticiper la réaction des fumeurs et que du reste, les expériences passées de hausses successives des droits sur le tabac n’ont jamais eu les effets escomptés par les pouvoirs publics, à savoir une baisse de la consommation.
On précisera que le gouvernement a retenu une analyse similaire s’agissant des taxes sur l’essence et le gazole puisqu’il est parti du postulat que la hausse des tarifs de ces taxes allait inciter les Français à moins conduire, ou à se reporter vers des véhicules électriques (d’autant moins probable avec la hausse de la taxe carbone à venir et donc du prix de l’électricité) ; et il en est naturellement arrivé à la conclusion que cette hausse n’allait pas obérer le pouvoir d’achat des Français.
Opter pour la décentralisation fiscale
Enfin, le gouvernement actuel a maintenu la décentralisation fiscale mise en œuvre par le précédent gouvernement, laquelle consiste pour l’État à transférer certaines compétences aux collectivités territoriales, sans ressources supplémentaires, mais en leur offrant la possibilité de créer un nouvel impôt local (à leur propre détriment). L’État a ainsi transféré en 2014 aux EPCI à fiscalité propre la compétence sur la Gestion des Milieux Aquatiques et la Prévention des Inondations (GEMAPI) et la faculté d’instaurer une nouvelle taxe GEMAPI, rebaptisée depuis lors «taxe inondation». Nouvelle taxe qui est loin d’être anodine puisque son montant pourra s’élever en 2018 jusqu’à 40 € par habitant, soit jusqu’à 200 € pour un couple avec trois enfants ; ce qui devrait largement venir compenser la baisse d’un tiers du montant de la taxe d’habitation en 2018.
On ne cessera de le rappeler: les grandes promesses de baisse d’impôts (ou de taxes) n’engagent que les contribuables qui les écoutent et qui y croient encore.
Quelques notes.
COLBERT, pour plumer les oies, n’est que le digne successeur de RICHELIEU, surtout de MAZARIN, de FOUQUET. Tous des hommes de la maltôte, les organisateurs de la FERME GÉNÉRALE qui se prolongera encore deux siècles.
Les révolutionnaires de 1789 couperont la tête de leurs successeurs. Ils prenaient tous une bonne part des traités fiscaux passés avec le MINISTRE. A ce sujet lire, de DANIEL DESSERT, son énorme pavé de 825 pages intitulé chez Fayard : Argent, pouvoir et société au grand siècle.
Comparaison avec BERCY possible selon JEAN ARTHUIS qui a passé 21 mois à BERCY (lire son petit ouvrage de 280 pages Dans les coulisses de BERCY chez Albin Michel). Cependant l’auteur reconnait que les quatorze directeurs de BERCY œuvrent dans l’ombre des coulisses. Alors même que le Ministre, pourtant posé sur la scène où on lui souffle des coulisses ses interventions ne parvient pas à jeter toute la lumière ne serait-ce que sur les rémunérations des successeurs des nouveaux fermiers généraux.
Bref s’attaquer à BERCY sans avoir une idée précise de ce qui peut succéder à la fiscalité actuelle est peine perdue devant l’efficacité terrifiante des 14 directeurs qui gèrent la France comme des maltôtiers.
JUSTIN MENIER, le chocolatier, dans THÉORIE ET APPLICATION DE L’IMPÔT SUR LE CAPITAL 700 pages, chez Gallica, distingue bien en 1874 le capital circulant dont il faut lever les multiples garrots qui étranglent l’économie (sujet toujours actuel de ce post) du capital fixé au sol qui doit payer les fonctions régaliennes à lui seul. Le critiquer sans lire cet auteur me laissera sans réponse.
Cordialement
ou l’amour du fisc .;
après culbuto qui culbutait a tous va ses amies de la finance
c’est chamboul’tout qui va nous la faire a l’envers et contre tous!
c’est la patte sociale du sociaux-pates afin de rajouter du gras a cet état grassouillet