Aujourd’hui, vendredi 10 décembre 2010, le journal Midi libre titre, en première page, toutes éditions, « Le logiciel de pharmaciens servait à frauder le fisc ». Suit, sur une pleine page en six colonnes, différents articles dont le principal est le suivant:
« GardLe logiciel « permissif » de gestion à l’origine d’un scandale qui éclabousse 4 000 pharmacies DR
Au départ, c’est une banale enquête liée à une fraude sur des ordonnances bidonnées qui a incité la Sécu et les gendarmes à se pencher sur le cas d’une pharmacie gardoise. Derrière une première fraude de 50 000 €, les investigations de la gendarmerie ont permis de mettre au jour l’existence d’un logiciel “permissif” qui peut effacer une partie des recettes des officines.
Ainsi, de l’argent disparaissait des comptes de la pharmacie disposant du programme informatique. Cette truanderie fiscale serait estimée à 5 000 € par mois. La commission rogatoire d’un juge d’instruction nîmois aurait révélé que près de 4 000 pharmacies étaient équipées de ce logiciel !
Certaines pharmacies auraient trouvé un bon remède à leur problème d’impôts : faire disparaître de leurs comptes une partie des recettes. Sur le papier la méthode peut paraître simple. Mais dans la réalité des officines, le procédé serait beaucoup plus fin, plus ingénieux. Il est basé sur un logiciel dit permissif qui offre des fonctions peu compatibles avec l’orthodoxie fiscale.
« Dans les officines, il y a tellement de références que la traçabilité comptable des produits est extrêmement difficile à assurer. Pour nous, la fraude concerne surtout la parapharmacie », note un observateur avisé du dossier estimant que la fraude fiscale pourrait atteindre « au bas mot les 400 millions d’euros ». Des sommes perdues pour les caisses de l’État. Et la fraude atteindrait au moins ce montant si l’on se base sur un redressement sur trois ans. En réalité, les chiffres seraient beaucoup plus importants.
Tout a commencé dans une pharmacie de Remoulins (Gard) en 2008 (1). Les vérificateurs de la CPAM et les gendarmes débarquent dans l’officine. Ils suspectent des fraudes sur des ordonnances falsifiées, le tout pour un montant de 50 000 € environ sur période de deux ans. La perspicacité des enquêteurs permet de mettre la main sur un cahier, sur lequel figure ce qui ressemble à une formule informatique. Les charges déjà existantes conduisent au placement en garde à vue du couple de pharmaciens.
Au passage, les enquêteurs découvriront que le mari exerçait ce métier sans le diplôme. Il lui sera plus tard reproché l’exercice illégal de la profession de pharmacien. Durant les auditions, la femme et son époux « ont fait montre d’une certaine forme d’agace- ment », glisse un proche de l’enquête. Quant au logiciel, ils ont reconnu l’utiliser pour ces vertus “bienfaisantes” pour leur comptabilité occulte, à hauteur « de plus de 8 000 € chaque mois ». Ils auraient aussi dit qu’ils s’étonnaient de se retrouver dans le collimateur des services de l’État. Car pour eux, en substance, tout le monde fraudait de la même façon pour dégager du liquide de la recette, et pas à des doses homéopathiques…
« En moyenne, les évaluations penchent pour 5 000 € environ qui seraient effacés des comptes mensuellement, soit 60 000 € par an », estime un enquêteur. Au terme des auditions, le couple de Remoulins avait finalement été remis en liberté. Ensuite, l’affaire a continué dans le cadre d’une information judiciaire et les deux Gardois ont été déférés devant le juge après une nouvelle garde à vue. A l’issue de leur interrogatoire de première comparution chez le magistrat instructeur, le 23 septembre 2008, la pharmacienne a été mise en examen pour « faux, usage de faux, escroquerie, travail dissimulé par dissimulation d’activité ». Mêmes motifs pour son mari à qui la justice reproche aussi « l’exercice illégal de la profession de pharmacien » .Depuis les mises en examen de 2008, le juge d’instruction, Lionel Mathieu aurait continué son travail minutieux pour comprendre comment cela fonctionnait chez le fabricant du logiciel.
Au siège de la société, les auditions des informaticiens, par la section de recherches (SR) de Nîmes, auraient confirmé les premières suspicions. Officiellement, le logiciel sert à assurer la gestion des comptes des pharmacies et à rectifier des erreurs de caisse. Mais en arrière-plan, une application activée avec un code informatique permet d’effacer certaines opérations enregistrées. La perquisition aurait permis de retrouver une liste de près 4 000 pharmacies qui ont bénéficié de la formule informatique spéciale. Ce qui laisse penser qu’ils l’ont demandée pour s’en servir. « Pour nous, en pourcentage la fraude n’est pas très importante au regard du chiffre d’affaires d’une pharmacie. Mais en valeur absolue, c’est chaque mois plusieurs milliers d’euros à multiplier par le nombre de pharmacies concernées sur le territoire national. ». Autant dire énorme. En marge de l’aspect judiciaire et des mises en examen ordonnées, tout le volet fiscal du dossier a été transmis au ministère des Finances, à la DNEF en particulier. Le juge d’instruction nîmois, Lionel Mathieu, pourrait récupérer l’ensemble de cette affaire de gros sous. Pas vraiment des comptes d’apothicaires.
Un code « nettoie » les comptes Le logiciel incriminé, mis au point en Poitou-Charentes, est proposé à la vente pour ses qualités et ses facilités d’utilisation dans la gestion d’une pharmacie. Mais le système est semble-t-il prisé pour sa souplesse avec la comptabilité. Avant le système à code, mis au jour par l’enquête, des manipulations informatiques étaient réalisées à l’aide de disquettes. Mais apparemment, ces bidouillages faisaient “bugger” le système et provoquaient trop de problèmes informatiques. Il semble que les effacements comptables avec disquette ont été réalisés jusqu’en 2004. Ensuite, en 2005, une nouvelle version améliorée du logiciel est arrivée sur le marché. Le code informatique permettant de “nettoyer” les comptes était envoyé par courrier après une demande de l’officine. Selon nos informations, l’importance de l’affaire aurait conduit les services fiscaux à la faire remonter à la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) qui supervise les fraudes les plus importantes. La 45e division de la DNEF aurait été chargée de ce dossier d’envergure.Dernièrement, des vérifications auraient été réalisées dans plusieurs officines ayant recours au logiciel permissif. Les dossiers seraient en cours d’analyse. Sur le terrain pénal, une plainte pour fraude pourrait être déposée prochainement par cette direction dans un tribunal de la région Poitou-Charentes où se situe l’entreprise visée par les vérifications. En tout cas, si les anomalies étaient confirmées, il s’agirait d’une première en France. Les gendarmes, la justice et les services fiscaux, poursuivent leurs investigations dans l’univers des pharmacies mais il est désormais possible d’imaginer que des secteurs d’activité différents ont eu recours à d’autres logiciels semblables. En ces temps de vache maigre pour les caisses de l’État, les services fiscaux pourraient s’intéresser aussi à d’autres affaires. Au départ c’est le groupe de lutte contre la fraude (Golfo) piloté par le vice-procureur de Nîmes, Pascale Palau qui a supervisé les investigations sur l’affaire. Aujourd’hui cette structure se nomme le Codaf (comité opérationnel de lutte antifraude) qui rassemble enquêteurs et organismes sociaux et permet d’efficaces recoupements. Textes : Hocine ROUAGDIA »
Toute une profession mise au banc des accusés.
L’émotion passée, il n’est pas interdit de réfléchir, les questions ne manquent pas.
Une fraude généralisée découverte par deux gendarmes des environs de Saint Tropez, quelle aventure….. On va jaser sur le dos des pharmaciens dans les chaumières.
Mais comment l’expliquer, car cela suppose:
– Soit que ces quatre mille pharmaciens n’aient pas été contrôlés pendant des années.
– Soit que les contrôles qu’ils ont eu à subir ont été réalisés par des contrôleurs complètement incompétents.
Car, pour qu’il y ait effacement systématique des rentrées en caisse, comme parait-il le permettait le logiciel (injustement accusé, comme si c’était lui le fraudeur), il a fallu que les achats ne donnent pas, en recette, les ratios normaux.
Ces pharmaciens établissent, comme tous les commerçants, des stocks annuels facilement vérifiables.
Je n’ai pas entendu dire qu’il était possible d’acheter des médicaments en gros, sans facture, dans des pays faussaires.
Si, donc, des recettes manquent, c’est fatalement facilement visible.
En conclusion, cette information tient probablement plus de l’entreprise de propagande que du scoop. Tout cela est incontestable.
Maintenant, essayons d’imaginer le but poursuivi avec, comme il se doit, le risque d’erreur que comporte toute hypothèse.
Les pharmaciens jouissent d’un privilège appelé « numerus clausus », c’est-à-dire qu’ils maîtrisent leur nombre et leur implantation. Contre vents et marais ils ont gardé ce privilège au motif de la compétence et de la proximité. Ils ont convaincu, y compris le petit peuple qui les assimile à des médecins. Mais ce privilège renchérit incontestablement le coût de la distribution médicamenteuse.
Chacun connaît les déboires financiers de notre « chère » sécurité sociale. De là à imaginer que l’Etat serait désireux de voir les médicaments distribués plus économiquement, par les grandes surfaces par exemple, qui pourraient, pourquoi pas, le faire gratuitement, tant le produit d’appel qu’est le médicament est important pour elles.
En résumé, l’Etat pourrait être ravi de voir cette profession mise au banc de la nation, les pharmaciens qualifiés globalement de « fraudeurs fiscaux », ce qui faciliterait leur exécution par disparition du « numerus clausus ».
Je ne souhaite pas me mêler de ce combat, il a ses raisons bonnes et mauvaises des deux côtés.
Mais je trouve inadmissible qu’une profession soit ainsi entièrement jetée en pâture à la population de façon, j’en suis convaincu, calculée et perverse.
Faire passer des gens ordinaires, simples boutiquiers pharmaciens, pour des malfrats, truandant le fisc et donc voguant sur la vague des paradis fiscaux responsables du dérapage de l’économie et de la pauvreté de l’humanité, c’est indigne. Or, c’est bien l’image que colporte cette accusation publique qui va être, n’en doutons pas, largement relayée par les médias.
Déjà, comme il y a 70 ans, en d’autres occasions et pour d’autres groupes humains, l’ordre des pharmaciens trahit les siens, renchérissant sur l’accusation.
Nous sommes bien dans les stigmates du bouc-émissaire, de la délation pour tuer.
Je les plains ces pharmaciens, évidemment ceux qui n’ont pas triché ou peu, et même ceux qui ont triché parce qu’ils croyaient, n’étant jamais sanctionnés, qu’ils en avaient presque le droit, ou du moins le pouvoir.
A bientôt. Henri Dumas
Bibliothèque conseillée:
Irene NEMIROWSKY, Suite Française
ZHU XIAO MEI , La rivière et son secret