Un billet que j’aime bien, d’Yves Marchand, H.D.
Nous nous prenons vraiment trop au sérieux. Imbus de nous-mêmes – on ne sait pourquoi – l’humour et l’auto-dérision ont cédé la place au sarcasme et à la lourdeur. Un « relou »renforcé – on n’est jamais assez prudent – par un emoji qui prémunit l’auteur d’ une « vanne » (rien que le mot est vulgaire) contre l’incompréhension de son interlocuteur. Le tout s’achevant dans la complicité d’un rire gras.
Adieu légèreté, humour et allusion discrète, soucieuse de ne pas blesser mais tout au plus d’égratigner, à charge de revanche…
L’univers se prend au sérieux. En tête, les grands de ce monde et ceux qui prétendent en devenir les maîtres. Tous nous présentent un visage de circonstance. Et seule alternative à leur sinistrose, ils s’esclaffent ou ricanent, comme si d’un seul coup, perdant tout maintien, ou pris de boisson, ils se laissaient aller à la gaudriole.
Peut-être alors décompressent-ils, ou prennent-ils conscience de la vanité des mots qu’ils prononcent. Les ricanements de Trump, les fous rires de Clinton et de Ieltsine, et plus récemment les franches rigolades de Boris Johnson nous ont fait découvrir les clowns qui percent sous les puissants.
Seule échappe à ce carnaval de figuration la plupart des dirigeants asiatiques. Question de culture.
Les dictateurs classiques, du liquidateur Kim Jong-un aux frères Castro, en passant par le sinistre Poutine, ne font pas exception à ce ridicule.
Quels qu’ils soient, d’où qu’ils viennent, tous ces gens ignorent le sourire. Qu’il soit signe d’empathie et de sincérité, ou d’ironie et de duplicité. Ils ne connaissent en dehors des mots que le rire de corps de garde.
Alors que tout dépend du sourire qui se passe de mots.
Après une longue carrière au service des mots, de prétoires en tribunes diverses, j’ai récemment – il n’est jamais trop tard – fait l’expérience d’un dialogue sans mots. Ou, devrais-je dire, d’un monologue ponctué de sourires en guise de réponses. On peut tant dire par un sourire… Et c’est tellement moins bruyant ! Seulement voilà, contrairement aux mots, le sourire exige l’écoute réciproque. On s’écoute quand on s’aime. Et le sourire est acquiescement.
Les mots virevoltent, se bousculent, se heurtent, se hachent, se murmurent, se hurlent, s’effacent et puis, s’oublient. J’ai honte d’en avoir tant dit.
Le sourire, lui, s’installe, transfigure celui qui le fait et s’imprime à jamais dans la mémoire de qui le reçoit. Rien de plus beau qu’un sourire d’enfant et de plus émouvant qu’un sourire de malade.
Sourire d’affection, de mépris, de sarcasme ou d’ironie, plus fort que toute déclaration, il est révélateur de la pensée.
Tandis qu’on s’interroge sur la sincérité des mots.
C’est le sourire qui engage, pas les mots.
C’est lui qu’il faut croire.
Méfions-nous du verbe qui tente de dire plus que le sourire.
Il dissimule la duplicité.
Il faudrait rappeler à tous les dictateurs de pacotille que le plus puissant des hommes finit toujours entouré de sapin.
La France est devenue le plus grand restaurant du Monde et le service laisse à désirer. Il nous reste l’humour, car ils nous en faut beaucoup dans ce pays et m^me celà devient difficile.