Qui contrôle les médias contrôle les esprits

Cette déclaration de Jim Morrison, chanteur américain, leader des Doors décédé à 27 ans à Paris le 03 juillet 1971, amène à se poser la question suivante : Peut on manipuler l’opinion publique ou simplement l’influencer et quelles sont les techniques utilisées ?

Un concept ancien théorisé récemment

Il faut remonter à Sun Tzu, général chinois du sixième siècle avant notre ère, pour retrouver la plus ancienne théorie sur la guerre de l’information dans son ouvrage L’Art de la guerre ; essentiellement dans l’optique de stratégies de déstabilisation de l’adversaire. Toutefois, le premier a avoir théorisé ces concepts est Edward Bernays, un américain d’origine autrichienne, neveu de Sigmund Freud (le psychanalyste), dans un livre intitulé Propaganda publié en 1928 dont le but, à l’origine, était de convaincre les américains des bienfaits du capitalisme.

On s’aperçoit donc que la désinformation et la propagande sont aussi vieilles que l’homme lui-même et que nous sommes sans arrêt sollicités par des informations extérieures. En fait, à bien y regarder, tout le monde manipule tout le monde : les parents avec leurs enfants, les enfants avec leurs parents, les enseignants avec leurs élèves, les industriels, les politiciens.

Le premier utilisateur de la propagande de masse a été le régime nazi dans les années 30 avec son grand maître Joseph Goebbels et sa grande prêtresse Leni Riefenstahl, cinéaste de génie qui réalisa plusieurs films à la gloire du régime, dont le plus célèbre est « le triomphe de la volonté » dont il est dit qu’il s’agit d’un des plus grands documentaires de propagande jamais réalisés !

On se rappelle effectivement ces rassemblements grandioses de nuit à Nuremberg avec colonnes, flambeaux, oriflammes, drapeaux et musique destinés à donner un sentiment de puissance, de cohésion et d’appartenance à un groupe en exacerbant la supériorité de la race aryenne, le mythe du surhomme infaillible (Adolf Hitler) qui s’est imposé à la population allemande

Mais l’utilisation systématique, par le pouvoir, de la propagande avec pour but avéré de conditionner, voire de manipuler la population remonte pour l’essentiel à la première guerre mondiale. A l’époque on appelait ça du « bourrage de crâne » et on a oublié que l’hebdomadaire satyrique le Canard Enchaîné a été créé en 1915 pour contrer la propagande massive et mensongère du gouvernement.

Les techniques de l’information et de propagande ont évidemment suivi l’évolution technologique des médias et des moyens d’information en commençant par la presse écrite, les affiches, les tracts, la radio, les meetings politiques, le cinéma, la télévision et désormais Internet. La télévision a été longtemps été, et jusqu’à une période très récente, l’organe de propagande favori du pouvoir (il y eut à son époque une ligne directe entre le ministère de l’intérieur et le bureau du directeur de l’ORTF) ; jusqu’à l’arrivée d’Internet qui a violemment  rebattu les cartes !

Mais il ne faut pas oublier qu’à l’origine, la manipulation de l’opinion avait lieu essentiellement par le biais de la rumeur colportée de bouche à oreille. Il y a quelques exemples célèbres dont celui de la rumeur d’Orléans qui accusait en 1969 des commerçants (juifs par hasard) de kidnapper des jeunes filles pour les envoyer dans des bordels du moyen orient dans le cadre de ce qu’on appelait alors la « traite des blanches ».

En 1895, Gustave Le Bon avait d’ailleurs fait paraître un ouvrage intitulé Psychologie des foules, dans lequel il tentait de théoriser le sujet. Selon lui, les rumeurs procèdent d’une approche psychologique, souvent pathologique, et sont l’expression d’un inconscient collectif. Il les assimilait à des maladies quasi épidémiques du corps social.

Qui manipule qui ?

Nous vivons désormais dans un monde dominé, saturé même, par une information, surabondante, vraie ou fausse dans des secteurs aussi divers que le commerce ou l’industrie (publicité), la politique (on parle alors de communication), la religion.

Il faut aussi être lucide, tous les Etats tentent de manipuler leurs populations pour les canaliser et éviter la contestation, les manifestations de rue, les émeutes ; car, compte tenu de l’organisation sociale qui est la nôtre, tout projet d’envergure doit être approuvé par l’opinion publique. D’ailleurs, quand une nouvelle désagréable doit être annoncée, le pouvoir la fait souvent fuiter pour habituer la population ou pour tester sa réaction.

Toutefois, les Etats n’ont pas le monopole de la manipulation car des groupes privés ou non étatiques se livrent aussi à des actions de propagande ; même si on utilise alors plutôt les termes de lobbying ou de cercles d’influence. Certaines ONG écologistes exploitent ainsi l’écologie à des fins pas forcément écologiques (lutte contre le capitalisme, contre les multinationales, contre le nucléaire en exploitant la peur de la bombe atomique).

Il faut bien entendu ne pas oublier non plus l’école de la République avec ses mythes fondateurs (la révolution de 1789 et son mythe égalitaire) enseignés dès le plus jeune âge dans le cadre d’une instruction soigneusement définie par le pouvoir (mais tous les Etats ont leurs mythes fondateurs) et la propagande marxiste résolument anti entreprise d’un corps enseignant politiquement engagé.

Bien souvent cette propagande se fait avec la complicité active de la presse, surtout en France où elle est très largement subventionnée ; trahissant de ce fait la règle qui devrait être la sienne : être au service de ses lecteurs et non au service du pouvoir.

Par ailleurs, certaines périodes sont plus propices que d’autres à la manipulation ; il s’agit notamment des périodes troublées voire même seulement instables. L’élection présidentielle en fait partie et 2017 représente presque un cas d’école avec le lynchage évident de F. Fillon dans le but d’amener à la victoire le seul candidat « possible » face à Marine Le Pen !

Les modes d’influence

Il y a en fait deux modes d’influence ou de manipulation :

– une positive : c’est la publicité pour vendre des produits et des services qui inonde tous les médias, et qui tend à exploiter l’appât du gain et la convoitise. Ainsi ces publicités qui prêtent certaines vertus (notamment thérapeutiques) à de simples aliments ou des vertus médicales à des procédés techniques totalement inefficaces. Il s’agit donc de vanter les qualités vraies ou fausses du produit ; au consommateur d’y croire ou non, de s’en faire une opinion ou non.

– une négative : il s’agit de toutes les formes de propagande qui exploitent les sentiments irrationnels tels que la crédulité, la peur ou la haine, et nous entrons alors dans le domaine royal du « complotisme » qui exploite à fond ces sentiments. L’influence se produit en jouant alors sur des biais cognitifs (nous n’avons pas tous les mêmes croyances) voire carrément sur la paranoïa des gens. L’écologie politique joue clairement sur le registre de la peur en faisant croire que la planète serait en urgence absolue.

La diabolisation constitue un élément clé de ce type de manipulation dans la mesure où elle met en jeu une charge émotionnelle tronquant le processus d’analyse objective de la situation par l’individu. Il en a été ainsi des juifs présentés par les nazis comme les responsables de la situation catastrophique de l’Allemagne avec les conséquences que l’on sait.

On entre alors dans le cadre d’un processus de désinformation qui n’est autre qu’une tromperie au besoin par amalgame ou dévalorisation des autres ; voire en faisant référence à l’existence de prétendues lois naturelles ou pire de prétendues lois scientifiques.

Mais il peut s’agir aussi d’un processus de victimisation qui joue sur l’insatisfaction d’une partie de la population (habitants des cités, musulmans opprimés par les croisés) ou par un message tel que les immigrés sont responsables du chômage.

Des techniques extrêmement variées

Les procédés d’influenciation de l’opinion sont en fait extrêmement variés et en constante évolution.

Internet et les réseaux sociaux jouent aussi leur rôle avec de nouveaux phénomènes tels que les Fake news (diffusion de fausses nouvelles) ou encore la manipulation de l’opinion avec la post vérité. Internet est devenu d’ailleurs le principal diffuseur de publicités ; notamment par le biais des réseaux sociaux.

Il existe aussi des procédés qui ne disent pas leur nom et qui, bien qu’ils soient effectivement de la publicité, n’apparaissent pas comme tels. Ainsi les publi-reportages avec souvent la caution d’un journal qui se fait payer pour un article qui n’émane bien évidemment pas de sa rédaction ou encore des images numériques manipulées (qui n’a pas vu cet ours blanc efflanqué sur son glaçon à la dérive ?) à l’appui d’un discours trompeur. A un moment, on a même craint le recours aux images subliminales dissimulées.

Mais la propagande et la manipulation peuvent aussi se dissimuler dans les arts, la musique, le théâtre, le cinéma, les livres, les documents pédagogiques sous des prétextes tout autres.

Ainsi, ces chansons passées en boucle sur certaines radios à seule fin de promotion, l’auditeur n’étant bien entendu pas informé que la diffusion de cette musique ne doit rien au talent de l’interprète mais tout au paiement par la maison de disques. Aucun film de cinéma ne sort plus sans un battage publicitaire « approprié ».

Pour intervenir dans une guerre, il faut retourner l’opinion publique qui est en général contre la guerre ; il faut la préparer aux conséquences de la guerre. Le gouvernement américain n’a pas hésité a présenter au public des preuves que Saddam Hussein possédait bien des armes de destruction massive … qu’on n’a jamais trouvées !

On peut estimer que l’on se situe alors dans le cadre de l’action psychologique pure et de ce qu’on a appelé « la fabrication du consentement » telle qu’elle a été théorisée par Noam Chomsky et Edward Herman en 1988 (avant l’irruption d’Internet) et dont le but est d’obtenir l’adhésion de la population à des mesures dont elle ne veut pas.

On se situe dans le même registre lorsque le pouvoir désigne un ennemi extérieur pour agréger la population derrière un leader (Chavez a désigné les USA comme la cause du malheur des vénézuéliens comme d’ailleurs Castro à Cuba).

L’utilisation de la propagande et de la publicité est devenue omniprésente avec des conseillers en communication qui guident les industriels mais aussi les politiciens avec les désormais fameux « éléments de langage ». On se situe alors dans le marketing politique.

Seulement, les gouvernements, quels qu’ils soient, n’aiment pas que l’information leur échappe et ils considèrent les réseaux sociaux comme des concurrents dont il faut limiter l’influence, voire éradiquer. Cela les amène à faire voter des lois dites « anti fake news » dans le but principal de contrôler l’information alors que le pouvoir se permet lui-même d’y déroger et d’utiliser ces fameuses fake news !

Nous nous situons bien dans ce registre lorsqu’on nous affirme que les dépenses publiques, y compris somptuaires, sont payées par l’Etat alors qu’elles ne sont jamais payées que par le contribuable auquel l’argent a été extorqué ou encore que la taxe carbone sert à financer des projets écologiques alors qu’elle n’a qu’un but purement budgétaire !

La référence à la voix du peuple ou à la volonté populaire est aussi une manipulation visant à faire croire à un unanimisme de nature à vaincre certaines résistances de certaines parties de la population. La voix du peuple n’est alors que l’expression de l’esprit populaire, lui-même forgé par des leaders en qui il a confiance et par ceux qui savent manipuler l’opinion publique, en utilisant préjugés, symboles et clichés, à quoi s’ajoutent quelques formules simplistes de nature à marquer l’opinion.

Une efficacité relative

La question qui demeure évidemment est l’efficacité de cette propagande et de cette publicité sur la population ; ce à quoi on peut répondre par l’aphorisme « calomniez, calomniez il en restera toujours quelque chose » que l’on attribue tantôt à Francis Bacon (1561-1626) tantôt à Beaumarchais (1732-1799).

Cela montre d’une part que le mensonge est indubitablement associé, et depuis fort longtemps, à la capacité de manipuler les foules et d’autre part que l’impact en est toujours plus ou moins incertain mais que, quelque soit le niveau de propagande utilisé, on peut espérer que qu’elle laissera des traces dans l’opinion publique.

Il en est évidemment de même à propos de la publicité purement commerciale.

D’ailleurs qui peut prétendre n’avoir jamais été influencé par des publicités, des images, des documents  ou des informations et s’être aperçu ensuite que ce qu’on avait cru au départ était finalement faux ou que le produit acheté ne correspondait pas en fait à ce qui avait été annoncé ?

On peut même imaginer que répéter longtemps le même message finit par avoir un impact. Ainsi, quand on discute avec des personnes de moins de 40 ans, on s’aperçoit qu’elles sont toutes absolument convaincues par le discours écologique officiel : l’homme est mauvais pour la planète. C’est le signe évident que 30 ans de propagande continue ont fini par faire leur effet ; tout comme il existe dans toutes les familles des « vérités » constituant de véritables dogmes !

On l’a compris : la publicité et la propagande jouent sur les ressorts de la nature humaine surtout que, bien souvent, ces techniques de manipulation partent du principe que la population est idiote et que très peu de gens ont la capacité et les connaissances pour apprécier la réalité des choses.

En gros, l’action publicitaire ou d’influence est basée sur le fait que la plupart des gens se laissent dominer par leurs émotions et leurs impulsions. La publicité ne sera jamais non plus en mesure de transformer un mauvais produit en bon produit. (il faut savoir d’ailleurs que le messages publicitaires sont d’abord testés sur un panel représentatif afin d’en mesurer l’impact avant d’inonder les médias).

On a beau estimer que la publicité est une forme de lavage de cerveau, elle n’a pas encore le pouvoir de faire acheter à quelqu’un quelque chose qu’il ne veut pas !

Car, finalement, la publicité ne peut pas tout et il y a des limites à l’acceptabilité de certaines décisions. Il serait d’ailleurs naïf de penser que la population gobe tout ce qu’on lui raconte et on se souvient d’ailleurs de quelques loupés mémorables tels que l’éco taxe et la taxe carbone.

Pourtant, on obtient parfois des résultats spectaculaires. Ainsi, D Trump, si politiquement incorrect, a réussi à renverser l’ordre des choses en utilisant, dans le cadre d’une approche totalement novatrice pour le monde politique, les réseaux sociaux et en twittant sans arrêt face à une presse hostile ayant délibérément pris parti pour l’establishment de Washington.

Finalement, nous n’avons pas fini d’explorer les possibilités techniques et intellectuelles de l’action psychologique et on peut s’attendre, dans les prochaines années, à des résultats inattendus du fait de l’irruption de nouveaux procédés basés sur des algorithmes maîtrisés pour l’instant essentiellement par seulement quelques grandes entreprises au nombre desquelles on doit comptabiliser les GAFA.

Bien cordialement à tous !

Απο την Ελλαδα ! (de la Grèce – Patmos)

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

2 réflexions sur « Qui contrôle les médias contrôle les esprits »

  1. Sauf que les paroles des uns et des autres sont noyées, submergées dans le flot incessant du brouhaha « cacophonique » qui nos entoure rendant les messages importants inaudibles. Merci pour ce texte dont le sujet est loin d’être clôt.

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