Le hasard de mon calendrier professionnel m’a fait passer à Paris cette semaine de canicule d’Avril, un rare phénomène météorologique.
J’ai découvert une société que je ne connaissais pas.
Le Vendredi j’avais un rendez-vous près du parc Monceau. Ayant déjeuné de bonne heure, je cherchais à occuper mon temps sur place avant ma rencontre prévue à 15H. J’ai franchi les grilles du parc Monceau pensant y trouver un moment de calme, il était 13H.
Là, stupéfaction, il y avait une foule que j’évaluerai à 5.000 personnes entrain de pique-niquer sur les pelouses. Au soleil ou à l’ombre selon les goûts de chacun.
La majorité féminine, l’âge moyen entre 30 et 40 ans. Pas de vieux. Des corps exposés, une ambiance discrètement sexuée.
Ayant toujours habité en bord de mer je suis habitué à ces transhumances solaires et aquatiques du type manchots qui font la joie des autochtones lors de l’arrivée des parisiens en Août.
Mais, concernant les pelouses des parcs de Paris ou d’ailleurs j’étais resté sur les pancartes « Défense de marcher sur la pelouse » dont la stricte observation était prise en charge par des gardiens de square à la sévérité légendaire. Ici rien de tel. Qu’en est-il des pelouses ?
Samedi, le soleil est toujours resplendissant, la chaleur presque torride, nous décidons d’aller manger une glace au Berthillon de l’île Saint Louis.
Nouvelle stupéfaction, les berges de la Seine sont noires de monde. Plus de 10.000 personnes probablement. Là aussi pique-nique de rigueur.
Mon souvenir des berges de la Seine était des entrailles nécessaires à la vie de la cité, partagées par la circulation automobile, les rats et les clochards. Il y a toujours les rats et les clochards mais plus de voiture remplacée en cas de chaleur et de soleil par des pique-niqueurs.
Le Trocadéro, le Champs de Mars, les Invalides, en fait tous les espaces verts ou libres de la capitale, subissent cette invasion de nonchalance et d’agapes pseudo-champêtres.
Pingouin parmi les pingouins je me suis demandé quel sens trouver à tout cela.
Tout d’abord il saute aux yeux que la dimension collective du phénomène n’est qu’apparence. L’ensemble est composé d’entités distinctes qui ne se mélangent pas, qui cependant cohabitent dans le calme et sans animosité apparente.
Assez semblables dans leurs tenues vestimentaires, je me suis demandé s’il en était de même pour leurs pensées politiques et philosophiques. Je n’en sais rien, mais j’ai pris pour hypothèse que oui.
S’il fallait résumer la situation je dirais que je la trouve animale du type : « maintenant, tout de suite ». L’inverse de la société des hommes qui pour moi serait plutôt : « aujourd’hui nous œuvrons pour préparer demain ».
Ces foules, exposées aux prédateurs, me paraissent particulièrement fragiles. Ce ne peut être que l’inconfort qui les pousse vers ces sites inadaptés.
Accoudé au parapet surplombant la Seine sur le pont piéton qui relie les deux îles, je m’interrogeais sur l’état d’esprit de cette foule par rapport à l’étiquette de fraudeur fiscal que m’ont collée artificiellement deux vrais contrôleurs fiscaux fraudeurs. Je crois que ce serait majoritairement la haine, mécaniquement, sans réfléchir.
Au même moment, j’avais depuis mon point d’observation une vision au symbolisme renversant.
Dans l’axe de la Seine, au Sud-Ouest : la salle de restaurant au dernier étage de La Tour d’Argent et, au Nord-Est : la Mairie de Paris, hauts lieux du pouvoir. Entre les deux : les pingouins pique-niqueurs. Que dire de plus, tout est là.
Les pingouins sont des proies faciles que l’ours protège sans s’engager plus que quelques grognements, que les otaries dégustent à satiété et sans risque.
Cordialement. H. Dumas
La Franchise ne consiste pas à dire ce que l’on pense mais à penser ce que l’on dit , ce que vous faites cher Ami Henri !
« Il est donc inutile de compter sur le gouvernement pour changer les méthodes du fisc, vous ne devez compter que sur votre propre détermination. Alors Aidons -nous en nous soutenant les uns les autres, fortifions ceux qui, parmi nous, sont faibles, unissez-nous, organisons-nous et nous pourrons ainsi faire évoluer le fisc. »
Amitiés !