La morale ne peut échapper aux torsions imposées par l’échelle.
Son amplitude individuelle est un combat millénaire. Sa perception collective est récente.
Internet rend palpable, accessible, compréhensible, la morale collective au point qu’il n’est pas abusif de se pencher sur l’idée de réfléchir en terme de macro-morale, c’est à dire de morale propre au groupe.
Jusqu’à une époque récente le groupe était mené par des élites choisis ou imposées, sans que ces élites éprouvent le besoin d’informer de leurs actions les masses dépendantes d’eux.
C’est ainsi qu’anciennement l’église imposait le droit divin, les rois une extrapolation du même droit. La macro-morale ne pouvait exister, le groupe n’ayant ni information ni droit au chapitre. Dans un monde principalement agraire, le groupe était composé de serfs.
Le 19ème et le 20ème siècles virent l’avènement de l’industrialisation. Des champs la population bascula vers les usines sans que sa conscience morale soit respectée. Là non plus pas de macro-morale, uniquement des luttes de classes, des rapports de force.
Aujourd’hui il en est tout autrement, internet est là. L’information n’est plus secrète, la parole est libre et circule en tout lieu à la vitesse de l’éclair, venant de toute part.
La globalité se dote ainsi d’une conscience, la macro-morale devient sous nos yeux une réalité.
Cet évènement est considérable, rien ne sera plus comme avant.
Soudain nous apparait l’idée de la macro-morale sur laquelle nous pouvons porter un jugement, voire l’influencer.
Ce qui nous était inaccessible devient analysable, compréhensible.
Enfin, dans l’absolu, parce que dans la pratique c’est un peu plus coton.
Prenons un exemple de macro-morale: j’affirme que l’Etat français est moralement un escroc.
Première question : qu’est ce qu’un Etat ?
Les annalistes du sujet évoquent l’idée que l’Etat serait déterminé par une population contenue dans des frontières, qui serait liée par ce seul fait et peut-être aussi par l’idée d’un projet de vie commun. Tous s’accordent à dire que la spécificité de l’Etat est son pouvoir coercitif, l’usage qu’il est autorisé à faire de la force.
On peut donc conclure pour une société démocratique que la pensée majoritaire est l’Etat, représenté par ceux à qui est confié le pouvoir par cette majorité.
L’Etat c’est le droit de la majorité. C’est donc elle qui va établir les règles de droit et donc la macro-morale que tous vont subir.
Deuxième question : qu’est ce qu’un escroc ?
Je me contente sur ce point de retranscrire Wikipédia qui évoque ainsi l’activité de l’escroc : « L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. »
Les choses sont claires. Lorsque l’Etat, prétendant se faire le champion de la redistribution et de l’égalité, met en place, à ce titre, des manœuvres dont le but est bien de déterminer ses administrés à lui remettre des fonds, alors que le but annoncé n’est jamais atteint, qu’il est une abstraction, il s’agit évidemment d’une escroquerie.
Quand bien même cette escroquerie serait organisée par une majorité, son analyse macro-morale montre que cela en est une.
Qui pour sanctionner les dérives de la macro-morale ?
C’est tout le problème. Si effectivement soudain nous sommes suffisamment renseignés pour comprendre les motivations et les agissements de l’Etat, aucun moyen ne nous est donné pour les faire juger en cas de dérive morale.
Devant qui pourrions-nous poursuivre l’Etat, cette majorité changeante mais constante, qui nous escroque systématiquement quelque soit son origine politique ?
Quelle macro-conscience universelle pourrait juger la macro-morale qui détermine nos vies ?
Quelles dérives ?
J’ai pris un exemple facile. Tout le monde est conscient que l’Etat français est un escroc, simplement chacun se positionne en fonction du fait qu’il pense ou non en profiter.
Mais comment apprécier et juger de la macro-morale lorsqu’il s’agit des libertés fondamentales d’être ou de penser ?
C’est un vaste chantier que ce billet n’a évidemment pas la prétention de solutionner, juste de l’ouvrir.
Bien cordialement. H. Dumas