Morale et frasques de la république

Le tout Paris et les médias sont très agités et bruissent des récentes mésaventures de B Griveaux, le candidat LREM à la mairie de Paris avec deux grandes questions :

  • Fallait-il ou non que la vie privée de B Griveaux soit mise au jour de cette façon ?
  • Qui, dans le mouvement LREM, va bien pouvoir le remplacer, car la mairie de Paris est politiquement stratégique (le maire de Paris n’est pas un maire ordinaire – il a presque rang de chef d’Etat) et E Macron voudrait bien s’en emparer ?

La deuxième question ressortant exclusivement des petits arrangements entre amis du mouvement LREM, nous n’aborderons que la première question.

Pouvoir et sexe sont liés depuis les temps les plus anciens et on se souvient des nombreuses maitresses de rois tels que Henri IV, Louis XIV et Louis XV. Le pouvoir est aussi très souvent associé à l’argent.

La question qui se pose est en fait : peut-on ou a-t-on le droit de divulguer les turpitudes de nos élus, de nos dirigeants et de nos élites ?

Ici, deux conceptions s’affrontent :

  • La vision anglo-saxonne qui estime qu’un personnage public n’a plus de vie privée et qu’il se doit à la plus grande rectitude comportementale. Le meilleur exemple est la famille royale britannique dont les moindres faits et gestes sont scrutés par une « presse spécialisée »,
  • La vision latine, et notamment française, qui estime que la vie privée ressort de la sphère privée de chaque individu et que l’on ne doit pas en parler.

Denis Olivennes, dans LE POINT a pu ainsi écrire :

« la société des réseaux sociaux organise la propagation virale d’une idéologie puritaine importée des États-Unis et parfaitement contraire à nos mœurs et à nos valeurs. C’est un puritanisme d’un nouveau genre qui se prétend libertaire et progressiste, mais avance les mêmes arguments de transparence, de lutte contre l’hypocrisie, de défense de la vertu et de la pureté morale.

L’idée de la protection de la vie privée est inséparable de celle des droits de l’homme. Elle en est le socle. Elle a été inventée par la France des Lumières pour protéger l’individu contre les inquisitions de l’absolutisme. Dès lors que vous n’enfreignez pas la loi, nul n’a le droit d’entrer dans votre intimité et de savoir ce que sont vos idées, vos propos, vos mœurs, vos rapports familiaux, amicaux, amoureux ou sexuels. Or, sous l’effet d’une idéologie venue d’outre-Atlantique, combinée avec la puissance tellurique des technologies numériques et soutenue par l’intérêt bien compris des grandes plateformes US que sont les Gafa.

Les Américains, eux, inversent l’ordre des facteurs : si vous n’avez rien à vous reprocher, vous n’avez rien à cacher ! »

Cette envolée lyrique, avec un rappel des principes de la révolution contre l’arbitraire et l’absolutisme, est malheureusement fausse et n’est faite que pour justifier les « petits secrets des puissants ». En effet, le plus grand démenti a été apporté par les services fiscaux de Bercy qui ont mise en place un système algorithmique de traque fiscale par le biais de l’examen des réseaux sociaux.

Or, un principe ne vaut que tant qu’il est d’application constante et cet exemple en apporte la preuve contraire d’une manière éclatante !

Je me souviens d’ailleurs fort bien des propos d’un certain Darmanin, ci-devant ministre du budget, qui a formulé à propos des « incroyables moyens de la traque fiscale » une semblable déclaration ! « Si vous n’avez rien à vous reprocher vous n’avez rien à cacher » !

Au-delà de ces préambules, la monarchie française et la république ont toujours bruissé de rumeurs à propos des liaisons prêtées, à tort ou à raison, aux puissants et le français, par nature gouailleur, aime se régaler des ragots à propos des frasques de ces personnages publics.

Il existe d’ailleurs une abondante presse spécialisée sur les « people » qu’ils soient de la jet set, du spectacle ou de la politique ; certaines « divulgations » étant même carrément organisées par les « victimes » elles-mêmes avec la complicité (payante) des journaux (Closer, Gala, Voici …).

Néanmoins, là où D Olivennes a raison, c’est que ces deux visions ont actuellement une tendance à se rapprocher ou plutôt la seconde est en train de s’effacer devant la première notamment du fait du développement d’internet et des réseaux sociaux.

En effet, la moindre turpitude, vraie ou fausse, se retrouve immédiatement sur internet et devient virale ; c’est à dire qu’elle échappe complètement à tout contrôle et se répand sur la planète sans qu’on puisse ensuite l’arrêter.

Il est évident que, lorsqu’il s’agit d’une manipulation, d’un mensonge, cela peut devenir dévastateur pour la victime ; d’où d’ailleurs le vote à l’initiative de l’exécutif d’une loi anti-fake news dont le but premier est avant tout de contrôler l’information … ce qui s’avère dans les faits extrêmement difficile.

En ce qui concerne B Griveaux, les faits ne sont pas contestés, il n’y a pas de manipulation ; il s’agit seulement d’une « violation de sa vie privée ».

D’où la question existentielle : B Griveaux est-il une victime, au sens large, alors qu’il se livre, comme beaucoup, à cette mode de s’exposer de manière constante et narcissique sur les réseaux sociaux ?

Nous avions déjà le phénomène des sextapes de footballeurs avec la diffusion sur internet de vidéos sexuelles la plupart du temps tournées soit à l’insu de leurs acteurs soit avec leur accord mais leur diffusion n’a jamais été consentie. Cette diffusion peut même intervenir dans le cadre d’une vengeance. La plupart du temps, l’issue est judiciaire.

Avec B Griveaux, la situation change de nature car nous sommes passés du selfie au sexfie puisqu’il n’est pas contesté qu’il est l’auteur de la vidéo. De ce fait, la question des conditions dans lesquelles le blogueur russe est entré en possession de cette vidéo apparaît secondaire.

La deuxième question, encore plus complexe est : est-ce que la vie privée des hommes publics doit toujours rester secrète et ne peut-elle jamais être dévoilée même s’il s’agit de comportement manifestement « inappropriés » ?

A mon sens, il faut ici faire une distinction fondamentale entre d’une part les people et d’autre part les hommes (et femmes) politiques et les élites qui dirigent le pays ; lesquels ont en charge des responsabilités extrêmement importantes et sont investis de pouvoirs (par mandat ou délégation), notamment sur la population.

Les people du spectacle, du showbiz ou du cinéma n’ont aucune responsabilité publique et ils ont bien évidemment droit au respect de leur vie privée. D’ailleurs, la justice ne manque pas de le rappeler régulièrement au moyen de condamnations à de très lourds dommages-intérêts en faveur des victimes.

Il en va tout autrement des hommes (et femmes) en charge de responsabilités publiques que ce soit à la suite d’une élection ou même seulement d’une nomination emportant un pouvoir de coercition sur la population (par exemple un préfet ou un procureur de la république).

Et c’est là que se situe l’essentiel de la différence de conception ; les hommes et femmes de pouvoir pratiquant une bien commode confusion entre les uns et les autres sans vouloir discerner la différence fondamentale de situation.

Autrement dit, autant il nous importe peu de savoir que tel acteur ou tel chanteur est un utilisateur habituel des services tarifés de prostituées, participe à des partouzes, prend de la cocaïne et trafique avec la pègre ; autant l’électeur lambda a le droit de savoir que tel homme politique, bien loin de son image publique de bon père de famille, est en fait un adepte de semblables pratiques !

Imaginez un seul instant que cet homme soit le président de la république ?

Pensez-vous qu’il soit rassurant et légitime de cacher, au nom du principe du respect de la vie privée, qu’un homme en charge de la responsabilité d’un pays entier a de telles pratiques ?

En ce qui me concerne, bien évidemment non mais il est vrai que je suis beaucoup plus proche culturellement des pays anglo-saxons que de la conception latine des droits et devoirs des hommes publics.

Aux USA, mis à part le président, tous les secrétaires d’Etat (ministres) et tous les chargés de mission ne peuvent entrer en fonction qu’après que leur dossier personnel ait fait l’objet de la part du congrès (sénateurs et représentants) d’un examen si pointu qu’on l’appelle « le grill » ; et cet examen peut être à la fois très dur et très déstabilisant !

Inutile de vous dire qu’au moindre doute de comportement « inapproprié » le candidat est refoulé ; n’en déplaise au président !

En outre, dans les pays anglo-saxons, il n’y a pas de séparation entre vie privée et politique. On peut appeler ça du puritanisme mais on peut aussi appeler cela le respect de l’électeur qui doit avoir le choix de ne pas voter pour un pédophile, un dévoyé ou un salopard !

Et malgré ces règles strictes, il y a toujours des scandales (JF Kennedy et ses nombreuses maitresses, B Clinton et sa stagiaire Monika Lewinski mais Clinton a été poursuivi non pour ses relations sexuelles mais parce qu’il avait menti sous serment ce qui est un crime fédéral).

En Suède, le simple usage à titre personnel d’une CB publique pour acheter un tobblerone est sanctionné.

En France ?

Rien de tout cela, l’abus de deniers publics devient presque un brevet de capacité et on en arrive à des situations rocambolesques où le ministre du budget (M Cahuzac) en charge de la lutte contre la fraude fiscale est détenteur d’un compte dissimulé en Suisse et un fraudeur fiscal ou encore tel autre ministre (Th Thévenoud) qui est atteint de phobie administrative et ne fait aucune déclaration de revenus !

Plus récemment, nous avons eu JP Delevoye et ses 14 emplois administratifs, rémunérés ou non, en parfaite violation des dispositions constitutionnelles !

Car bien évidemment, le comportement inapproprié ne s’arrête pas aux dérives sexuelles et à l’usage de stupéfiants !

Il concerne en fait tous les aspects de la vie courante et cela porte aussi sur la pédophilie, les violences sur son conjoint ; ce qui signifie que chacun mène la vie qu’il veut sous réserve néanmoins de ses engagements publics car il est évident qu’on ne peut pas faire n’importe quoi lorsqu’on est un élu. Il faut montrer l’exemple !

Or, on a la désagréable impression qu’en France, les élites veulent pouvoir faire à peu près n’importe quoi en toute impunité ; l’essentiel étant que le public ne le sache pas. Or, si les élites font n’importe quoi, comment voulez-vous que la population les respecte et accepte le jeu de la démocratie représentative ?

Il ne faut pas oublier que les politiciens ont déjà une très mauvaise image auprès du public et que cette mauvaise image est en rapport direct avec leurs inconduites et turpitudes.

Je me souviens d’un client qui, un jour, a déclaré au tribunal alors qu’il avait commis un petit larcin (escroquerie) : Moi j’ai pris 1.000 F mais untel a volé un million et lui il n’a même pas été condamné ! Il ne comprenait pas pourquoi lui devait l’être !

Le problème est que nos élites, qui invoquent le respect de leur vie privée, n’ont pas compris ou ne veulent pas comprendre cet aspect de la morale publique.

Bien au contraire, ils pensent qu’entre collègues ayant les mêmes inconduites, avec la protection de la police et des services secrets, le silence de la presse (la presse était au courant de la double famille de Mitterrand logée aux frais de la république et protégée par la police de la république mais les français ne l’on découvert que bien plus tard en 1994 ce qui constitue, à tout le moins, un abus caractérisé de deniers publics) ils ont le droit de se livrer à des comportements qui sont l’exact contraire de leur image publique !

Autrement dit, l’omerta n’est pas une preuve de morale même si certains fustigent le retour de l’ordre moral et la dictature des médias et Internet reste bien à ce jour la seule voie que ne maitrisent pas ces élites ; alors qu’ils persistent à vouloir continuer dans leurs vieilles pratiques en répliquant : « internet poubelle de la démocratie » !

Cette vision, par trop commode, est évidemment celle des puissants qui veulent pouvoir faire n’importe quoi sans que cela se sache ! Ce n’est rien d’autre qu’une morale hypocrite aux relents catholiques : on va à la messe le dimanche, on a ses bonnes œuvres, mais on se conduit en privé comme une ordure !

Pour revenir à B Griveaux, qui par ailleurs s’était ouvertement moqué des français aux faibles revenus qui fument des clopes et roulent au diesel, il est bel et bien un tartuffe tel que l’a décrit Molière : bon père et bon mari aux yeux de l’électeur et finalement adepte de la luxure !

Car, B Griveaux s’est affiché (dans Paris-Match) en bon mari et bon père de famille donnant une image trompeuse de lui-même et, pire, fait des vidéos de ses « exploits ».

Au delà d’une véritable imposture, cela est consternant de médiocrité !

B Griveaux s’est ridiculisé et si rien ne l’obligeait à renoncer aux élections municipales parisiennes, il est évident que le bon sens lui a commandé de le faire car, à n’en pas douter et au-delà de son programme politique complètement inepte, les bulletins de vote auraient été dûment modifiés pour devenir des sexpapers !

Cette affaire apparaît finalement être pour LREM le boomerang de l’histoire Fillon ; lequel s’est vu cloué au pilori pour ses problèmes récurrents avec l’argent qui sont, curieusement, « opportunément sortis » juste au moment il était le probable gagnant des élections présidentielles. Cela l’a, d’une manière parfaitement identique, irrémédiablement dévalué aux yeux de français pas trop puritains sur le sexe (en France un queutard reste encore bien vu) mais beaucoup sur l’argent !

La règle des hommes publics détenteurs de mandats électifs ou de responsabilités publiques doit être impérativement : « tout ce que vous direz et ferez pourra être retenu contre vous ! ». Ils se doivent d’être irréprochables !

C’est comme ça, et il suffit de le savoir ; et, heureusement, internet est là pour pallier les défaillances de transparence du système mis en place, à leur profit et bénéfice exclusifs, par les élites !

Bien cordialement à tous !

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

7 réflexions sur « Morale et frasques de la république »

  1. Somme toute, ce n’est qu’un juste retour de manivelle. A qui le tour maintenant ? Manu 1er piégé par un stewart de l’Aeroflot ? Vas-y Vlad débarrasse nous-en.

  2. Complément de ma réflexion et rappel = Ce n’est pas le système MACRON mais le système politique français. D’ailleurs tous les élus et partis politiques soutiennent BG sans oublier la presse. Mais c’est Benjamin Griveaux qui a communiqué la vidéo à la compagne de Piotr Pavlenski est en 1er si j’ai bien compris et entendu. Il faut un certain culot et une dose de mauvaise foi pour accuser ceux qui ont partagé la vidéo car le 1er responsable est celui qui l’a partagée le 1er .
    Quand à Paris ce qui intéresse les partis politiques c’est la questure, des centaines de millions d’€ disponibles qui peuvent être dépensés sans aucun contrôle.

    1. Il n’est pas certain que ce soit la compagne de l’activiste russe qui ait reçu en première la vidéo mais, vous avez raison, quelle hypocrisie de s’insurger contre une violation de la vie intime alors que BG la lui – même fait connaître à une et peut – être même plusieurs personnes en leur transmettant une vidéo de ses exploits sexuels qu’il a réalisée? Bizarrement, les médias sont flous sur l’origine de la vidéo, faisant passer BG pour une victime et oubliant sa part de responsabilité.

      1. Bizarrement, les médias sont flous sur l’origine de la vidéo, faisant passer BG pour une victime et oubliant sa part de responsabilité.

        Bizarrement non !
        Griveaux était le petit chouchou de Macron qui voulait absolument rafler la mairie de Paris !
        S’en prendre à Griveaux c’est s’en prendre à Macron et quand la presse ne vit que des subventions du pouvoir …

  3. Mais c’est Benjamin Griveaux qui a communiqué la vidéo à la compagne de Piotr Pavlenskiest en 1er si j’ai bien compris et entendu. Il faut un certain culot et une dose de mauvaise foi pour accuser ceux qui ont partager la vidéo car le 1er responsable est celui qui l’a partagé le 1er .
    Quand à Paris ce qui intéresse les partis politiques c’est la questure, des centaines de millions d’€ disponibles qui peuvent être dépensés sans aucun contrôle.

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