Meurtres

L’assassinat de Yahya Sinouar, chef politique du Hamas, est caractéristique de la relativité de la morale.

Nul ne l’aimait. Même pas son frère – qui va sans doute prendre ouvertement les rênes – avec lequel, semble-t-il, il entretenait des rapports ambigus de stratégie et d’influence, bref de pouvoir. La jalousie et les conflits d’intérêt nourrissaient leurs relations.

Quant aux autres, tous les autres, ils le haïssaient. Parce que c’était un monstre cruel et impitoyable. Il a donc été exécuté aux termes d’une décision sans appel de Tsahal, validée par l’Etat d’Israël et sans doute approuvée par les Etats-Unis.

Personne ne le pleurera ni ne le regrettera. Et tout le monde, en apprenant son exécution, a poussé un soupir de soulagement, comme si enfin quelque chose de concret venait d’être accompli en faveur de la paix. Le même soupir avait été poussé après l’exécution de Ben Laden.

On est alors amené à se poser un certain nombre de questions.

Y a-t-il des assassinats justes et des assassinats injustes comme (cf. St Thomas) il y aurait des guerres justes et des guerres injustes ?

C’est évidemment la thèse de tous les Etats. Des dictateurs d’abord. Poutine ne se prive pas d’assassiner urbi et orbi pour les « atteintes à la sûreté de l’Etat » commises par ses opposants. On a l’habitude alors de s’indigner. Ce fut le cas pour Navalny. Des démocraties ensuite. Leurs services secrets ont à maintes reprises, dézingué un chef d’Etat rétif pour le remplacer par un homme à elles, et l’organisation de putschs ici ou là sur la planète ont permis, assassinats à la clef, nombre de changements de pouvoir considérés comme judicieux. La liste serait longue.

L’assassinat avec la raison d’Etat pour support n’a rien à voir ni avec un crime crapuleux – du moins en général – ni avec un crime passionnel – bien qu’il lui ressemble à certains égards – mais le résultat est exactement le même. Il s’agit de se débarrasser d’un gêneur sous couvert d’intérêt général en utilisant les méthodes de la vengeance privée.

Le Droit est fait pour pacifier les pulsions et déléguer à la société le soin de dire, aux termes d’un procès – autant que possible équitable – la condamnation que devra endurer le coupable.

Mais tout cela est bien compliqué quand on doit profiter de l’occasion, éviter les contraintes, aller vite et faire cesser le trouble.

Tout ce que l’on dit lorsqu’on a la rage au cœur, un Etat peut, sans le dire, le faire.

Il faudrait bien se débarrasser de qui vous savez outre-Atlantique pour empêcher le monde de devenir fou, mais aussi au cœur du continent pour éviter une guerre atomique, et au Moyen Orient pour que force reste à la loi et ainsi de suite…

S’il y a des assassinats justes, pourquoi se priver ?

Pas sûr que ce soit le bon chemin pour la paix.

En tout cas, il n’a pas encore fait ses preuves.

Au contraire.

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3 réflexions sur « Meurtres »

  1. « Il faudrait bien se débarrasser de qui vous savez outre-Atlantique pour empêcher le monde de devenir fou »
    Vous pensiez à Kamala Harris?

    1. Meurtre d’Etat ou vol d’Etat, le principe est le même. On adhère ou on adhère pas en fonction de ses convictions et non en fonction des cibles. Non ?
      Bien à vous.

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