Voilà un ouvrage qui pourrait se trouver affublé du fameux point Godwin, puisqu’il nous donne une leçon de morale politique à travers le nazisme.
Mais nous lui pardonnerons tant il est bien écrit et tant les reproches à lui faire sont d’un autre niveau.
Ils sont de deux ordres
– Il part de détails pour en faire des généralités, c’est le fond de commerce de ce livre. Une méthode qui porte naturellement à l’erreur.
– Il est très politisé sous des abords anecdotiques.
Il accuse ouvertement l’économie et le capital d’être les responsables de tous les mots et notamment du nazisme.
La base de l’ouvrage est simple. Le 20 Février 1933 a eu lieu, au Reichstag, une réunion discrète à la demande d’Hitler où les 24 industriels les plus puissants d’Allemagne ont été convoqués et ont accepté de financer le parti nazi.
Conclusion de l’auteur, le nazisme, ses horreurs, sont à mettre sur le compte de la volonté et de la perversion de l’industrie et du capital, en fait de l’économie qui est la pire manifestation de l’humanité. La preuve les entreprises en cause sont toujours là encore plus puissantes.
Le complot et la pensée commune sont amenés à leur plus haut niveau dans cet ouvrage, sous couvert d’humanisme et de complicité dans la compréhension d’anecdotes qui seraient révélatrices.
Tout cela est très joli, très vendeur, mais peu soucieux de la réalité.
La république de Weimar, instaurée le 9 Novembre 1918, s’effondrera en effet en 1933, explosée par le nazisme. Mais cela sera une aventure populaire, politique, et non le fait de 24 personnes soucieuses uniquement de protéger leur industrie, de faire fructifier et de protéger leur capital.
Lors de la réunion du 20 Février 1933, les industriels convoqués n’avaient pas le choix, nul ne sait s’ils étaient, comme majoritairement les allemands, sous le « charme » du nazisme. Peut-être… mais ils n’étaient que 24 au milieu de plusieurs millions.
La prééminence du politique est décrite plus loin dans l’ouvrage de M. Vuillard, quand il fait état du souhait de la population autrichienne d’adhérer au nazisme, alors même que cela implique l’invasion de leur propre pays par la force.
Les armées d’Hitler en panne dans un embouteillage historique sur les routes de l’Autriche, c’est seul qu’Hitler va aller se faire acclamer par le peuple autrichien. Les industriels autrichiens n’y ont pas plus de responsabilité que leurs collègues allemands n’en ont pour les acclamations du peuple allemand pour ces mêmes nazis.
C’est bien le « peuple allemand », peu différent de tous les peuples du monde, sauf à être raciste, qui s’est entiché du nazisme.
« Le peule », qui a toujours raison, mais qui porte régulièrement au pouvoir des voleurs et des assassins.
Il ne faut pas confondre « les gens », pour qui j’ai la plus grande tendresse, évidemment j’en fais partie tout comme nous tous, avec « le peuple » cette abstraction qui permet aux escrocs et prédicateurs politiques en tout genre d’imposer leur point de vue et leur méthode en prenant « le peuple » pour excuse.
Le peuple est enfermé dans des frontières, qualifié, obligé par une soi-disant raison d’Etat, alors que les gens devraient être libres, indépendants, n’ayant à répondre que de leurs actes devant l’univers dans lequel ils se prennent en charge.
A la fin de son ouvrage l’auteur contredit son exposé, puisque, sous couvert de la dernière preuve de la perversion du capital, il nous expose que les industriels de la réunion du 20 Février 1930 sont toujours là. Il nous liste tout ce qu’ils nous apportent, qui fait notre civilisation, notre richesse, l’allongement de notre vie, notre santé, nos progrès.
Tout en collant à la pensée commune politique qui dénonce le capital, in fine il en fait, sans s’en rendre compte, l’éloge.
Mais le plus troublant est qu’il ne perçoit pas le parallèle entre l’époque qu’il dénonce et aujourd’hui.
Rapidement je rappelle que le capital est le point d’appui de l’humanité, en ce qu’il est le fait d’accumuler et de transmettre. Ceci en tout, culture, science, vie et santé, etc… et donc aussi, évidemment, en économie.
Il est donc absurde de vilipender le capital économique qui, comme les autres, n’appartient pas à celui qui le possède momentanément mais à l’humanité. Son affaiblissement rend toujours la vie difficile, quelque soit le motif de cet affaiblissement, même si celui-ci a paru sur l’instant bénéfique à certains.
Donc, je suis très étonné que l’auteur, qui visiblement a une parfaite connaissance de l’époque qu’il prend pour base dans son livre, ne soit pas interpellé par les similitudes avec la notre.
Même haine de l’autre, du capital. Même fuite des intelligences, même taux anormal de suicide. Même censure intellectuelle, même abus de droit, même justice en errance et police désabusée.
Mêmes politiques sans foi, mêmes capitalistes prêts à financer n’importe quoi pour assurer la survie de leur entreprise.
Mêmes déséquilibres budgétaires, même pillages des classes moyennes mais sans classification d’appartenance religieuse.
Mêmes délires intellectuels et culturels où la simplicité et la bonne foi sont battues en brèche au profit du choquant, du clinquant, de la pensée commune. Où la raison s’efface devant les croyances.
Donc la suite logique est l’arrivée d’une puissance politique démagogique et triviale, portée par des voyous, qui embrasera notre société et la catapultera dans l’ignominie.
Qui sera cette puissance, aujourd’hui probablement en devenir, bien sûr à partir de la pensée commune puisque seule cette dernière peut permettre son avènement, fatalement majoritaire, issu du « peuple ».
Ce jour là, le petit ouvrage de M. Vuillard, « L’ordre du jour », aura sa petite part de responsabilité.
Cordialement. H. Dumas
La vie mettra des pierre sur notre route. A nous de décider d’en faire des murs ou des ponts. Mais réfléchir c’est difficile pour certains car quand il y a de l’argent , certains sont prêts à changer de religion. Mais ils sont souvent malheureux car ils ne possèdent que l’argent..