Cette question me hante.
Evidemment, quand je dis « l’Etat » je ne perds pas de vue que l’Etat n’existe pas. Simplement, la formule est plus facile d’utilisation que « Les hommes de l’Etat » qui, eux, existent bel et bien et sont l’objet de ce billet. Il fallait que cela soit dit, une bonne fois pour toute.
Sauf nécessité ponctuelle, les hommes que nous sommes n’ont nul besoin d’être sous influence d’un pouvoir quelconque. Chacun possède en lui, à sa mesure, les moyens pour vivre en autonomie, de la même façon qu’il est apte, en cas de nécessité, à participer à des regroupements ponctuels visant un intérêt collectif vital.
Ceci posé, force est de constater que les pouvoirs sont toujours là, sous-jacents, prêts à enrôler les distraits ou les confiants.
Je dirais qu’il y a quatre pouvoirs : économique, politique, moral et scientifique. Que ces quatre pouvoirs se haïssent, tendent à recruter pour s’imposer, pour dominer.
Qu’avons-nous à notre disposition comme outils pour éviter d’être happés par un de ces quatre pouvoirs, en devenir l’esclave, le pion, le mercenaire, avec toutes les aliénations que cela implique ?
Nous n’avons que deux outils, c’est peu : notre intelligence et la propriété privée.
Notre intelligence nous est peut-être, sans doute, donnée à la naissance, mais en graine. Elle ne peut s’exprimer qu’après avoir été cultivée, entretenue, développée. Et, ce n’est pas une mince affaire. C’est aussi un risque de captation pendant ce développement de la part d’un des pouvoirs.
Contrairement à l’idée largement répandue, nous sommes seuls face à cette tâche, la plupart des aides au développement de notre intelligence exigent en échange la soumission, sont liées à un des pouvoirs et roulent plus pour lui que pour nous.
La propriété privée est notre abri. L’environnement sacré, normalement inviolable, où nous sommes libres de penser, libres de faire appel à notre intelligence pour nous connaître, prendre conscience de nos facultés, de nos possibilités, analyser les situations pour pouvoir agir à notre profit sans interférer dans celui des autres.
Les pouvoirs malveillants et maltraitants cherchent à envahir notre intelligence par le mensonge et la propagande, à laminer notre propriété privée par la force en prétextant sa potentielle inégalité.
Dans ce contexte, que faire ?
La retraite dans le désert, la vie en ermite en compagnie de deux ou trois chèvres, sont la tarte à la crème de la solution, inappropriée et lâche.
Faire face est beaucoup plus complexe et dangereux, mais vital.
Cela passe par l’analyse des quatre pouvoirs. Enfin, le ressenti, parce que l’analyse demanderait à lui seul une vie de réflexion pour chaque pouvoir.
Le pouvoir politique
Son but est de permettre la vie en commun pour tous. Son outil est la force, c’est aussi son problème car elle lui permet d’éliminer toute opposition, donc toute limite. On comprend aisément qu’il doit être très encadré, c’est vital.
Le pouvoir économique
Son but est matériel, pragmatique. Son outil est la séduction, sa force les consommateurs. Il est prêt à tous les mensonges pour les séduire, eux ne demandent que ça. Il devient négatif lorsqu’il transfère les richesses abusivement. Son tueur est le crédit qui facilite les transferts abusifs. Son ennemi est en même temps son moteur, c’est l’envie.
Le pouvoir moral
Son but est ambivalent. Il prétend toucher à tout, être capable de réguler toutes nos pulsions, de les classer, de séparer le bien du mal. Au départ, s’il est sincère, cela parait possible. Mais, plus le départ est sincère, plus son poids va entrainer des dérives obscurantistes, exposer ses officiants aux risques d’abus. Sa raison d’être implique la soumission et la globalité, il ne peut pas partager au risque de ne plus être le guide unique qu’il pense être, qu’il veut être.
Le pouvoir scientifique
Son but est la compréhension, qui le plus souvent avance en supprimant l’acquis au profit du conquis. Chaque étape est douloureuse, elle engloutit le passé, est dominée par la fragilité du présent.
Le pouvoir scientifique est une foire d’empoigne peu propice au pouvoir, qui la plupart du temps s’associe à un ou à tous les autres pouvoirs.
Un tableau peu inspirant
Comment, après ces ressentis, mettre en place une stratégie personnelle ou collective pour que tout cela vive en bonne intelligence ?
C’est très difficile, c’est ce qui permet aux indélicats de tous bords de capter l’un des pouvoirs et de faire suer le burnous aux autres.
Aujourd’hui le pouvoir politique, celui des hommes de l’Etat, élus et fonctionnaires de la technostructure, est quasi absolu.
Il domine par la force d’une loi constamment falsifiée par lui — non conforme à notre constitution — les trois autres pouvoirs.
Ce déséquilibre entraine la situation en titre de ce billet : la prégnance de l’intrusion, de la malveillance et de la maltraitance.
Ce n’est donc pas une fatalité, mais bien une dérive dont les responsables doivent être dénoncés, arrêtés et sanctionnés. Commençons par leurs hommes de mains : Bercy, très affaiblis aujourd’hui.
Le reste suivra naturellement et nous retrouverons notre statut légitime d’hommes libres à l’intersection des quatre pouvoirs, respectables s’ils sont contenus.
Bien à vous. H. Dumas
Remarquable synthèse, avec laquelle un anti-état comme moi ne peut qu’être d’accord : https://michelgeorgel.com/en-toute-impertinence/