Les petits calculs sournois du président

Quels sont les signes montrant qu’un débiteur ne va pas honorer ses engagements ?

Il commence par essayer de négocier des délais de paiement mais bien souvent, avant même cette phase, il commence par tenter de voir s’il ne pourrait pas échapper à ses engagements par le biais d’une stérilisation des clauses contractuelles.

On a pu observer ce phénomène avec ces nombreuses communes surendettées du fait de la souscription de prêts dits « toxiques » notamment auprès de la banque Dexia (qui a fait faillite depuis). Ces prêts avaient été souscrits à des taux très bas mais présentaient une caractéristique bien précise : ils étaient indexés sur le cours du CHF (franc suisse) par rapport à l’€. Tout allait bien jusqu’à ce que la BNS (banque nationale suisse) cesse d’acheter des € pour maintenir le CHF dans la proportion d’un € pour un CHF. Le cours du CHF s’est alors envolé et les taux de ces prêts aussi !

Beaucoup de communes françaises ont vu alors la charge de leur dette exploser et les maires impliqués, ne pouvant justifier devant leurs électeurs l’explosion de la fiscalité locale et la mise en faillite de leur commune, ont alors saisi la justice administrative (les communes relèvent de la justice administrative exclusivement) pour faire annuler ces prêts ou du moins obtenir la stérilisation des taux d’intérêts.

Certaines communes sont parvenues à obtenir l’annulation pure et simple des taux d’intérêts ; alors que l’on sait aujourd’hui que ces maires savaient ce qu’ils faisaient et qu’ils avaient fait un pari à propos d’un évènement futur et improbable mais pas impossible en souscrivant de tels engagements.

Ils ont joué … ils ont perdu (enfin surtout leurs administrés) ; ce qui démontre encore une fois que la principale caractéristique du politicien, qu’il soit local ou national, est de ne jamais assumer ses décisions … surtout lorsqu’elles aboutissent à un désastre !

Et c’est ce que tente de faire E Macron en déclarant, lors de sa récente interview au journal britannique « the Economist » (dans laquelle il fait une bonne part à l’égotisme en utilisant plus de 170 fois le « je » ou le « moi »), qu’il fallait s’affranchir de la règle des 3%.

Un peu d’histoire pour remettre les choses dans leur contexte.

Nous sommes en 1990, le mur de Berlin vient de tomber et la RDA par la même occasion. Curieusement, tous les allemands de l’est voulaient fuir le paradis communiste … tant encensé par les élites françaises !

L’Allemagne veut se réunifier. Seulement pour cela il faut l’accord des autres pays ; notamment parce qu’il faut assurer la sécurisation des frontières issues de 1945.

 Avec le traité de Moscou, signé le 12 septembre 1990, entre les deux Allemagne et les quatre puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale (États-Unis, France, Royaume-Uni et Union soviétique), la totalité du territoire allemand redevient pleinement souverain au moment de la réunification qui intervient le 3 octobre 1990.

F Mitterrand, alors président de la république et dont on dit qu’il était contre cette réunification, pressent que l’Allemagne réunifiée va redevenir la grande puissance industrielle centrale de l’Europe qu’elle était avant 1945 et que … la France va perdre son rang de première nation européenne !

Pire, l’Allemagne réunifiée pourrait même être tentée par un recentrage de son influence vers les pays d’Europe de l’est qui viennent de se libérer de la domination soviétique et, de ce fait, se désintéresser de la CEE (l’Union Européenne n’existe pas encore).

Il négocie donc avec les dirigeants allemands (Helmut Kohl), en échange de son accord pour la réunification, une union monétaire (qui aboutira à la création de l’€) de telle manière que l’Allemagne reste indéfectiblement liée à la France et à la CEE.

Les allemands ne sont pas très chauds car la conception de la monnaie est très différente en France et en Allemagne !

En Allemagne, c’est l’orthodoxie budgétaire. On ne fait pas des déficits et surtout on ne manipule pas la monnaie. La banque centrale allemande (Bundesbank) est indépendante du pouvoir politique. En effet, échaudée par l’épisode de l’hyperinflation galopante de 1923, l’Allemagne est partisane d’une monnaie stable et forte.

En France, la monnaie est au service du pouvoir politique, la banque de France est sous l’autorité de l’Etat et de l’exécutif et on enchaîne les dévaluations (17 depuis 1914) avec une constance inquiétante. En France, on a l’habitude de lessiver les dettes avec l’inflation même s’il faut pour cela ruiner l’épargnant ; ce qui n’est pas admissible en Allemagne !

Pour emporter l’adhésion des allemands réticents, Mitterrand propose alors que le déficit budgétaire ne soit pas supérieur à 3% du PIB. C’est fournir aux allemands la « garantie » que les dettes ne pourront pas dépasser un certain montant et qu’ils ne seront pas obligés de payer les dettes des autres !

Les allemands acceptent.

La création de l’€ résulte donc d’une décision purement politique mais elle a des conséquences économiques extrêmement importantes dont les dirigeants français ne semblent pas, à l’époque, prendre la mesure ; à moins que les français aient fait preuve, à cette occasion, d’un certain machiavélisme en proposant une règle stricte avec la ferme intention de … ne pas la respecter ?

Car, que fait aujourd’hui E Macron ?

Il veut remettre en cause la règle des 3%, que nous avons proposée et que les allemands ont acceptée et l’explication est typiquement française : les conditions ont changé ! Il est vrai qu’il faudrait être un parfait crétin pour respecter des règles que l’on a soi-même fixées !!!

On retrouve bien là, la désormais célèbre morgue de ces hauts fonctionnaires qui, voyant qu’ils n’arrivent pas à respecter les règles fixées, vont expliquer comment il faut faire autrement et notamment qu’on peut mieux gérer un pays en faisant toujours plus de dettes …

Les français ont la réputation d’être des gens arrogants et prétentieux, qui aiment agiter des idées sans jamais aboutir à quoique ce soit de tangible, de surcroît dilettantes et instables.

Cela se confirme encore une fois !

En fait, E Macron, qui a d’ores et déjà en vue sa réélection de 2022, sait qu’il n’a fait aucune réforme de fond. Pire, le mur du refus (gilets jaunes et salariés des régimes spéciaux et de la fonction publique) commence à se durcir et le risque d’explosion grandit. Il a lâché les vannes budgétaires en début d’année pour éteindre la grogne mais, évidemment, il a considérablement augmenté la dépense publique, les impôts et … la dette !

E Macron, qui craint, par-dessus tout, les débordements populaires, veut disposer de marges budgétaires pour maintenir une situation plutôt précaire alors que la France bénéficie déjà des taux d’intérêts à zéro de la BCE ! Il est donc bien décidé à enfoncer le plafond de 3% alors que la France n’est revenue, pour la première fois depuis bien longtemps, sous la barre des 3 % en 2018 que grâce à … une fiscalité massacrante.

Or, il ne peut pas se permettre une fin de mandat chaotique … s’il veut être réélu et, en France, l’orthodoxie budgétaire n’a jamais été un problème alors qu’il sait qu’il est incapable de réduire la dépense publique. L’Etat fonctionnaire s’avère irréformable ; la France vit de plus en plus à crédit et les comptes 2019 et 2020 vont connaître de nouveaux dérapages.

Cela explique qu’il puisse affirmer que les 3% c’est « un débat d’un autre siècle » histoire de faire passer la bonne gestion des pays du nord pour un anachronisme et leurs dirigeants pour des ringards … Il avait d’ailleurs, lors d’un voyage à Aix la Chapelle (en Allemagne) fustigé cette « manière compulsive qu’ont certains Etats d’accumuler des excédents budgétaires » …qui visait l’Allemagne et qui était déjà une manière de remettre en cause les traités européens.

 De plus, il n’hésite pas à mentir en déclarant « Nous avons besoin de plus d’expansionnisme, de plus d’investissement ». En effet, les déficits de ces dernières années résultent pratiquement exclusivement de dépenses courantes. Il n’y a donc pas de dépenses d’investissement ; lesquelles connaissent un véritable effondrement depuis 2012.

E Macron sait aussi que des voix commencent à s’élever en Allemagne pour réclamer une relance budgétaire et dépenser les excédents alors que, dans le même temps, Mme Lagarde, qui vient de prendre ses fonctions de présidente de la BCE, a cru nécessaire de venir à son secours pour tenir le même discours !

Il tente donc d’exploiter de manière opportuniste ce mouvement …et cherche des marges de manœuvre pour ne pas réduire les dépenses publiques françaises car ce serait la porte ouverte à toutes les contestations !

Bien évidemment, l’augmentation de la dépense publique, qui n’est rien d’autre que du laxisme budgétaire, va finir pas poser des problèmes vis-à-vis de Bruxelles et devrait enclencher le processus de sanctions financières prévues par les traités.

Il faut dire que, accros à la dette publique, les dirigeants français ont toujours été les partisans des €bonds c’est à dire des dettes émises par l’Union Européenne elle-même et non par les Etats comme c’est le cas actuellement. Par contre, les allemands s’y sont toujours opposés car ils n’ont pas confiance … les français ne sont pas fiables.

Il faudrait donc déjà que la France stoppe ses déficits qu’elle empile depuis 1974 si elle veut avoir une chance d’être entendue. Elle n’en prend visiblement pas le chemin !

Par ailleurs, les €bonds ne sont concevables que dans le cadre d’un Etat fédéral intégré, tel que les USA. Seulement, l’Union Européenne est encore … très loin de cette structure et il n’est même pas sûr qu’elle puisse s’en approcher un jour !

Il ne faut pas oublier que la crise de 2012, qui a tout de même failli faire sauter l’Union Européenne, était avant tout une crise de la dette des Etats. Mais, visiblement, les dirigeants français n’en ont cure tout en n’ayant jamais tiré les leçons de l’adoption d’une monnaie forte et stable. Ils n’y ont vu que l’occasion d’emprunter massivement sur les marchés à des taux très bas pour financer à crédit leur vision de la société !

 Cela amène à se poser un certain nombre de questions :

– La France doit-elle continuer à creuser des déficits qui ne sont pas le signe d’une quelconque austérité même si celle-ci existe bien pour certaines catégories de la population ? L’effort de réduction du déficit structurel (déficit avant imputation des intérêts sur la dette) est quasiment nul depuis le début du mandat d’E Macron et les 1.3% de croissance pour 2019 sont surtout dus aux 3.3% de déficit public ; ce qui veut dire que pour obtenir 1.3% de croissance, il en coûte 2% d’endettement supplémentaire. Seulement, cette relance qui ne dit pas son nom permet de masquer la réalité de la situation et notamment que s’il n’y avait pas eu cette relance budgétaire, nous aurions eu une croissance négative ou au mieux une croissance zéro !

– L’Union Européenne a-t-elle besoin d’un stimulus budgétaire pour relancer l’activité alors que son niveau de croissance global est très inférieur à celui des USA et de l’Asie malgré une politique monétaire « très » accomodante. On sait que les relances budgétaires n’ont jamais prouvé leur efficacité … elles ne font que décaler dans le temps les évènements tout en générant des dettes qu’il faut ensuite rembourser. Mais, et c’est là le but visé par E Macron, elles permettent de masquer temporairement les difficultés économiques. Elles servent essentiellement à gagner du temps et c’est bien ce dont a besoin le président !

– Alors que le budget de l’Etat est de 400 milliards € avec des recettes fiscales de 307 milliards € pour un déficit de 93 milliards€ (soit 25% !) ne faudrait-il pas plutôt profiter des taux bas pour se désendetter alors qu’on fait exactement l’inverse ? On sait que plus la dépense publique augmente plus la croissance économique diminue ; et malgré cela la France continue d’emprunter toujours plus. (225 milliards en 2019, 230 milliards en 2020). La dette de la France atteint désormais 2.375 milliards € et l’encours de dette explose en flirtant avec les 100% du PIB (99,5%).

E Macron se lance donc consciemment dans la spirale mortifère de la croissance de la dette à des fins de seule politique politicienne … alors que, lors des élections de 2017, il prétendait stopper net la dérive budgétaire et réduire l’endettement qui devrait finalement … progresser de plus 400 milliards € sous son mandat ! C’est un peu comme l’inversion de la courbe du chômage de son ancien mentor …

Quel est le stade ultérieur car il est évident que ces dérives ne seront pas acceptées par les autres membres de l’Union Européenne surtout que, exception faite de l’Italie, ils ont fait les efforts nécessaires ?

Or, on imagine mal un président de la république française, tout plein de sa morgue et de son pouvoir absolu, rentrer tout penaud dans le rang …

L’Etat fonctionnaire essaie de trouver une issue à son incompétence et pour cela tente d’échapper à ses engagements initiaux. Ce faisant, il essaie de contourner les règles communes et de revenir sur sa parole alors qu’à l’exception de l’Italie, tous les autres pays de l’Union Européenne ont pratiquement éliminé leurs déficits budgétaires.

Encore une fois, la France donneuse de leçons à la terre entière trouve des raisons (ou des prétextes) pour ne pas respecter les règles du jeu.

Encore une fois, l’attitude française amène à la suspicion généralisée car on sait qu’on ne peut pas faire confiance aux français !

On peut imaginer aisément que E Macron n’hésitera pas à provoquer une nouvelle crise au sein des institutions européennes afin de prendre les français à témoins de ce que « si ça va mal c’est de la faute de Bruxelles et de l’Allemagne » (cette ficelle ayant déjà été largement utilisée) avant de proposer de nouvelles règles plus accommodantes … que la France ne respectera pas plus !

C’est là jouer à un jeu dangereux et le risque, à terme, est que les pays de l’Europe du nord fassent un jour sécession et laissent les pays dits du « club Med » se débrouiller avec leurs dettes !

Ce jour là sifflera la fin de la partie. Les dérives budgétaires éclateront au grand jour, les dirigeants de l’Etat fonctionnaire se retrouveront devant leurs responsabilités … et ce ne sera pas une partie de plaisir pour les français !

Bien cordialement à tous !

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

5 réflexions sur « Les petits calculs sournois du président »

  1. Très bon article mais je trouve cependant que Macron est très malin car en faisant nommer Lagarde à la BCE, il s’est assuré un allié de poids
    Lagarde va poursuivre la politique de Draghi contre vents et marées, à savoir tout faire (taux négatifs et QE à outrance) pour solvabiliser les pays impécunieux de la zone euro Italie en tête
    Dans ces conditions pourquoi se gêner d’autant qu’in fine l’Allemagne paiera ne serait ce qu’en raison des énormes créances irrécouvrables qu’elle accumule sur ces pays et qu’une Merkel au bout du rouleau semble ne plus rien contrôler
    Là où le pari est risqué, c’est qu’en cas de crise financière Lagarde va montrer au monde son insondable nullité et son absence totale de charisme (regarder ce qui s’est passé avec l’Argentine)
    Quand Draghi d’un mot pouvait calmer les marchés, Lagarde les fera paniquer par son incompétence
    A ce moment là, soit l’euro explose soit les pays du nord Allemagne reprennent la main… et la trique comme avec la Grèce
    Vu l’engagement quasi religieux de nos dirigeants vis à vis de l’euro, j’opterais plutôt pour une super rigueur financière pour rassurer les créanciers et une Lagarde dépassée obéissant aux ordes et expliquant le contraire de ce qu’elle disait la veille
    Bien évidemment, il faudra museler les peuples par des mesures sécuritaires musclées
    Que du bonheur

    1. La question sous-jacente est : jusqu’où peut-on aller dans l’accumulation des dettes et quel évènement fortuit ou non serait susceptible de stopper cette marche en avant vers … l’abime

  2. Bercy est le 1er responsable des taxes, impôts et de la situation économique ! L’affrontement est inévitable entre les citoyens du secteur privé et Bercy car on ne peut pas discuter avec Bercy .
    La décision des taxes vient de Bercy , c’est évident tant leur pouvoir est puissant , digne de la «mafia» Bercy a tellement de pouvoir qu’il ne réfléchit plus. Il n’y a pas de contre-pouvoir politique . Pour Bercy donc réfléchir n’est pas nécessaire , c’est pour cela que Bercy peut agir hâtivement et prend de mauvaises décisions .
    Il faudrait avoir une vision globale à intégrer . La France est le pays où il y a le plus de taxes au monde , les prélèvements dépassent en 2018 les 1000 milliards d’€ par an et la dette française est de + de 2100 milliard d’€ qui augmente chaque année.

  3. Une fois encore les tripatouillages macronesques vont nous attirer la sympathie de nos partenaires européens, ils ne pourraient pas le* déposer par un vote de défiance unanime ?
    *le paltoquet

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