Coronavirus, à quoi servent les respirateurs achetés par l’État ?
ENQUÊTE. À grand renfort de communication, le gouvernement a acheté 10 000 respirateurs. Problème : selon nos informations, ils ne serviraient pas à grand-chose.
Nous sommes le 31 mars. L’opération « 10 000 respirateurs » est lancée. C’est l’industrie française, avec quatre de ses fleurons – Air Liquide, PSA, Valeo et Schneider Electric –, qui se dit prête à venir à la rescousse des hôpitaux, rattrapés par la déferlante Covid-19. Cocorico, enfin… En plein cataclysme sanitaire, elle affirme être en mesure de livrer, d’ici au 15 mai 2020, 10 000 respirateurs pour sauver des vies en réanimation. Le président de la République, lui-même, vante l’initiative, en marge d’un déplacement dans une usine de masques du Maine-et-Loire. Le message est à peine subliminal. Comprendre : nous manquons de masque, mais nous ne manquerons pas de respirateurs ; l’État le promet… Et l’État mobilise ces quatre géants français, avec Air Liquide en chef de file. Championne internationale des gaz industriels,l’entreprise réalise 20 % de son chiffre d’affaires dans le domaine médical. Dans son catalogue de produits : des respirateurs. Pour tenir son objectif, Air Liquide, qui est acteur secondaire de ce marché de matériel médical, s’allie donc au constructeur automobile PSA, à l’équipementier Valeo et au leader des équipements électriques Schneider Electric. Ces quatre entreprises s’engagent, à grand renfort de communication, sur la fourniture massive de 2 modèles : 8 500 exemplaires Osiris 3 et 1 500 Monnal T 60 – un chiffre revu à la baisse depuis, à 1 100 – doivent rapidement être produits.
Trois semaines après l’annonce présidentielle, quelques centaines de respirateurs de chaque modèle ont déjà été distribués. « Les premières livraisons de Monnal T 60 ont eu lieu la semaine passée à des hôpitaux, celles d’Osiris ont lieu cette semaine », précise Éric Prades, missionné au sein d’Air Liquide pour conduire ce projet. Problème : d’après les nombreux témoignages recueillis par Le Point, ce bel élan de patriotisme industriel et sanitaire serait d’une utilité immédiate très limitée. Aux hospices civils de Lyon (HCL), un anesthésiste-réanimateur prévient : « Les Osiris sont inutilisables pour ventiler des syndromes de détresse respiratoire aiguë. En revanche, les T 60 sont très bien. » Et de poursuivre : « Nous avons reçu des T 60, mais pas d’Osiris. D’ailleurs, nous les aurions refusés. Nous en avons déjà depuis longtemps qui dorment dans des malles, en réserve dans la cadre du plan blanc, un plan d’urgence sanitaire et de crise. » Aux hôpitaux universitaires de Strasbourg, même son de cloche : « L’Osiris n’est en effet pas un respirateur idéal pour la ventilation de patients en syndrome de détresse respiratoire aiguë Covid +. » À l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, un des établissements dont les services de réanimation ont été les plus sollicités de l’Hexagone par l’épidémie, aucun Osiris n’a été utilisé pour ventiler des personnes infectées par le Covid-19. Un grossiste en matériel médical nous assure qu’il n’en vendrait jamais pour de la réanimation. « Regardez le catalogue d’Air Liquide », nous suggère-t-il.
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On apprend que les produits de la famille Osiris sont des « ventilateurs de transport légers et simples d’utilisation », dont les domaines d’application sont « l’urgence, le transport, le réveil postopératoire ». Dans le secteur, ce type d’appareil est dit de « catégorie 5 », il est léger et, en temps normal, il est plutôt utilisé par les ambulanciers, des Samu en intervention. Les services de réanimation sont plutôt dotés de respirateurs de catégories 1 et 2, comme les fameux modèles allemands Dräger. Ils s’appuient parfois sur des modèles de catégorie 3, comme des Monnal T 75 que construit aussi la française Air Liquide, mais ils ne font aucunement appel à des modèles des catégories inférieures, 4 comme les Monnal T 60 (plutôt privilégié dans le transport) ou encore moins 5, comme les Osiris…
Trop frustres techniquement, limités dans leurs capacités de réglages, dotés d’un seul tube pour l’inspiration et l’expiration quand les appareils de catégories supérieures disposent de deux circuits différents, exigeant une vigilance continue car une valve peut facilement se boucher, les Osiris peuvent même être délétères pour les patients Covid + atteints d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë.
« Ce n’est pas faute de l’avoir dit »
« Clairement, ces respirateurs légers Osiris ne peuvent pas ventiler des patients Covid-19 dans le cadre d’une réanimation. Pour un transport, éventuellement », confirme le professeur Xavier Capdevila, qui n’est autre que le président de la Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR), regroupant la très grande majorité, environ 11 000, de ces spécialistes. « Ce sont des ventilateurs de secours, utilisables quelques heures à la limite, explique-t-il. On peut faire respirer sans danger un malade intubé avec un Monnal T 60 plusieurs jours. Mais pas avec un Osiris. À ma connaissance, je ne crois pas que des respirateurs Osiris aient été utilisés en réanimation dans des hôpitaux ou des cliniques français sur des malades Covid-19. Et ça ne sera pas utilisé en réa à l’avenir. Ce n’est pas faute de l’avoir dit. »
Retour en arrière. Mi-mars, Xavier Capdevila, pour la SFAR, mais aussi les représentants de la Société de réanimation de langue française (la SRLF compte 1 400 membres) sont consultés par des proches d’Olivier Véran, l’anesthésiste-réanimateur parisien et professeur Antoine Tesnière ainsi que des représentants de la direction générale de la Santé. Ces derniers veulent faire un point sur les moyens nécessaires pour affronter la crise. Les informations provenant d’Italie sont angoissantes : les malades seraient « triés » en fonction de leur âge, et les plus vieux laissés sans soins de réanimation faute de place et de respirateurs. On redoute un tel scénario dans le Grand Est, en Bourgogne-Franche-Comté et en Île-de-France. Les hôpitaux français tremblent. Et Olivier Véran, ministre de la Santé depuis mi-février, ne veut être rattrapé ni par une possible nouvelle polémique ni par un éventuel problème de respirateurs. Il y a déjà cette histoire de masques, cette dépendance en matière de produits sanitaires qui accablent les services de l’État…
En plus, le 4 mars, la chancelière allemande, Angela Merkel, avait interdit les exportations de matériel de protection médicale comme les respirateurs Dräger, la Rolls-Royce de ces appareils absolument vitaux pour les malades Covid +, intubés et ventilés, souffrant de détresse respiratoire aiguë. Dans ce contexte, et sous pression, la SFAR donne son blanc-seing à une commande massive de respirateurs légers tels que des T 60, des Elisée 350 ou les élémentaires Osiris, dont l’avantage est d’être simples à fabriquer. La SFAR émet tout de même des préconisations drastiques quant à leur éventuelle utilisation à venir sur des patients Covid + en réanimation. La SRLF « a donné son accord », rapporte son président, le professeur Éric Maury, du service de réanimation médicale de l’hôpital Saint-Antoine à Paris. Ce dernier, qui s’exprime en son nom propre, assure : « Nous avons été consultés par le ministère de la Santé sur les respirateurs Monnal T 60. La SRLF a donné son accord. Nous n’avons pas été sollicités sur les respirateurs Osiris. Mais, en secours, ça peut servir en réanimation. Le choix d’en faire fabriquer 8 500 était un compromis acceptable vu le contexte d’alors. »
Lettres d’accord
Dans un document daté du 20 mars à destination des professionnels de la santé, et que Le Point a pu consulter, le ministère de la Santé fait un point sur le matériel à utiliser dans le cadre de cette crise. En page 6, il est possible de lire ce passage : « D’après les sociétés savantes, seuls peuvent être utilisés pour la prise en charge des patients des respirateurs lourds de réanimation, voire des respirateurs de « transport + » (type Monnal T 60, Elisée 350). Les respirateurs de transport simple (type Medumat, Osiris…) ne sont pas recommandés, même en mode dégradé. Des respirateurs d’anesthésie peuvent être utilisés en attirant l’attention sur leur encombrement et sur la nécessité d’être utilisés par du personnel connaissant parfaitement la machine. » Le même jour, le 20 mars, Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d’État à l’Industrie, rattachée à Bercy, sollicite par SMS Benoît Pottier, le numéro un d’Air Liquide, d’après un article de nos confrères de Challenge. Ce dernier raconte la suite, dans une interview accordée aux Échos. Il assure avoir commencé à réunir, « dès le samedi 21 mars », des industriels pour répondre au défi de construire dans un laps de temps très court des quantités de respirateurs.
C’est ainsi donc que, le 27 mars, Air Liquide, associée à PSA, Valeo et Schneider Electric, remet une offre à l’État, que valide un comité interministériel associant des représentants des ministères de la Santé et de l’Industrie. Interrogée par Le Point, Air Liquide se réfugie derrière le fait que « ce choix a été fait avec les experts du ministère de la Santé ». À la même date, selon des documents que nous avons consultés, la SFAR et la SRLF signent des lettres validant, bel et bien, l’utilisation des Osiris, avec un protocole annexé.
Vous voyez à quoi ressemblait un téléphone portable avant le succès des smartphones ? Eh bien, l’Osiris, c’est cela, mais dans la famille des respirateurs.
Le prix de la commande de ces 8 500 respirateurs n’est pas connu. Il semblerait d’ailleurs que le montant définitif du chèque ne soit fixé qu’à l’issue de la fabrication et de la livraison, puisque la mise en production de ce modèle Osiris est atypique. Jusque-là, la capacité maximale de production atteinte pour des Osiris, lancés en 1998, était de 3 500 exemplaires par an, sachant que, l’année dernière, très peu d’exemplaires seraient sortis des usines d’Air Liquide. « C’est un produit en bout de course, au moins depuis quinze ans. Vous voyez à quoi ressemblait un téléphone portable avant le succès des smartphones ? Eh bien, l’Osiris, c’est cela, mais dans la famille des respirateurs », décrit une source chez Air Liquide.
Pour relancer sa production de manière massive, Air Liquide a dû revoir l’organisation de son usine d’Anthony, en sollicitant des équipes le soir et le week-end. Malgré cela, le site n’était pas en mesure d’absorber toute la production. C’est ainsi qu’Air Liquide s’est adjoint les services de trois autres entreprises en leur déléguant une partie de la logistique et de la fabrication. À Poissy, PSA est allé jusqu’à rallumer la lumière de son établissement, après avoir mis au chômage ses 3 000 salariés, et cela, pour accueillir les 95 premiers volontaires embrigadés dans le projet. Chaque matin, depuis le 2 avril, ces derniers arrivent vers 7 heures ; une fois leur température prise, ils s’activent à assembler 130 pièces pour fabriquer le corps du respirateur, dans un coin de l’usine spécialement aménagée pour cette production. Ils travaillent à l’aide de pinces à épiler. « C’est comme fabriquer une maquette de bateau », s’amuse l’un d’eux. Un exploit pour ces salariés, peu familiers du travail manuel de précision. Un travail d’horloger, rythmé par le lavage de mains obligatoire toutes les heures. Si les débuts ont été chaotiques, à la date du 21 avril, PSA a expédié chez Air Liquide, à Anthony, 600 « corps ».
« Nous avons eu des problèmes d’approvisionnement en pièces, certaines viennent de Taïwan ou des États-Unis. Ce qui nous a ralentis. On devrait s’appuyer dans les prochains jours sur une deuxième équipe », raconte un des 95 salariés embrigadés. Même sujet chez Schneider Electric, où la production des « circuits patients », c’est-à-dire la partie du respirateur reliant la machine au patient, composée d’une dizaine de pièces, n’a pu être lancée que le lundi 20 avril, faute d’avoir toutes les pièces à disposition. Là-bas, à Chasseneuil, dans la Vienne, une quinzaine de salariés se relaient en trois fois huit. Eux sont rodés au travail manuel. « C’est assez simple pour nous. Ce qui a été compliqué, c’est la montée en compétences, et arriver au rendement maximum », raconte un des salariés. Ils seraient en mesure de fabriquer environ 2 800 circuits patients par jour. Sachant qu’il en faut 7 par respirateur, 59 500 devraient être fabriqués pour répondre à la commande. Quant à Valeo, l’équipementier a mis à disposition ces acheteurs pour justement partir à la chasse aux composants des respirateurs. C’est Air Liquide qui, à Anthony, achève et stocke les produits.
« Qu’importe, nous existons »
Les 4 sociétés se sont engagées à fournir ces 8 500 respirateurs à prix coûtant, et à prendre en charge les « coûts indirects induits par la mise en place de ces lignes de production ». D’après un expert en fournitures médicales, contacté par Le Point, un respirateur bas de gamme coûte, en temps normal, 1 600 euros, contre 12 000 euros pour un respirateur de catégorie 3. « C’est une fierté pour les salariés d’Air Liquide de participer à cette opération. Je n’avais pas réalisé que nous proposions essentiellement des Osiris… Mais ne nous voilons pas la face : il y a un enjeu commercial derrière cela, prendre des parts de marché. Et quoi de mieux que de montrer que nous sommes fiables ? » explique une source. Chez Schneider Electric, on dit : « On ne sait pas toujours à quoi sert ce que l’on fabrique. Qu’importe, finalement et égoïstement, nous existons, nous existons aux yeux de notre groupe, du gouvernement qui rêve de souveraineté en matière de produits médicaux. On montre que nous avons un vrai savoir-faire, et je ne vous apprends rien en vous disant que les usines ferment dans ce pays. »
Si, pour une majorité d’anesthésistes-réanimateurs, commander en si grand nombre de tels respirateurs Osiris mal adaptés à la réanimation ne semble pas une faute compte tenu de l’urgence, de la peur d’alors, en revanche, aller au bout de cette commande leur paraît désormais inutile. Mais, depuis Paris, le professeur Éric Maury est mesuré face à ce choix industriel et sanitaire. « Arrêter cette commande maintenant ? Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne décision », avance-t-il. Selon lui, il n’est pas possible d’exclure l’hypothèse que ces respirateurs puissent un jour servir, dans le cas, par exemple, d’une deuxième vague forte d’épidémie du Covid-19 ou s’il y avait l’hiver prochain une forte épidémie de grippe et conjointement de coronavirus…
La débrouillardise est-elle une bonne solution ?
« Bien sûr, nous n’avons pas besoin de 25 000 lits de réanimation en France. Mais nous avons passé le pic du Covid-19 en nous débrouillant, insiste-t-il. De 5 000 lits de réanimation habituellement, nous avons porté notre capacité d’accueil à 14 000 lits. Au plus haut de l’épidémie, plus de 7 000 ont été occupés. Je suis allé chercher pour mon service des respirateurs à usage vétérinaire. Certes, nous n’avons pas eu à nous en servir. De très nombreux hôpitaux français sont allés chercher du matériel de réanimation, dont des respirateurs dans des cliniques privées. Mais la débrouillardise est-elle une bonne solution ? »
Des stocks de matériel médical vont devoir être constitués dans les semaines à venir. Avec quelle quantité de matériel, quelle qualité, pour se donner bonne conscience ou pour donner toutes leurs chances aux malades ?
les rafiots Obama dit a francois file les aux arabes car le russes sont pas nos amis
les rafales mere -quel dit a mac-ron ..gardes tes merdes je prends ceux des ricains
et pour les respirateurs ca fera comme le vaccins de la grippe , gratos en Afrique !!!
on est tellement riches qu’ils faut filer tout et se faire entuber ..je crois CONS est le 1er importateur mondial de vaseline avec le records de fonk’s 🙂
NOS FONCTIONNAIRES SONT D’UNE INCOMPÉTENCE RAREMENT ATTEINTE
ET ILS LE SAVENT ! MAIS NE COMPTEZ PAS SUR EUX POUR EN AVOIR HONTE !