En matière de compétitivité, de déficits et de dettes, l’écart continue de se creuser entre les deux pays voisins. Et, en plus, le pire vient d’arriver.
Car justement, pendant cette étrange semaine, les ministres des Affaires sociales de l’OCDE étaient réunis au Canada où ils officialisaient les résultats d’une vaste étude sur le niveau de pauvreté des travailleurs effectuée en 2015 dans les principaux pays développés de la planète. Et, coup de tonnerre dans un ciel bleu, ils ont découvert que le taux de travailleurs pauvres en Allemagne n’était que de 3,7 %, contre 7,1 % en France. Près de deux fois moins ! « Un énorme pavé dans la mare », écrit Raphaël Legendre dans L’Opinion , qui précise que « l’Allemagne se situe même sur la deuxième marche du podium des pays comptant le moins de travailleurs pauvres, derrière l’Irlande (3,5 %) et devant la République tchèque (3,9 %), deux pays davantage connus pour le libéralisme de leur modèle économique que pour leur modèle social ».
Nos dépenses publiques représentent 56,5 % du PIB
Conclusion de Legendre : « Les arguments de la gauche française fustigeant toute réforme du marché du travail en prenant l’Allemagne et les réformes Hartz comme exemples sont désormais à classer dans la catégorie “fake news”. » Le pire de tout cela est le constat que ce score français désespérant a été obtenu par le pays qui effectue le plus de dépenses sociales, de transferts sociaux et d’assistanat dans le monde (31,5 % de son PIB), tout en restant le champion du monde des prélèvements obligatoires. Voilà pour le match social avec l’Allemagne : une terrible leçon pour les Français !
Pour ce qui est du match économique, les écarts continuent de se creuser à cause du « fétichisme perpétuel » hexagonal pour les dépenses publiques, ces dépenses ayant représenté 56,5 % de son PIB en 2017, contre 43,9 % en Allemagne. En matière budgétaire, la France affiche un déficit de 60 milliards d’euros en 2017, tandis que l’Allemagne annonce un excédent record de 41 milliards (contre 24 en 2016). Vous avez bien lu : un excédent budgétaire de 41 milliards d’euros, en augmentation de 17 milliards ! Du côté de la dette – un autre « fétichisme perpétuel » bien français –, c’est la bérézina : nous sommes officiellement aux environs de 2 200 milliards de dette, mais en réalité davantage si l’on y ajoute d’autres dettes bien réelles mais non reconnues, comme celles de la SNCF ou de l’Unedic, plus de 80 milliards à elles deux. Quoi qu’il en soit, pendant le temps où notre dette s’aggravait année après année pour en arriver à près de 100 % du PIB, la dette allemande se réduisait et, sur une seule année, de 2016 à 2017, passait de 68,2 % à 64,1 %. Une autre leçon de bonne gestion !
Quand on se rappelle de plus que la réunification outre-Rhin aura coûté pendant près d’un quart de siècle le montant stratosphérique de 2 000 milliards d’euros pour intégrer les 16 millions d’habitants de l’ancienne RDA, on imagine sans peine l’état florissant des finances de nos voisins. Et d’ailleurs, au classement général de la compétitivité, le Forum économique mondial vient de confirmer la 5e place de l’Allemagne en 2017, derrière la Suisse, Singapour, les États-Unis et les Pays-Bas, tandis que la France a encore reculé d’une place, de la 21e à la 22e. Si l’on ne devait comparer que les grands pays, la RFA serait la plus compétitive du monde, juste après les États-Unis.
Notre pays arrive au bout du bout du système de l’État providence
Quant à l’économie française qui ne représente plus que 70 % de l’économie de sa voisine, l’écart continue également de se creuser : c’était 76 % en 2012 lors de l’arrivée au pouvoir de François Hollande. Pourquoi ? Il semble bien que notre pays arrive au bout du bout du système de l’État providence qui lui a été imposé pendant un cycle beaucoup trop long d’étatisme borné mêlé de condescendance autoritaire, de centralisme jacobin, appliqué méticuleusement durant des dizaines d’années par une noblesse technocratique qui a accaparé petit à petit tous les pouvoirs, dont celui d’endoctriner le peuple en lui faisant croire qu’il était composé d’incapables majeurs, et cela avec l’aide des puissants médias audiovisuels du « service public ».
Le résultat en est connu : une fiscalité à tous les étages et dans toutes les maisons jusqu’aux cabanes de jardin et bientôt sur les portes et fenêtres des résidences comme jadis sous le Directoire, une fiscalité qui ruine contribuables et entreprises, mine les vocations, dissuade les talents, écœure les familles et fait fuir les entrepreneurs. Le corollaire en est une dictature du fonctionnariat imposant à tous une folie normative et des réglementations inouïes en quantité et en bêtise, des dépenses publiques colossales et des gabegies insupportables, le tout enrobé dans un dirigisme oppressant.
Pour apprendre l’économie concrète, observez le modèle allemand
Dernier exemple de cette implacable machinerie : vouloir obliger maintenant les entreprises et en particulier les plus petites d’entre elles à collecter l’impôt sur le revenu de leurs salariés pour le compte de l’État qui est pourtant grassement payé pour cela, une obligation de plus pour les entreprises sans la moindre contrepartie financière, sinon des sanctions et des coups de bâton en cas de fausses manœuvres !
Il est incroyablement étrange que les Français se soient laissé embarquer sans réagir dans un tel système d’étatisme forcené qui se rapproche plus d’un communisme larvé que d’un libéralisme intelligent. À observer la réussite des Allemands qui appliquent chez eux un libéralisme tempéré d’économie sociale qu’ils appellent « ordolibéralisme », on aurait pu penser que les Français se seraient convertis à ce système moderne, simple et efficace : l’État organisateur et régulateur met de l’ordre et des règles là où c’est nécessaire et important, mais, pour le reste, laisse jouer le marché, les entrepreneurs et les citoyens. Or, c’est le contraire qui s’est passé en France !
Nos technocrates de la noblesse d’État ont tendance à s’imaginer être les meilleurs, alors qu’ils n’ont rien appris mais croient qu’ils savent tout. Il est bien connu par exemple que, si l’on veut comprendre les hautes technologies, il vaut mieux aller dans la Silicon Valley qu’à Orsay, et que pour apprendre l’économie concrète, il suffit d’observer le modèle allemand. Ce n’est tout de même pas un hasard si les deux plus grands pays du monde en matière de compétitivité sont les États-Unis et l’Allemagne. Jusqu’à quel niveau de déclassement en matière de compétitivité les Français sont-ils prêts à descendre avant de s’en apercevoir et d’en tirer enfin les leçons ?