Pour reprendre le titre de cet article, l’€ n’est pas viable ; ce à quoi j’ajouterai … si on continue comme cela car ce dont on ne parle surtout pas c’est que les dérives budgétaires d’un certain nombre de pays de la zone € inquiètent ; notamment celles de l’Italie et de la France ; 3ème et 2ème économies de l’Union Européenne.
Or, il faut être conscient que cette question des dettes étatiques va, à un moment ou à un autre, provoquer une augmentation des tensions entre les pays bien gérés et les pays dits du « club Med » avec, à terme, un risque majeur : l’éclatement de la zone €.
Et, cet éclatement mettrait chacun dans l’obligation d’avoir à assumer seul les conséquences de sa mauvaise gestion et ses dettes publiques !
La « vision » des pays du sud de l’Europe :
Elle a lieu selon un double axe.
-leur première vision est une annulation des dettes étatiques ; solution commode et définitive s’il en en est.
Elle est très simple à réaliser techniquement : Pour « remettre les compteurs à zéro », il suffit que la BCE émette 10.000 Md € de monnaie fictive qu’elle reverserait aux Etats nécessiteux afin qu’ils soldent leurs dettes !
Il en résulterait probablement une violente poussée inflationniste ainsi qu’un mouvement de fuite devant la monnaie (les agents économiques se débarrassent de leurs € car ils n’ont pas confiance en une monnaie victime d’une aussi grossière manipulation) alors que le mandat de la BCE est tout justement de contrôler l’inflation dans la zone € et que l’élément le plus important de la monnaie est la confiance.
Cette solution constituerait non seulement une prime illégitime au laisser aller et à la mauvaise gestion, mais ce serait la porte ouverte à tous les excès car pourquoi faire des efforts de gestion puisqu’on peut annuler les dettes régulièrement ?
Les pays du nord de l’Europe, qui maitrisent leur dette, sont évidemment opposés à une telle solution et Mme Lagarde, présidente de la BCE, a rejeté une telle hypothèse.
Les pays surendettés se contentent donc de la monétisation de leur dette par la BCE ; laquelle, par l’impression monétaire, assure pour l’instant le financement de leurs dépenses bien que cette pratique génère des effets négatifs. En effet, par ce biais, ces pays peuvent partiellement externaliser les coûts de leurs déficits au détriment des autres pays de la zone € sous la forme d’un affaiblissement de la valeur de la monnaie. Cela signifie que cette émission monétaire massive porte atteinte au pouvoir d’achat de l’€ et des membres des pays bien gérés ; ce qui nous ramène, encore une fois, au statut de l’€.
-L’autre vision préconisée par les pays surendettés, c’est l’appel à la solidarité, ou si vous préférez « l’appel au secours » c’est à dire au paiement de leurs dettes par les autres par le biais de « coronabonds » ou d’€bonds c’est à dire d’emprunts dont tous les membres de la zone € seraient solidairement responsables.
Faute d’une politique fiscale et budgétaire coordonnée au niveau européen, cette solution est tout aussi irréaliste que la première car ce serait, pour les pays du nord, donner leur caution aux pays du sud pour que ceux-ci puissent continuer à dépenser n’importe comment.
Car on sait où partiraient ces €bonds : dans des dépenses publiques inutiles et clientélistes selon le principe bien connu : « c’est gratuit, il n’y a qu’à se servir » !
Or, particulier ou Etat, on ne se porte jamais impunément caution des dettes des autres car quels seraient, faute d’une Union Européenne intégrée (comme les USA), les recours des pays cautions vis-à-vis des pays emprunteurs si ceux-ci ne respectent pas leurs engagements et ne remboursent pas ?
On se situe donc clairement dans un aléa de moralité et dans le cadre d’une opposition de conception de la monnaie entre l’ordo libéralisme des pays du nord pour lesquels la monnaie, symbole de la richesse d’un pays, est un bien commun qu’on ne peut pas manipuler et la conception « politique » des pays du sud pour lesquels la monnaie n’est que du papier imprimé au service du pouvoir.
Une situation dégradée intenable à terme
E Macron a beau vanter sa vision de l’Europe, il n’en demeure pas moins que celle-ci est essentiellement d’imposer aux autres une conception purement française de l’Europe c’est à dire une Europe du nord qui paie les dettes de la France !
E Macron n’est absolument un représentant de l’ultralibéralisme mondialisé mais un vrai représentant de l’ultra étatisme énarchisé ! Il ne faut donc pas le voir comme un européiste forcené mais comme l’expression d’une haute administration française totalement autocentrée et opportuniste qui cherche à protéger ses petits et grands avantages … aux frais des autres !
En fait, au-delà des mots et des postures, les dirigeants italiens et français savent que cette dérive budgétaire ne pourra pas durer mais, et c’est là le nœud du problème, ils préfèrent évacuer cette question car ils n’ont aucune envie d’annoncer des mesures drastiques qui pourraient révolter les populations à leur encontre.
L’Italie vit à crédit sur le dos des autres. Selon les données Target 2 (qui globalisent les échanges monétaires entre pays de l’Union Européenne), elle doit 512 Md € aux autres pays de la zone € tandis que l’encours de l’Allemagne sur le reste de l’Europe s’élève à 918 Md€.
Qui peut penser sérieusement que l’Italie va rembourser ces 512 Md € alors que d’autres expliquent doctement à l’Allemagne qu’elle doit faire une croix sur ses 918 Md € ?
Les pays surendettés n’ont donc que la ferme intention de tenter de vivre à crédit aux dépens des autres le plus longtemps possible et, si ça ne marche pas, ils utiliseront, en dernier recours, la bonne vieille méthode de la victimisation dont les grecs nous ont donné un excellent exemple en 2015 ; car on sait qu’il est politiquement plus facile de dire, face à une opinion publique trompée pendant des années et chauffée à blanc, que, si ça va mal, c’est de la faute des autres …
Nombre de grecs restent persuadés qu’ils ont été les victimes des allemands et de la Troïka (FMI, BCE, Commission européenne), alors que la crise qu’ils ont dû affronter n’était rien d’autre qu’une crise de surendettement : la Grèce vivait totalement à crédit sur le dos des autres pays de l’Union Européenne !
Les espoirs des pays du sud reposent désormais sur un grand plan de relance européen de 750 Md€ qui n’a aucune chance de voir le jour puisqu’il faudra l’approbation de tous les parlements européens et que certains pays (NL, Autriche et probablement Allemagne) ne l’approuveront pas !
Et, le jour où les pays du nord commenceront à renâcler, les dirigeants des pays du sud prendront leurs opinions publiques à témoin de l’égoïsme des méchants du nord.
Combien de temps ?
Le problème est que ces pays surendettés n’ont plus aucune solution de rechange car si la BCE stoppe la monétisation, ils devront fortement augmenter la fiscalité (avec un risque évident de révolte) ou emprunter sur les marchés avec une explosion des taux d’intérêts et à terme une insolvabilité budgétaire insoluble.
D’ailleurs, on sait que la seule solution de l’Italie est la restructuration de sa dette qui passe par le défaut mais pour cela il lui faut sortir de la zone € au préalable pour éviter d’entrainer les autres pays dans un maelstrom incontrôlable !
Est-il utile de rappeler que la dette de l’Italie était équivalente à 134% du PIB fin 2019 et qu’on l’envisage à 160% en fin 2020. Pour la France, la dette devrait passer de 98,5 à 120 voire 130% et la situation de la France est, en tout point, identique à celle de l’Italie ; elle est seulement un peu moins dégradée !
Cela permet de replacer dans son contexte la question de savoir combien de temps les pays du nord vont accepter de jouer, sans contrepartie, les banquiers des pays du sud ?
Et cette question a été clairement posée par l’arrêt de la cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe qui vient de demander des explications à la BCE quant au bien-fondé, au regard des traités européens, de la politique monétaire expansive pratiquée ces dernières années ; avec le risque explicite qu’on en arrive à une interdiction faite à la Bundesbank de participer au plan de financement massif de la BCE.
Certains y on vu un retour de la souveraineté, avec, en filigrane, la désintégration de l’Union Européenne, alors qu’en fait cet arrêt traduit une autre réalité : la BCE a violé tous les traités en sortant de son rôle initial qui est seulement de contrôler l’inflation par une politique de taux et en aucun cas de faire « les fins de mois » des Etats surendettés du sud par le biais de l’émission monétaire !
En fait, l’inquiétude sous-jacente qui est exprimée par la cour constitutionnelle est que l’Allemagne soit obligée de payer les dettes des autres car elle n’en a pas les moyens !
La menace est donc claire : alors qu’il apparait évident qu’un pays comme la France dépense sans compter, sans aucun scrupule, l’argent qu’elle n’a pas, dans de multiples plans de relance à l’utilité douteuse, l’Allemagne pourrait couper le robinet du crédit illimité.
Pour l’instant l’affaire se limite à une guerre des communiqués avec un rappel de la cour de justice de l’Union Européenne de Luxembourg (CJUE) qu’effectivement, elle est seule compétente pour les affaires européennes en omettant toutefois de dire qu’elle n’est pas compétente pour juger d’une question strictement allemande qui est : la Bundesbank doit-elle continuer à cautionner l’émission monétaire massive de la BCE qui n’est prévue par aucun traité ?
Et, comme en Allemagne la justice n’est pas aux ordres du pouvoir exécutif, cela pourrait bien être le « début des ennuis » car que valent l’€ et la BCE, sans la puissance économique de l’Allemagne ?
Ce qu’il faut comprendre, c’est que si l’Allemagne se retire, nous serons très vite confrontés à une dépréciation très importante de l’€ avec un effet direct sur le cout de toutes nos importations provenant hors de la zone € et il se trouve que nous importons à peu près … tout !
La BCE émettra en masse de la monnaie qui ne vaudra rien … avec une envolée évidemment inéluctable de l’inflation qui laminera les patrimoines, les salaires et les retraites alors que nous devrons constituer des réserves de change, en US$ principalement, pour payer nos importations.
Mais, de cela les dirigeants, français notamment, ne veulent pas parler ; leur seul souci actuel étant de faire durer ce moment de grâce monétaire le plus longtemps possible !
Ils font une balance d’évaluation entre le risque immédiat de révolte de la population et le risque éventuel et hypothétique d’un éclatement de la zone € alors qu’il leur faudra bientôt gérer une situation extrêmement délicate au niveau économique avec de nombreuses faillites, une explosion du chômage camouflée pour l’instant par la couteuse indemnisation étatique d’un chômage partiel dont le gouvernement annonce déjà la prochaine modification.
Une solution viable ?
Jusqu’à présent, les pays de l‘Europe du sud ont pu emprunter à bas taux sur les marchés mondiaux ; taux qui leur auraient été inaccessibles avec leurs monnaies nationales. Car, si les financements ont été aussi faciles, c’est exclusivement grâce à leur appartenance à la zone € qui offre une garantie aux créanciers ; et le cœur de cette garantie est l‘Allemagne.
Seulement, l’emprunt systématique n’a pas été utilisé pour moderniser l’économie ou les structures étatiques, il n’a été qu’un moyen de ne pas lever des impôts pour financer des services ou des salaires de fonctionnaires innombrables et pour distribuer des compléments de revenus (aides sociales) permettant de masquer une pauvreté et un manque d’employabilité de la population (par manque de formation ou par manque d’emplois).
Autrement dit, l’emprunt n’a servi qu’à masquer une réalité désagréable et politiquement inavouable !
Faute d’avoir fait les réformes qu’il fallait faire il y a 20 ou 30 ans, l’Italie et la France, se sont lancées dans une « course sans fin à la dette supplémentaire », en creusant un fossé qui n’a fait que s’aggraver avec les pays du nord, et elles n’ont désormais pas de solution de rechange politiquement acceptable par les populations alors que pointe déjà la contestation.
Leurs options sont en fait très opportunistes :
Profiter de l’émission monétaire massive pour augmenter les dépenses et anesthésier les populations ainsi que les risques futurs de révolte (gilets jaunes), continuer l’endettement qui apparait désormais sans limite et sans danger (du moins à court terme), et, en cas de résistance des pays du nord, jouer sur une capacité de nuisance en se livrant au chantage ; comme la Grèce lorsqu’elle avait menacé de faire sauter la zone € !
Mais aucune ne s’inscrit dans la durée … car on sait que la monétisation de la dette par la BCE ne peut pas être une solution permanente !
L’issue de tout cela sera nécessairement soit un renforcement des structures européennes avec une douloureuse mise au pas des pays du sud soit, en cas de refus de ces derniers, un éclatement de l’€ zone avec à terme le retour à une Union Européenne réduite à une simple zone de libre-échange qui se scindera entre d’une part les pays du nord exportateurs avec une monnaie forte et d’autre part des pays du sud importateurs avec une monnaie de singe !
Quelle issue ?
La grande question est finalement : y a-t-il moyen de sortir du cercle vicieux de la dette excessive alors qu’il n’y a aucune raison de nature à justifier une augmentation constante et excessive de l’endettement public ?
La France s’est mise toute seule dans un corner dont elle ne pourrait se sortir que par le biais d’une forte diminution des dépenses publiques et des avantages sociaux distribués généreusement grâce à l’argent de l’emprunt.
Pour ma part, je parie sur l’éclatement à terme de la zone € en partant du principe que la France et l’Italie refuseront de faire les réformes nécessaires et que, devant leur refus obstiné, justifié par des considérations essentiellement électoralistes, les Etats du nord décideront tout simplement de laisse tomber !
Ce sera évidemment la mise à mort de l’€ sans pour autant provoquer nécessairement la destruction de l’espace économique européen ; en espérant quand même qu’on pourra organiser une dissolution coordonnée … ce qui n’est même pas sûr !
Evidemment, une fois l’€ dissous, les Etats surendettés ne pourront plus emprunter gratis qu’auprès de leur propre banque centrale (les fameuses avances de la banque de France) au prix d’une inflation proportionnelle à l’émission monétaire et seront à terme obligés de restructurer des dettes qui seront devenues insoutenables ; restructuration dont les populations paieront alors le prix fort !
On en reviendra à la situation déflationniste qui a prévalu entre 1974 et 1999, avec une forte inflation et une chute de l’activité économique ; déflation qui avait littéralement laminé l’économie française !
Autrement dit, la fin de l’€ signifie que nous allons nous enfoncer dans une dépression chronique qui entrainera un appauvrissement plus ou moins rapide de la population.
Bien cordialement à tous !
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Fort juste tout cela mais l’Allemagne ce n’est pas non plus très brillant : la plupart des Allemands ne sont pas propriétaires de leur logement, il n’y a pas de salaire minimum et la Deutsche Bank est pourrie de dettes.
Il n’y a jamais eu, il n’y a pas et il n’y aura jamais de monnaie qui vaille.
y compris de réajustements en dévaluation et autres indélicatesses des banquiers centraux quelque soient les régimes qui ont procédé ou utilisé ces monnaies
(tout comme l’être humain est faillible !)
Vous êtes sûr que l’€uros doit être voué aux gémonies ? . . . pour recommencer un peu plus tard !
Donnez nous plutôt une recette de monnaie fiable et qui ne souffre d’aucunes faiblesses ni critiques ?
Peut-être me suis-je mal exprimé mais il est évident que nous avons gros à perdre en cas d’abandon de l’€ !
J’ose même affirmer que si l’€ disparaît, cela nous coutera extrèmement cher !
Pour le reste, il n’y a pas de monnaie miracle et l’inflation, aussi faible soit-elle, rogne toujours le pouvoir d’achat.
Après, il y a des monnaies fortes et les autres … et la valeur (la crédibilité) de la monnaie dépend aussi de l’économie du pays et des manipulations monétaires des gouvernements et en la matière la France et l’Italie sont à placer en tête de gondole (pour la manipulation).
La période actuelle doit être considérée comme atypique mais elle n’est que la suite des manipulations précédentes !
L’accumulation des dettes et l’insolvabilité évidente de certains pays ne peuvent que poser de graves problèmes ….
L’Allemagne a bénéficié :
– d’une remise de dette de guerre après sa défaite, à la demande des USA craignant qu’elle ne passe dans le camps soviétique. Les grecs le lui ont rappelé, en vain !
– d’une faveur financière défavorable aux pays de Sud, lors de sa réunification,
– d’un € au moins 20% en dessous d’un Deutsch Mark, favorable à ses ventes dans les reste de l’Europe, qui sont excédentaires au delà des limites européennes.
Mais quand on lui dit « donne » elle devient sourde !
Dans les déficits des pays du Sud, il y a aussi leurs achats de produits allemands, au détriment des nôtres (voitures ?).
C’est vous qui voyez !
Bonjour Philos,
Des réalités, bien rangées, compréhensibles, accessibles à tous, bravo.
La fin ?
Voir Clausewitz : « La guerre n’est que le prolongement de la politique par d’autres moyens »
Dans ce fiasco pas d’ennemi extérieur, difficile d’en fabriquer un, la guerre sera donc civile.
Amicalement.
Merci pour vos analyses, il existe l’or pour se prémunir, et aussi placer ses économies dans des pays gérés et attaché à la propriété privée, avant un retour du contrôle des changes, car le racket ne pourra pas durer indéfiniment!
Oui, l’or la relique ultime et barbare …
Certains sites jouent sur la peur pour en vendre
Le problème est qu’il n’y aura pas d’or pour tout le monde !
deux problèmes le concernant :
– éviter l’or en France (très taxé 11% et pas anonyme),
– n’acheter que de l’or physique. Pas de certificats papier (il y en aurait dix fois plus en circulation que d’or physique !)
Enfin, l’or pose un problème de stockage et surtout pas en France dans un coffre bancaire compte tenu des dernières dispositions fiscales ayant pour but de connaître les noms des détenteurs de ces coffres.
Quant au racket, il n’est possible que parce qu’il est accepté !
Pas rassurant… mais sans doute parfaitement lucide. La question est : qu’est ce que nous, individus, pouvons ou devons faire ? Merci en tout cas pour cette splendide analyse.
Merci,
Que faire, pas grand chose … mais pour l’instant il n’y a pas de danger immédiat.
A titre de complément, vous pouvez consulter cet article de P Artus, le directeur de la très Keynesienne cellule économique de la banque Natixis.
https://www.research.natixis.com/GlobalResearchWeb/main/globalresearch/ViewDocument/IzRMLkQ4hWSWVfRdk0nP1A==
Après vingt ans de n’importe quoi italien et français, cela m’étonnerait qu’on puisse encore enchainer une nouvelle période de vingt ans …