Dans les années 1950, un étudiant américain en psychologie, Stanley Milgram, notait que les bureaucrates et bourreaux nazis au procès de Nuremberg se justifiaient en indiquant qu’ils avaient obéi aux ordres et que donc ils ne pouvaient être tenus responsables de leurs actes. Afin de comprendre si ces comportements étaient propres aux nazis ou s’ils étaient universels, Stanley Milgram a conçu et exécuté, de 1961 à 1963 à Yale, une expérience destinée à évaluer le degré d’obéissance d’un individu à une autorité qu’il juge légitime, notamment quand elle induit des actions qui posent des problèmes de conscience, comme l’infliction de chocs douloureux voire mortels.
L’obéissance de l’individu à l’autorité
Pour ce faire, l’équipe du professeur Milgram a recruté au hasard par petites annonces les sujets d’une expérience, bien rémunérée, présentée comme une étude scientifique de l’efficacité de la punition sur la mémorisation.
Elle mettait en présence une figure d’autorité, l’expérimentateur, sûr de lui et vêtu d’un uniforme gris de technicien, l’enseignant, objet de l’étude, et un étudiant attaché à une chaise électrique. Chaque fois que l’étudiant répondait mal à une question, l’enseignant devait lui envoyer un choc électrique dont la puissance augmentait graduellement (de 75 à 450 volts). L’expérimentateur et l’étudiant étaient des acteurs et il n’y avait pas de chocs électriques, mais l’enseignant-cobaye qui était censé punir ne le savait pas.
Si l’enseignant-cobaye demandait qui était responsable au cas où quelque chose arrivait à l’élève, l’expérimentateur répondait : « je suis responsable ». Cette réponse soulageait le sujet et beaucoup ont poursuivi. L’expérience a révélé que, malgré les cris et supplications de l’étudiant et la dangerosité explicitée des chocs élevés, jusqu’à 65% des participants avaient administré des chocs maximum, potentiellement mortels. Avant l’expérience, les chercheurs pensaient que ce taux serait de 1 à 3%.
Des séries d’expériences dans le temps ont fait varier les divers paramètres. Elles ont été reproduites et confirmées par des successeurs de Milgram. Elles ont démontré que :
- Les femmes obéissaient de la même manière que les hommes, voire davantage,
- Le sujet devait être convaincu de la légitimité de sa mission,
- La distance entre l’enseignant-cobaye et la victime influençait l’obéissance,
- Même chose pour la distance entre la personne d’autorité et l’enseignant-cobaye,
- L’apparence et le rang de la personne en position d’autorité pouvaient augmenter ou diminuer l’obéissance.
Cette expérience et ses résultats, qui ont alors beaucoup choqué, ont valu à Stanley Milgram d’être reconnu comme un des psychologues sociaux les plus importants du XX°s. Les films d’époque de l’expérience sont visibles sur YouTube.
La Convention Climat et l’autorité
Dans la première partie de cette chronique sur la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) publiée fin Juillet, j’ai partagé avec vous mon inquiétude :
- avant même le début des travaux de la Convention, le Président s’était engagé à soumettre ses propositions « sans filtre » au référendum, au vote du Parlement ou à application réglementaire,
- plus de 80% de ses propositions reposaient sur la contrainte, la taxation, l’augmentation du rôle de l’Etat ou la restriction des libertés.
En fait, le protocole d’organisation de cette CCC m’a immédiatement évoqué l’expérience de Stanley Milgram : les participants sont tirés au sort, ils sont mandatés par la plus haute autorité du pays, représentée au quotidien par les fonctionnaires du CESE. Elle leur confiait une mission légitime : faire des propositions socialement justes pour sauver le monde de la catastrophe écologique en 2030. Pour compléter le dispositif, le Président indiquait qu’ils ne seraient pas responsables de leurs recommandations puisque le pouvoir politique assumerait.
A la lumière de Stanley Milgram, il était prévisible que la CCC produirait des recommandations punitives et liberticides. Nos dirigeants le savaient puisqu’ils ont appris tout ça à Science Po.
La Convention Climat : rien de nouveau
L’idée de réunir un groupe de citoyens tirés au sort pour travailler sur des sujets de société peut sembler intelligente, voire judicieuse à un moment où la parole des politiques et de l’administration semble largement discréditée.
Mais en réalité, l’exercice n’est en rien une nouvelle forme d’exercice de la démocratie, il ne fait que confirmer que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Les participants ont reçu les données d’entrée produites par l’administration et ils ont suivi le même raisonnement hypothético-déductif qu’elle. Les règles d’engagement du processus sont les mêmes que celles de nos fonctionnaires au quotidien : ils ont l’autorité sans assumer la responsabilité de leurs actes et leurs victimes sont loin. Le résultat est tristement habituel : contraintes, punitions, taxation et restrictions de liberté. Non seulement, ces propositions ne sont pas plus légitimes que les autres lois, mais tenter de nous le faire croire discrédite la démocratie parlementaire.
Comme pour la crise sanitaire, il est temps que nos dirigeants cessent de nous prendre pour des imbéciles et des enfants irresponsables.
Oui et actuellement avec le coronavirus on vit une situation qui ressemble à l’expérience de Stanford.
Pourtant la réponse des élus en France devrait passer par la valorisation de solutions basées sur l’innovation et l’investissement, les économies de gestions à réaliser et non, par le traditionnel ‘nouvelles taxes’ et arrosages de subventions fiscales, et non par le développement de la peur. Pour les dirigeants d’un pays le temps long doit primer sur les solutions de court terme”
Cher Richard,
Encore faudrait-il que ces élus disposent d’un QI suffisant pour intégrer ces notions et les mettre en œuvre, mais ce n’est pas demain la veille !