Je voudrais faire avec vous un petit tour de la situation financière et fiscale telle que ne l’a pas évoquée le président dans son grand oral et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas brillant !
Une situation économique mondiale sous tension
La situation économique mondiale est en plein ralentissement ; surtout en Europe et à un degré moindre en Amérique et en Asie ; et cela ne va pas s’arranger car nous allons vers des tensions sur les cours de l’or noir qui trouvent leur source à quatre niveaux :
– D Trump a décidé de faire tomber le régime iranien, coûte que coûte, et a donc durci les sanctions en interdisant à la planète entière ( !?!) d’acheter le pétrole iranien afin d’asphyxier le régime. La lex americana …ou l’extra territorialité de la loi américaine s’applique encore une fois au monde entier sous la menace de représailles qui se terminent toujours par des amendes colossales ! Hormis les russes et les chinois, tout le monde tremble …
– Le Venezuela s’enfonce un peu plus dans la crise économique et politique et ses exportations de pétrole s’effondrent tandis que la Libye connaît une guerre civile qui limite ses exportations de pétrole. L’Arabie saoudite a finalement renoncé à inonder le marché mondial de pétrole à bas coût pour essayer de faire s’effondrer le système d’exploitation du pétrole de schiste américain ! Cette stratégie s’est avérée ruineuse pour les finances saoudiennes et sans effet alors que ce pays commence à entrevoir la fin de la rente pétrolière (les gisements s’épuisent).
– le dollar est sur une tendance haussière par rapport à l’€ alors que les achats de pétrole sont libellés en dollars,
– Du fait de la faiblesse des rendements obligataires, certains gros investisseurs se sont tournés vers le pétrole pour y spéculer ; histoire de trouver un peu de rendement.
Evidemment, tout cela ne peut se faire qu’à notre détriment car le prix du pétrole, exprimé en dollars, ne cesse d’augmenter. Il est passé en quelques mois de 50 à 75$ le baril et certains pensent qu’il devrait atteindre les 100 dollars avant la fin de l’année. Cela nous promet un carburant à la pompe hors de prix (avec 75% de taxes sur le prix payé à la pompe).
L’inflation officielle est certes relativement faible (entre 1 et 2% l’an) mais le ressenti est quand même bien différent rien qu’avec une augmentation constante du prix de l’énergie (carburant, fuel de chauffage, électricité abonnement puis consommation, gaz ….). On ne peut pas en douter puisque l’on sait que cela a déclenché le mouvement des gilets jaunes !
Un marché de l’emploi en pleine mutation
Parallèlement, on sait qu’il y a actuellement une dégradation du marché de l’emploi avec une tendance à la disparition des emplois intermédiaires ; ce qui tire les salaires vers le bas dans la mesure où il y a un déplacement du marché du travail des emplois qualifiés vers des emplois dans les services à la personne qui sont beaucoup moins qualifiés et moins bien payés.
Le système de production semble aussi en pleine mutation avec une tendance au retour du nationalisme économique alors que se met en place une transition énergétique non justifiée qui va avoir des effets désastreux sur l’emploi et les entreprises. Sont concernés le secteur de l’automobile qui est contraint de se convertir à l’électrique et qui anticipe déjà un fort recul de son activité alors que la valeur ajoutée (batterie) est en train de se déplacer vers l’Asie (puisque Chine et Corée ont le quasi monopole de fabrication des batteries au Lithium) et celui de la production d’énergie du fait de l’obligation de subventionner par l’impôt des ENR aléatoires, très coûteuses et non rentables !
Une fiscalité qui reste pesante
Certes l’ISF a été supprimé mais cela ne concerne que quelques milliers de personnes, essentiellement les plus riches. Certes aussi, une flat tax a été mise en place pour limiter les prélèvements fiscaux mais ne nous leurrons pas, elle n’est pas flat du tout avec un taux très élevé de 30%. (flat c’est en dessous de 15%). Il y a néanmoins une amélioration car auparavant le prélèvement de base était de 39,5% et pouvait monter jusqu’à 65% !?!
Néanmoins, la fiscalité a largement continué à progresser (même si elle a subi un coup d’arrêt au niveau de la pseudo taxe carbone) notamment avec la CSG (impôt à haut rendement) qui a augmenté de 1.7% ; à la fois pour les pensions de retraite et les salaires (le taux est désormais de 9,1%) mais aussi pour les revenus de placement (le taux s’est envolé à 17,2%). Néanmoins, les pensions des retraités dont les revenus sont en dessous de 2.000€ par mois devraient se voir exonérer de cette hausse.
Les pensions de retraite subissent en outre un blocage de leur revalorisation à 0,3% par an ; ce qui revient à les taxer par le biais sournois d’un impôt invisible : l’inflation ! Le président vient néanmoins de promettre de revenir sur cette décision.
Une épargne sans taux
Néanmoins, il convient de relativiser l’effet de la diminution de la pression fiscale car ce que vous payiez auparavant en impôts vous ne le regagnez plus du fait de l’écrasement des taux d’intérêts lié aux politiques monétaires accommodantes des banques centrales (Fed US, BCE, Bank of Japan) qui ont ramené les taux des emprunts obligataires à presque zéro !
Pour l’instant, le placement obligataire ne paraît pas très dangereux même si les émissions des OAT (dette de l’Etat) ne rapportent plus rien. Il reste à la merci d’un accident imprévisible qui ne pourrait pas être corrigé ou compensé par la BCE car une brutale augmentation des taux provoquerait en effet un effondrement de la valeur des OAT émises à taux zéro !
L’effet induit de cette situation est que, l’assurance vie, placement préféré des français avec 1.700 milliards € d’encours, a désormais des rendements négatifs (revalorisation 1,8% – Flat tax 30% – inflation 1,8% = -0,54%) puisque l’argent confié par les épargnants aux compagnies d’assurances est placé en OAT qui ne rapportent désormais plus rien ! Et le pire est encore à venir car les rendements actuels ne sont obtenus qu’à partir des titres anciens qui arrivent à maturité et vont être remboursés.
Evidemment, l’effet induit de cette politique du taux zéro est double :
– l’épargnant ne gagne plus rien !
– les banques ne gagnent plus rien et voient leur valeur boursière s’effondrer puisque leur rentabilité est devenue nulle !
Il devient donc très difficile de trouver des placements qui permettront de s’assurer un complément de retraite alors que l’on sait que, d’un autre coté, les pensions sont appelées à être laminées, elles aussi, par le biais d’un allongement de la durée de cotisation qui ne dit pas clairement son nom et à propos duquel le président s’est montré très évasif !
Il s’agit donc bien d’un mécanisme de spoliation lente et continue des épargnants dans le cadre d’une répression financière qui ne dit pas son nom et qui est opérée dans le but de sauver des Etats surendettés ; car normaliser les taux déclencherait une crise des dettes étatiques de pays comme la France et l’Italie, l’Espagne et le Portugal, qui sont tous plus ou moins au bord de la faillite (l’Italie devrait porter le taux de TVA à 25% à la fin de l’année !). Le but de la BCE est d’éviter un défaut de paiement de l’un d’entre eux et un redoutable effet de contagion !
Une économie à la peine
En fait, les taux nuls ne peuvent se comprendre que dans le cadre d’une économie déflationiste c’est à dire avec des prix qui baissent ; sinon c’est du suicide économique. Et cela semble bien être le cas car la situation de la zone € est globalement mauvaise avec des perspectives de croissance à peu près nulles ; même en Allemagne, ce qui est loin d’être rassurant !
En fait, le ralentissement économique mondial est aggravé dans l’Union Européenne par une crise de la dette étatique qui semble ne pas pouvoir trouver de solution et particulièrement en France où la pression fiscale a atteint des niveaux tels que le pouvoir sait que ses marges de manœuvres en la matière sont désormais presque nulles !
Or, faute de croissance, il n’y aura pas d’augmentation du PIB, pas d’augmentation des marges fiscales et donc …pas de diminution de la dette qui va finir par nous étouffer alors que vous aurez noté qu’E Macron n’a annoncé aucune mesure de réduction de la dépense publique (la suppression de 120.000 postes de fonctionnaires est même renvoyée sine die) !
Il est même probable que, sans les mesures de relance de décembre dernier, prises sous la pression des gilets jaunes, nous serions tombés en récession !
Seulement ces mesures de relance ne pourront pas durer d’abord parce que les traités européens l’interdisent mais surtout parce que la course à la dette est une activité dangereuse qui finit toujours mal !
Les poids excessifs de la fiscalité et des prélèvements de notre modèle social ont eu des répercussions économiques dont nous n’avons pas fini de mesurer les effets délétères à long terme. La dégradation permanente de la compétitivité des entreprises a eu pour effet d’entraîner un niveau de chômage élevé aujourd’hui considéré comme pratiquement incompressible ; avec l’effet évident de peser sur les finances publiques en mettant tous les régimes sociaux en péril !
La seule issue désormais, pour rétablir les comptes, va être, dans un environnement défavorable, de réduire les dépenses et il est probable que le gouvernement va devoir adopter une politique budgétaire plus restrictive en 2020 ; ce qui va être rejeté probablement violemment par la population. Le président a soigneusement évité d’en parler !
La réponse du pouvoir à la contestation populaire a été pour l’instant surtout policière mais il n’est pas sûr que cette réponse soit adaptée …et praticable longtemps et c’est pour cela qu’il a promis une diminution de l’impôt sur le revenu, sous conditions, ce qui laisse la porte ouverte à toutes les « adaptations ».
Une stratégie patrimoniale délicate
On peut être tenté de compenser l’absence de rendement par un investissement en actions. Il apparaît néanmoins relativement risqué car nous sommes, quoiqu’en disent certains, en présence d’une bulle liée au fait que l’émission d’argent gratuit de la BCE ne permet plus de gagner d’argent sur les taux d’intérêts et que la seule solution trouvée par les investisseurs institutionnels, pour avoir du rendement, est de prendre des risques ! Cela explique grandement, la montée continue du cours des actions alors que les indices économiques sont …mauvais !
Certains pensent avoir trouvé la solution avec l’investissement en Asie et notamment en Chine. Néanmoins, plusieurs risques entrent en ligne de compte :
Certes la zone Asie est beaucoup plus dynamique que l’Europe et elle est devenue l’usine du monde. Mais, spécialement concernant la Chine, le pays reste une dictature, la comptabilité publique est sujette à caution et, s’il existe un capitalisme débridé, c’est surtout un capitalisme d’Etat avec un crédit abusif qui laisse subsister des entreprises à la rentabilité incertaine et des prix faux qui ne correspondent à rien.
Le risque sur la valeur des actions se double en outre d’un risque monétaire car la monnaie (le Yuan) n’a aucune garantie de stabilité ; la Chine n’ayant jamais hésité à utiliser l’arme de la dévaluation pour améliorer sa compétitivité et ses exportations. Ce risque semble néanmoins s’éloigner puisqu’elle cherche actuellement à mettre en place une zone monétaire propre sur toute l’Asie afin d’en éjecter le dollar (ce qui d’ailleurs énerve beaucoup D Trump) !
Quant au Japon, il est en stagnation depuis 30 ans avec des taux complètement à zéro et un marché sous le contrôle de la Bank of Japan qui est elle-même complètement aux ordres du gouvernement. Il n’y a plus de marché. Il est probable que le Japon soit simplement en avance sur nous ; ce qui signifie qu’il suffit de regarder ce qu’il s’y passe pour comprendre ce qui va nous arriver (la dette publique est à 250% du PIB).
En conclusion
L’avenir apparaît bien incertain car nous nous situons actuellement à un moment de l’histoire monétaire et financière complètement nouveau avec des développements totalement inconnus puisque les Etats et les banques centrales créent de la monnaie qui ne correspond à rien sans provoquer d’hyperinflation ni même d’inflation !
Nous vivons dans un monde de dettes avec des records de dettes des Etats, des entreprises et des particuliers pendant que les banques centrales continuent d’émettre de l’argent gratuit ! Les dettes se sont plus la contrepartie d’une épargne et certains organismes acceptent même de payer pour prêter de l’argent (taux négatifs).
L’épargne est devenue inutile alors que le président a demandé aux français de travailler plus et plus longtemps pour gagner … moins ! Il n’est pas sûr qu’il soit entendu !
L’Etat providence des années 80 et 90 n’est plus adapté au monde tel qu’il est aujourd’hui et nul ne sait aujourd’hui ce qu’il va se passer. Il existe néanmoins une constante : Quand le politique prend le contrôle de la monnaie, cela se termine toujours par la manipulation et l’hyperinflation qui ruine les peuples !
Le risque évidemment se situe le jour où tout ce système complètement artificiel va s’effondrer car les dégâts seront alors colossaux !
Bien cordialement à tous !
La reproduction de cet article n’est autorisée qu’à la condition de le rependre dans sa totalité, d’en rappeler l’auteur et le site de publication originel.
Dominique, je vous demande, et à vous tous aussi je vous demande, si cette occultation de la situation financière et fiscale de notre pays, que nous avons tous constaté lors du grand oral du 25 avril 2019, est véritablement voulue par le Président et par ses conseillers ou seulement évitée pour ce public de journalistes complices et peu formés à ces considérations ?
Ou si, mais ce serait épouvantable, on peut soupçonner que MACRON, d’après son parcours scolaire, n’a pas reçu les bons conseils et une culture économique suffisante pour parler de ces sujets au poste qu’il occupe et dans la situation inédite de cette nouvelle sorte de conférence de presse ?
Est-il conscient des effets catastrophiques d’une épargne effondrée par la disparition d’un véritable taux d’intérêt ? Quand l’épargne devient inutile pourquoi Monsieur MACRON demander « aux français de travailler plus et plus longtemps pour gagner … moins » ?
Vous vous posez des questions que doivent se poser beaucoup de français !
Cela mériterait un article rien que pour aborder ces questions.
Je ne suis pas macroniste mais il ne faut pas tout lui imputer.
La politique des taux d’intérêts (monétaire) n’est pas de son fait puisqu’elle est décidée à la BCE.
Par contre, il est évident que les taux bas arrangent le gouvernement car il peut emprunter « pas cher » sans faire sauter le budget ou sans passer par l’augmentation exponentielle des impots pour payer les intérêts.
La politique budgétaire est par contre de la responsabilité des Etats et il est évident que tout ce que j’écris, E Macron le sait …
Seulement, la politique c’est « mentir au peuple » …. et il n’a aucune solution « politiquement acceptable » par la population.
Par ailleurs, et vous savez que je l’écris depuis longtemps, le pouvoir n’a AUCUNE marge de manoeuvre parce que les gouvernements précédents se sont laissés aller à la facilité et à la dépense publique.
Aujourd’hui, le rendement fiscal est inférieur à la charge de la dette qui est impossible à rembourser surtout que la croissance s’effondre !
Je suis curieux de voir comment E Macron va se sortir de l’exercice en 2020 …
Autrement dit CPEF ! (ce pays est foutu !) et un jour les français se réveilleront avec une sacrée gueule de bois …
Vaste sujet effectivement, Evelyn. Je vous promets un prochain billet là-dessus, et vous allez comprendre …..
R. Bukinov