La galère des entrepreneurs pour obtenir auprès des banques des prêts garantis par l’Etat. Par Laurence Dequay

Le 25 mars, l’Etat a annoncé qu’il mobilisait 300 milliards d’euros pour garantir des prêts que les banques distribueraient aux entreprises dont la trésorerie est essorée par la crise sanitaire. Mais les banques, pourtant sauvées en 2009 par les citoyens, trainent des pieds pour voler au secours des plus fragiles.

A 40 ans, Perrine* fait tourner depuis sept ans, sans le moindre pépin, sa petite entreprise de relations publiques. Depuis le vendredi 16 avril pourtant, cette professionnelle hyper réactive ne décolère pas. Et pour cause. La Banque Populaire vient de lui refuser un prêt PGE de 30.000 euros… que l’Etat aurait garanti à hauteur de 90%! Or, ce montant correspond à 25% de son chiffre d’affaires, exactement dans les clous de la communication volontariste de l’exécutif. « J’ai toujours été super réglo avec ma chargée de compte. Je n’ai jamais été dans le rouge. J’ai trois mois de trésorerie d’avance sur le compte de ma société. Des biens immobiliers personnels. S’ils ne me prêtent pas à moi, je ne sais vraiment pas à qui ils prêtent!« , peste-t-elle. Dans ces moments difficiles, elle se rappelle des paroles de son père indépendant répétait « le banquier ne te vient en aide que lorsque tu n’as besoin de rien.«  « Dans cette crise, on dirait que rien ne change« , soupire-t-elle.

Comme le prévoit la procédure PGE, Perrine a pourtant rempli rapidement son dossier auprès de la BPI, la banque publique d’investissement. Mais sa banquière lui a alors réclamé d’autres documents pour instruire son dossier de crédit, notamment des prévisions de chiffre d’affaires. Trop confiante sans doute, cette communicante a indiqué qu’elle n’avait encore aucun contrat ferme de signé ; que ses clients habituels, un musée, des sociétés de tourisme, un hôpital, des industriels, reviendraient vers elle, après le dé-confinement, dès qu’ils y verraient plus clair pour eux-mêmes. « Visiblement ce n’était pas assez rassurant pour eux. Je vais refaire mon dossier avec l’aide d’un directeur financier. »

« QUI VA REMETTRE DE L’ARGENT ? »

Depuis le 25 mars, l’Etat, comme l’a annoncé le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, a pourtant promis de mobiliser 300 milliards d’euros, pour garantir les prêts que les banques sont invitées à consentir aux entreprises, aux artisans aux commerçants aux professions libérales, mais aussi aux micro-entrepreneurs, aux associations et fondations ayant une activité économique, afin de les aider à traverser la crise du « grand confinement« . Le 15 avril, Frédéric Oudéa, le président de la Fédération bancaire française (FBF) claironnait, la main sur le coeur: « les banques sont là et seront là! »

Las, la FBF a beau assurer que 55 milliards de prêts seront bientôt distribués à 290.000 entreprises, marteler que les banques ne refusent que 5% des dossiers qui leur sont soumis, dans le secret des agences, tergiversations et lenteurs hiérarchiques compliquent sérieusement le traitement des crédits réclamés par les plus fragiles : des entreprises personnelles tout juste créées, des boites en retournement ou des activités de services sans actif immobilisé au bilan. « Les banques distribuent sans enthousiasme des prêts aux entreprises auprès desquelles elles sont déjà engagées. Pour les autres, elles se disent qu’elles n’ont pas d’argent à perdre. Je les pense pas capables de voler au secours des gens qui en ont vraiment besoin, tâcle un investisseur chevronné qui a des dossiers en cours. Qui va remettre de l’argent dans les cafés, les restaurants de village fermés ? Dans les 815.000 entreprises créées en 2019 qui sont en décollage ? Il va y avoir des dépôts de bilan et derrière des drames sociaux car on a pas encore l’outil pour leur distribuer directement de l’argent. »

« JE ME SENS INFANTILISÉE »

Un jugement lapidaire que confirme malheureusement un courrier d’un groupe mutualiste dont Marianne a pris connaissance. « Nous sommes attachés à soutenir les clients que nous accompagnons notamment, en accordant des reports de créances, puis dans un second temps, si nécessaire par la mise en place de PGE. Nous souhaitons participer à cet effort de soutien de l’économie à due concurrence de nos engagements existants » répond ainsi doctement un chargé de clientèle à une entreprise en difficulté, dans un courrier…de refus de prêt PEG. « Certains réseaux bancaires continuent de faire des difficultés ou de tarder à répondre aux demandes de prêts. Ces réticences ne sont pas admissibles ! tonne Alain Griset, Président de l’U2P, l’organisation des artisans des commerçants et professions libérales. Je demande avec fermeté à l’ensemble du système bancaire d’être solidaire dans cette crise, comme les entreprises de proximité l’ont été en 2008 quand les banques ont été mises à mal. Et en conséquence d’appliquer strictement et sans frein les consignes du gouvernement rappelées à de nombreuses reprises par le ministre de l’Economie et des Finances. »

Aurélie, comme nombre de commerçants avec lesquels elle discute, fait les frais de cet atermoiement. En effet, alors qu’elle a sollicité un PGE auprès de la Banque populaire dès la fin mars, cette organisatrice de concert de blues et de soul qui depuis dix ans réalise environ 400.000 euros de chiffre d’affaires en travaillant pour des festivals de toute la France, affirme n’avoir reçu aucune réponse écrite. Oralement, son agence lui a en revanche réclamé son bilan 2019. Le tout, alors que son comptable planche encore dessus car en entreprise individuelle, Aurélie ne déclare ses impôts qu’en mai. Une manoeuvre dilatoire? « Selon la BPI, une simple attestation comptable aurait du suffire à ma banque. Mais aussi longtemps que mon agence ne me répond pas officiellement, je ne peux pas contacter le médiateur du crédit« , détaille la cheffe d’entreprise. Et pendant cette attente, elle doit également acquitter des agios sur son découvert professionnel. « Du coup, c’est un peu comme si la crise, c’était de notre faute, je me sens infantilisée. On est loin du discours de solidarité officiel. »

DEMANDE KAFKAÏENNE

Dans la région lyonnaise Lionel, 49 ans, a lui dû remuer ciel et terre pour obtenir son PGE. Cet ancien cadre de marketing s’est en effet reconverti il y a 18 mois seulement dans l’électricité. Plus particulièrement dans la climatisation, et la pose de bornes pour véhicules à batteries. Lancée en SAS, sa société « Le Fil à plomb » a réalisé 25.000 euros de chiffre d’affaires en 2019. Cependant, depuis l’explosion de la pandémie du Covid-19, son activité est en suspend : il ne peut plus travailler au domicile de ses clients confinés. « Dans un premier temps, le Crédit Mutuel me refusait un prêt PGE et m’avait enlevé le respirateur, en supprimant mon différé de carte bleue. Après m’être plaint de ce traitement auprès de la hiérarchie de la banque, auprès de ma fédération professionnelle, on m’a enfin accordé un financement de 8.000 euros« , se réjouit-il.

Ainsi, entre le message volontariste martelé à la tête de l’Etat et à la réalité des engagements, il y a un décalage.  » Les banques prêtent aux entreprises bien notées auprès de la Banque de France, que les sommes qu’elles seront en mesure de rembourser. C’est à dire le fond de roulement de la reprise, mais pas leurs pertes. » conclue Frédéric*, 38 ans, qui pilote un groupe de sous-traitance industrielle dans les pays de Loire. En ce qui le concerne, ce montant a été ramené à15% de son chiffre d’affaires 2019. Et encore, pour arracher cet accord de PGE, il a du réunir un « pool » de quatre banques, produire un rapport d’une vingtaine de pages incluant un document d’atterrissage du confinement, un bilan de l’année précédente, un prévisionnel de trésorerie et un point sur la situation actuelle. Une semaine plus tard, au 21 avril cependant, l’argent n’est toujours pas sur les comptes de son entreprise ! « Les banques doivent pourtant comprendre que si elles n’empêchent pas les faillites de PME, le pays ne gagnera pas la reprise« , admoneste-t-il.

* prénom modifié

SUR LE WEB:  https://www.marianne.net/economie/la-galere-des-entrepreneurs-pour-obtenir-aupres-des-banques-des-prets-garantis-par-l-etat?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR3JoM6

1 étoile2 étoiles3 étoiles4 étoiles5 étoiles 5,00 sur 5 (4 avis)
Loading...

5 réflexions sur « La galère des entrepreneurs pour obtenir auprès des banques des prêts garantis par l’Etat. Par Laurence Dequay »

  1. L’opération « assainissement » vient de commencer..les petits entrepreneurs et commerçants attention à vous.!…..
    On financera d’abord les gros….largement …la preuve avec la Fnac.Darty (500 millions d’euros de prêt et… vite fait bien fait) ..d’autres vont suivre…..les meilleurs « moyens » en profiteront mais à un degré moindre… les miettes seront pour les plus petits…..et les faibles seront rayés de la carte..purement et simplement par manque d’oxygène financier….
    Une guerre fait hélas!toujours des victimes nous dira le Président.
    Comme c’est une opération dirigée par le général Lemaire ce n’est pas du tout rassurant.pour les troupes!
    Quand aux assurances elles sont pour certaines « très frileuses » ..et se défilent sans scrupules..
    Un exemple avec AXA,le Bouygues de l’assurance,qui refuse d’indemniser pour cause de pandémie …et non d’épidémie.stipulée dans les contrats.
    Une différence « capitale » qui avait totalement échappé aux souscripteurs !
    De quoi en pousser un certain nombre à la révolte!

  2. Rien de neuf !
    Déjà avec Sarkozy en 2008/2009 la pantalonnade des médiateurs de crédit avait amusé la galerie des journaleux qui n’ont jamais rien géré …
    Notre PME ( familiale) avait essuyé la tempête et perdu…5 mois ( une éternité dans notre secteur professionnel) avec ce joujou
    Seule notre détermination et , ma colère, au siège du patron régional de la banque ( 2 pigistes « invités » étaient en embuscade pour un reportage chaud bouillant et en direct ) avaient eu raison de la bureaucratie bancaire et administrative
    Pour un prêt de 100.000 € représentant moins de 1/6 de notre CA que notre affaire a remboursé en 36 mois
    Le pays est foutu…il faudra que la faim fasse sortir les loups des bois

  3. Je n’arrive plus à lire ces articles (et commentaires) qui sont si mal orthographiés. Ça me déprime encore davantage que ce (et ceux) qu’ils essayent laborieusement de dénoncer! Dommage pour la tenue de votre site…

  4. Lol, cela, j’aurais pu l’écrire il y a20 ans; le discours public est pour la masse des croyant, qui sont persuadé que « l’état », fait tout ce qu’il faut pour sauvegarder l’outil industriel et commercial, qu’il est proche de ces petits entrepreneurs, qu’il est généreux avec de l’argent qu’il ne possède même pas; mais comme il y a80% de croyant, que dire que faire? Il a commencé à confisquer le revenus des actionnaires individuels, pas à 10%, pas à 50%, mais à 100%, par solidarité, dans le même temps, fort de sa générosité coutumière, s’engage sur des primes, (qui n’en doutons pas, seront pérennes) aux fonctionnaires. On parle de 400000 concerné, je vous le dis, c’est 7 millions qui seront concerné. Rendez-vous compte, la générosité de l’état fonctionnaire, ils prennent en charge le salaire (partiel, toujours bien sur) de 10 millions de salariés, (et probablement de 100% de ceux de la fonction public). Dont le seul responsable sera ce « salaud » de petit épargnant qui veux son dividende. Ah, que dirait les GJ, si demain on leurs confisqué leurs intérêts sur les livrets administré? Qu’en parleraient nos journaleux…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *