C’est en France que l’on a entendu les critiques les plus véhémentes contre l’accord Etats Unis/Union Européenne à propos des droits de douane.
Est-ce justifié et n’y aurait-il pas une « autre vérité » à propos d’un « accord » perdant-perdant puisque si les européens seront pénalisés par les droits de douane sur leurs exportations, le consommateur américain le sera tout autant du fait de l’augmentation des prix de détail ?
La presse adore s’emparer de sujets dont elle ne maitrise pas toutes les données afin de lui permettre de proférer des certitudes qui auront une influence sur les lecteurs et partant sur la population …
La presse est un vecteur d’influence … et un excellent exemple en est donné avec cet article paru dans l’automobile magazine.
L’article constate l’existence d’une forte disparité entre les États membres face aux États-Unis : en 2024, l’Allemagne a exporté pour 137,9 Mds€ de marchandises vers les USA, l’Italie 54,8 Mds€ et seulement 14 Mds€ pour la France.
Premier constat, si l’article énonce les données du problème, on s’aperçoit très vite qu’il en mesure mal les conséquences et qu’il n’évoque absolument pas les causes de la situation française.
En outre, les données concernant la France sont fausses si l’on s’en réfère à celles fournies par la Direction du Trésor : en 2024, les importations se sont élevées à 52 Mds€ et les exportations vers les Etats Unis à 48 Mds€. Par contre, nous sommes excédentaires pour les services à 43 Mds€ contre 27 Mds€. Car : -4 Mds€+16Mds€ = 12 Mds€ d’excédents !
Nos échanges avec les Etats Unis sont donc à peu près équilibrés même s’ils sont finalement … très faibles !
Par contre, il faut souligner que nous sommes très largement déficitaires dans nos échanges avec l’ensemble du monde puisque notre commerce extérieur enregistre un déficit de 81Mds€ en 2024 alors que l’Europe a dégagé pendant le même temps un excédent de ses échanges avec le reste du monde de 177 Mds€ pour les marchandises et un excédent de 162 Mds€ pour les services.
Il faudrait aussi se demander pourquoi l’Italie, qui faisait toujours figure de parent pauvre de l’Union Européenne, exporte désormais 4 fois plus que la France ?
L’article ne répond pas à ces questions et se borne à constater que la France exporte surtout des produits agroalimentaires et du luxe et que les constructeurs français exportent peu de véhicules vers les États-Unis (moins de 10 000 voitures/an).
Il constate donc que la France sera peu pénalisée puisqu’elle exporte peu vers les Etats Unis et que le deal concernait en fait surtout l’industrie allemande ; ce qui permet néanmoins à son rédacteur d’affirmer que c’est la France qui va payer l’addition !?!
L’auteur aurait-il formulé sa conclusion avant d’avoir vérifié ses données et rédigé son article ?
Le message sous-entendu est en fait toujours le même : « la France paie pour les excédents allemands, l’Allemagne exporte trop à notre détriment ; donc c’est … la faute des allemands ! ».
Or, l’examen des données permet de constater que l’Allemagne qui exporte 10 fois plus que la France va forcément payer 10 fois plus de droits de douane !
Il est donc évident que cette « analyse » simpliste, basée sur des données en partie fausses, et sa conclusion, ne correspondent pas à la réalité et que, derrière les problèmes français se profile autre chose …
Il faudrait donc se poser les bonnes questions et pour cela, remonter dans le temps … à la fin des années 70 !
Dès cette époque, les dirigeants savaient que l’heure était à l’ouverture des marchés, notamment au sein de l’Union Européenne (qui ne s’appelait alors que la CEE ou encore le marché commun) et qu’en outre un processus de libéralisation et d’ouverture des marchés était en cours ; ce que l’on appelle aujourd’hui mondialisation.
Ce processus était d’autant plus inéluctable qu’il n’était pas sous le contrôle des autorités françaises …
Dès lors, la question qui se posait n’était pas : faut-il accepter la mondialisation mais que faire pour s’y adapter ?
Ce que nous n’avons pas fait !
La France est un pays extrêmement conservateur et rigide, corseté par son administration, et des syndicats (souvent de salariés du secteur public) arc boutés sur les droits acquis là ou des pays comme l’Allemagne (qui a absorbé le boulet de l’Allemagne de l’Est et a engagé les réformes Schröder) ou encore le Royaume Uni (avec sa révolution libérale après 1979 alors qu’il était tombé sous la tutelle du FMI) ont pu s’adapter plusieurs fois !
Dès lors, le credo des dirigeants de l’époque, qui n’a d’ailleurs pratiquement pas changé depuis, était qu’il fallait absolument sauver le modèle social français que le monde entier nous enviait (mais que curieusement personne n’a pas copié) ; ce qui nous a amené à un chômage endémique forcément couteux à financer par ceux qui travaillent !
Car, très vite, dans ce cadre concurrentiel, est apparu le phénomène incontrôlable et mortifère de la disparition massive des entreprises, et notamment des entreprises industrielles, et, en retour, celui du développement du chômage de masse.
Pour la haute fonction publique qui, il y a 30 ans, tenait déjà le pays et qui ne comprenait déjà rien aux mécanismes économiques, l’industrie c’était « has been » et en plus cela représentait un pouvoir de nature à lui faire de l’ombre (les 200 familles) ; et elle a été confortée dans ses certitudes par les propos de quelques chefs d’entreprises dont Serge Tchuruk, alors PDG d’Alcatel, Marseillais d’origine arménienne et polytechnicien, qui ont influencé la politique économique de la France avec des affirmations … erronées en énonçant la règle à suivre : des entreprises sans usines !
Du coup, les fermetures d’entreprises industrielles ne constituaient qu’un dégât collatéral car, pour le reste, on utiliserait à distance la main d’œuvre très bon marché des pays en voie de développement, Chinoise notamment, avec l’avantage d’une réduction prodigieuse des couts de production.
L’industrie devenait superflue et finalement on n’en n’avait pas besoin …
Le résultat est à la hauteur du mépris des élites : des pans entiers de l’économie française se sont écroulés et ont disparu. Depuis 1974, 2.8 millions d’emplois industriels ont disparu et rien qu’entre 2000 et 2008, la France a encore perdu 500.000 emplois industriels et on sait que le phénomène connait une nouvelle phase d’accélération alors que l’industrie ce sont des emplois, des richesses produites, des exportations et donc des sources de devises !!!!
Fatalement, la question de l’avenir pour la population d’un pays qui ne créé plus d’emplois est devenue incontournable …
Faute d’emplois, on a donc taxé ceux qui travaillaient et produisaient pour distribuer de l’argent gratuit à ceux qui ne travaillaient pas ou plus. Devant la dégradation constante de la situation, le pays s’est lancé dans le traitement fiscal du chômage improprement appelé traitement social du chômage. Face à l’hémorragie, il fallait trouver une solution de substitution : les impôts, la dette, le recrutement de fonctionnaires mais aussi un usage immodéré de très couteuses mises en préretraites.
Ce faisant, on n’a fait que camoufler une réalité qui ne faisait que s’aggraver ; ce qui avait fait dire à F Mitterrand : « contre le chômage on a tout essayé » oui effectivement, on a tout essayé sauf… ce qui marche !
Faute d’adaptation, le pays s’est inéluctablement enferré dans un système à la fiscalité lourde avec de fortes charges sociales et des contrôles administratifs (droit social) tatillons en partant du principe que plus on empêcherait les licenciements plus on limiterait le chômage … jusqu’à la fermeture définitive des entreprises qui finissent inéluctablement par tomber en faillite !
Un triptyque mortel à terme !
C’est d’ailleurs ce même raisonnement qui a permis la mise en place du numérus clausus pour les médecins afin de limiter leur nombre en partant du principe que moins il y aurait de médecins moins il y aurait de malades !
Les déserts médicaux créés par l’administration sont aujourd’hui là pour en témoigner !
L’alourdissement des contraintes, de la fiscalité et des charges a eu fatalement pour effet de pénaliser les entreprises qui n’ont pas pu investir et s’adapter pendant que le niveau d’endettement s’envolait et que le niveau de vie progressait très lentement ce qui, de facto aboutissait à un appauvrissement relatif par rapport aux autres pays de même niveau qui ne subissaient pas les mêmes contraintes !
La Suisse avait le même niveau de vie que la France en 1990 ; aujourd’hui c’est plus de 2 fois plus !
En outre, avant l’€ la France pouvait jouer sur la valeur de sa monnaie en pratiquant des dévaluations compétitives qui permettaient d’abaisser, au moins temporairement, les couts de production. Avec l’€ cette option s’est fermée sans que les gouvernants changent quoique ce soit à leur mode de pensée et d’action !
En fait, la France est confrontée depuis 40 ans à une crise structurelle qui s’ajoute aux crises conjoncturelles avec un effet amplificateur désastreux … qui explique le manque de compétitivité de l’économie française.
Nos dirigeants ont fini par créer un Etat dont l’économie est basée sur la consommation des ménages financée par les impôts et l’emprunt avec le défaut que la consommation ne produit aucune richesse mais bien au contraire génère des déficits puisqu’il faut bien acheter à l’étranger les biens qu’on ne produit plus !
On a donc emprunté pour distribuer de l’argent gratuit et masquer le manque de croissance, la paupérisation croissante d’une fraction de plus en plus grande de la population ; et, 3.400 Mds€ de dettes plus tard, la haute fonction publique se retrouve incapable de boucler un budget d’un pays devenu le champion du monde des prélèvements dont la population, pour une bonne part, ne peut plus suivre !
Alors oui, fatalement, nous sommes bien en opposition avec le modèle économique allemand basé sur l’exportation puisque nous n’exportons plus !
Mais est-ce la faute des allemands si les dirigeants français, issus de la haute fonction publique, n’ont fait que des erreurs et nous ont amenés là nous en sommes ?
Bien sûr, le pouvoir et E Macron notamment ont fini par se rendre compte du désastre et ont formulé des slogans selon lesquels il fallait réindustrialiser la France …
Seulement, rien ne se passe comme annoncé et la réindustrialisation prend des airs de … désindustrialisation parce que la réindustrialisation ne se décrète pas ; il faut des conditions économiques et sociales favorables … qui ne sont pas là et ne sont pas prêt d’être là eu égard à la frénésie règlementaire dont est atteinte l’administration française !
On en a un exemple flagrant avec le secteur de l’auto qui est littéralement en train de sombrer avec le cortège des (nombreux) licenciements qui vont suivre et … les droits de douane américains ne seront finalement qu’un clou de plus dans le cercueil !
Car, entre les interdictions de circulation, le malus fiscal qui atteint des sommets délirants, l’auto bashing généralisé, les amendes partout et pour tout, les normes en tous genres, les prix extravagants, l’inflation, la voiture électrique dont les français se sont rendu compte qu’elle ne pouvait pas remplacer la voiture thermique … ce à quoi il faut ajouter les mesures anti auto édictées par l’Union Européenne, vous avez là l’annonce d’une catastrophe à venir.
Conclusion qui s’impose : les Etats Unis innovent et produisent, la Chine copie (de moins en moins) et produit, l’Allemagne produit pendant que la France règlemente, interdit et … taxe !
Et vous pensez que cela va bien se passer ?
Bien cordialement à tous !
17 vues