L’arme par destination qualifie un objet ordinaire dont la fonction est pacifique, mais que l’utilisateur transforme en arme par l’usage qu’il en fait.
L’exemple le plus connu est l’automobile. Cet objet, pacifique s’il en est, devient entre les mains des conducteurs, d’abord un espace de conflit, puis au fil de l’engrenage de ces conflits une véritable arme que ces conducteurs projettent, volontairement ou non, contre l’opposant pour le détruire.
Tous prétendent qu’il n’en est rien en ce qui les concerne, mais ils mentent ou se mentent. Car, si pour la plus grande partie ils ne passent pas à l’acte fatal, aucun n’est vierge de menaces ou de conflits avec cette arme par destination qu’est l’automobile.
Un constat s’impose, l’homme le plus doux, le plus tolérant, le plus pacifique, devient un guerrier dès qu’il s’assoit au volant de son automobile. La route, même avec une lourde répression, une impressionnante présence des forces de l’ordre, reste un champ de bataille, une jungle, un théâtre de conflit.
Il y a, entre autres, trois motifs à cela:
– La voiture est une puissance ajoutée à l’homme nu.
– A l’intérieur de cet espace, le conducteur avait une totale impunité. Il peut encore avoir cette impression, même si ce n’est objectivement plus le cas.
– La conduite ne requiert qu’une petite partie de l’énergie de l’automobiliste, il dispose d’un trop plein inutilisé apte à engager et alimenter un conflit.
La situation est exactement la même pour le bureaucrate:
– Le bureaucrate dispose de la puissance ajoutée par l’organisation à laquelle il appartient.
– Cette appartenance lui apporte l’impunité, puisqu’il n’apparait pas en tant qu’individu mais comme simple rouage de l’organisation qui l’emploie.
– Son poste lui laisse pratiquement intacte son énergie combative personnelle, les coups auxquels il est exposé visant l’organisation qui l’emploie et non lui-même.
Ainsi, tout comme l’automobiliste, l’homme le plus normal du monde devient très facilement dangereux pour les autres dès qu’on lui confie un poste de bureaucrate, qui devient entre ses mains une arme par destination.
Cette situation est connue et le crime de bureau existe. Il est parfaitement défini et consacre l’agression contre les autres à l’aide de la bureaucratie.
Cependant, ce crime n’est ni sanctionné, ni même recherché.
Cela tient au fait que le crime de bureau n’a été compris et découvert que récemment. C’est à l’occasion du procès de Nuremberg qu’il été analysé. Paradoxalement, les circonstances qui ont amené à sa compréhension, l’assassinat massif des juifs, étaient d’un tel niveau d’horreur que le crime de bureau parait ne devoir être qualifié que dans des circonstances similaires. Ainsi, tout dommage moindre ne justifierait pas cette qualification. Ceci est totalement faux et absurde.
Pour s’en convaincre, il suffit d’observer les résultats de la société la plus bureaucratique que les hommes se soient donnés, l’ancienne URSS. Ici, pas de chambre à gaz, peu d’exécutions sommaires. Mais, une bureaucratie sans contrôle, dont le seul objectif est sa propre puissance. Ses victimes moururent par millions, mais à petit feu, discrètement, pas systématiquement d’assassinats directs.
Le crime ici s’est surtout traduit par les privations :
– suppression du droit de circuler, de penser
– dépendance et suppression possible pour chacun de son logement, de ses revenus, le tout à la discrétion de la bureaucratie.
– déportations.
La mort suivra, mais provoquée par l’usure, la désespérance.
Il faut remarquer deux choses:
– Pendant toute cette période, la bureaucratie de l’URSS n’aura jamais l’idée de se remettre en question, bien au contraire.
– L’arrêt de ces crimes de bureaux, qui se sont étendus aux pays satellites tels que l’Allemagne de l’Est et autres, est exclusivement dû à la faillite qu’ils ont entrainée, et non à une prise de conscience politique.
Les souffrances et les morts sont tout simplement passés par pertes et profits. Ce qui signifie qu’aucune leçon n’a été tirée de ces crimes de bureaux, que de ce fait chez nous et ailleurs ces crimes restent toujours non recherchés et évidemment impunis.
Objectivement, nos bureaucrates transforment journellement leur activité en arme par destination, dont nous sommes tous victimes. Tous les exemples existants, ou ayant existé, laissent supposer qu’il n’y a pas de marche arrière possible, qu’ils iront jusqu’au crime, doux ou violent, visible ou invisible.
Seule la faillite les arrêtera, par manque de carburant économique.
Devons-nous la souhaiter le plus tôt possible ?
Bien cordialement. H. Dumas