Ecrit en 1958, ce livre n’a pas une ride intellectuelle quand il évoque le néant individuel de l’enfermement de l’être, de la dépossession de l’avoir, par et à cause de la société. Seules les conditions de cet enfermement se sont déplacées.
Avant d’aller plus avant, une digression.
J’ai connu José Giovanni en 1986. A cette époque j’avais créé et j’animais une manifestation qui s’appelait « Les Journées internationales Georges Brassens ». Nous recevions à Sète des artistes reconnus qui décernaient quatre prix Georges Brassens, un pour la chanson évidemment, mais aussi un prix littéraire, un autre pour le cinéma et encore un autre pour le théâtre.
Chaque année, le président coopté de chaque jury composait son jury et désignait librement le gagnant de son choix parmi les artistes présentés, qu’il avait aidé à sélectionner, qui n’étaient pas encore connus du grand public mais appréciés des professionnels.
Le prix chanson était une soirée offerte à l’artiste gagnant où l’Olympia était mis gracieusement à sa disposition pour réaliser le spectacle qu’il souhaitait. Le prix théâtre faisait de même à l’Espace Cardin. Le prix littéraire se voyait offert une tournée des plages du 1 au 15 Août, avec signature dans les librairies, repas de presse et réception par les Lions Club. Le prix cinéma offrait 500 places au public pour le film primé à travers les radios libres alors naissantes.
Les plus grands artistes participèrent pendant dix ans à cette manifestation, de Sardou à Claude Nougaro, de Paul Guimard à Hervé Bazin, de Claude Lelouch à Patrice Leconte, de François Périer à Gérard Depardieu. Tous sont venus sauf ceux qui demandaient de l’argent pour leur seule présence. Ceux-là sont restes chez eux, je tairai leurs noms.
Tout cela pour vous dire que vint à cette manifestation José Giovanni, que nous avons sympathisé. J’ai le souvenir d’un homme ouvert, sans illusion mais tolérant, enthousiaste dès que convaincu, inaccessible à l’impossible. Nous nous sommes vus deux ans. J’ai eu le plaisir de déjeuner chez lui, au dessus de Martigny en Suisse, dans son magnifique chalet, et d’être accepté dans son bureau qui était une somptueuse cabane nichée dans un arbre, comme en rêvent les enfants, mais ici réelle.
J’arrive au terme de ma digression. A cette époque Google n’existait pas. N’étant pas un professionnel, je travaillais sans fiche et je ne connaissais pas la vie de ceux que je recevais. Ainsi, au moment où j’ai rencontré José Giovanni, j’ignorais qu’il avait commencé sa vie par une incarcération de 11 ans à la Santé, enfermé pour des motifs, parait-il graves, que je ne connais toujours pas avec précision et qui ne m’intéressent pas.
Ce que je veux faire remarquer c’est qu’aujourd’hui il n’est plus de rencontre libre, chacun sait tout de l’autre avant même la première parole, toutes les vies sont sur Google. Giovanni, dans ces conditions, aurait-il pu avoir une deuxième chance et apporter ce qu’il nous a apporté. Je n’en suis pas sûr, je suis même pratiquement sûr du contraire.
Cette société d’exhibition intime imposée, de marquage public indélébile, ne me plait pas.
Revenons au livre
De la page 115 à la page 131, la description de la machine à broyer les hommes est étouffante. Tout au long du livre les conditions carcérales sont du même tonneau que celles décrites par Henri Girard dit Georges Arnaud — auteur connu par « le Salaire de la Peur » –.
Mais le point le plus fort du livre de Giovanni est la description du résultat de la pression sur les hommes par la privation de liberté, la négation de leur droit d’avoir en tant que possédant libre.
La description psychologique de cinq individus différents, dont le seul but est de revoir la liberté, le droit de posséder, est remarquable quelles que soient les raisons pour lesquelles ils en ont été privés, .
Si remarquable que ces conditions de détention et de privation de liberté ont été depuis lors largement revues par la chaine pénale.
Mais pas par le fisc
« Le Trou » n’est plus crédible dans sa matérialité carcérale correctionnelle, mais il est complètement d’actualité dans les rapports qu’il décrit entre l’individu et la société lorsque cette dernière décide de le détruire, de le soumettre, par l’exclusion, l’humiliation.
Chaque page de ce livre vous transporte, sous d’autres formes évidemment, entre les murs dressés par le fisc pour nous oppresser.
Tout y est, la description de la machine et de ses officiants, le carnage sur les victimes, coupables ou non coupables.
L’angoisse de la prison fiscale, telle que la connaissent ceux qui lisent ce blog, est totalement équivalente à ce qu’a vécu, puis rapporté romancé, José Giovanni.
Je regrette qu’il soit décédé. J’aurais aimé en parler avec lui.
Tout particulièrement de ce désir irrépressible de fuite qui aujourd’hui s’empare des victimes fiscales, demain sans doute de tout le peuple de France, tant la vie carcérale que nous impose le fisc est inhumaine.
La fuite, l’évasion, sont devenues une obsession pour bon nombre de français. Parmi eux beaucoup sont retenus de force, par la ruine artificielle dans laquelle les place le fisc.
C’est la prison fiscale, avec signalement mondial : c’est « Le Trou ».
Bien à vous. H. Dumas
Lisez le rapport cap22 page 87 : proposition n°16: interdiction des paiements en espèces, « pour lutter contre le grand banditisme et la fraude fiscale » et accessoirement la liberté individuelle, bienvenue en Corée du nord.
Auteurs principaux : Véronique Bédague-Hamilius, Ross McInnes et Frédéric Mion. On est très loin d’être débarrassé des socialo-marxistes.
Liens : un article du Point:
http://www.lepoint.fr/politique/cap-22-decouvrez-le-rapport-choc-sur-la-reforme-de-l-etat-20-07-2018-2237868_20.php
Un lien de téléchargement du rapport en pdf : http://www.lagazettedescommunes.com/wp-content/uploads/2018/07/rapport-cap22-1.pdf
Bien vu et bien dit.