Hannah Arendt : « Du mensonge en politique ».

Début 1971, le New York Times publie, sans autorisation, un rapport interne du Pentagone de 7.000 pages sur la guerre du Vietnam alors en cours.

En étudiant ce rapport Hannah Arendt croit comprendre les ressorts du mensonge politique moderne : « C’est cette fragilité qui fait que, jusqu’à un certain point, il est si facile et si tentant de tromper. La tromperie n’entre jamais en conflit avec la raison, car les choses auraient pu se passer effectivement de la façon dont le menteur le prétend. Le mensonge est souvent plus plausible, plus tentant pour la raison que la réalité, car le mensonge possède le grand avantage de savoir d’avance ce que le public souhaite entendre ou s’attend à entendre. Sa version a été préparée à l’intention du public, en s’attachant tout particulièrement à la crédibilité, tandis que la réalité a cette habitude déconcertante de nous mettre en présence de l’inattendu, auquel nous n’étions nullement préparés. »

Puis elle acquiert la conviction que le Pentagone avait en mains des rapports parfaitement clairs sur la réalité de la situation, des rapports intègres, faits par des gens de qualité sur le terrain, que cependant les décisions prises par la Présidence Américaine l’ont été en totale contradiction avec ce que ces rapports auraient dû inciter à faire. : « ..dans cette désastreuse entreprise, presque toutes les décisions ont été prises en pleine connaissance du fait qu’elles ne pourraient probablement pas être appliquées… »

Elle en conclut que cette guerre ne correspond à aucune logique de terrain, que ce n’est qu’une question d’image : « Faire de la présentation d’une certaine image la base de toute une politique – chercher, non pas la conquête du monde, mais à l’emporter dans une bataille dont l’enjeu est « l’esprit des gens »- «   Nous sommes ici à l’endroit où la démocratie montre ses limites.

Puis elle remarque ceci : « Ce qui surprend, c’est l’ardeur avec laquelle des douzaines d' »intellectuels » apportèrent leur soutient enthousiaste à cette entreprise axée sur l’imaginaire, peut-être parce qu’ils étaient fascinés par l’ampleur des exercices intellectuels qu’elle paraissait exiger. »

Cette guerre du Vietnam, qui n’a rien apporté à personne, qui n’a pas eu d’influence sur l’équilibre du monde, ce que ne pouvaient ignorer les Présidents Américains qui se sont succédés, a fait : trois millions de morts !!!

Il y a une vraie similitude politique entre ces errements et notre guerre économique actuelle.

Il est certain que beaucoup d’économistes, y compris dans les cercles proches du pouvoir, savent parfaitement que notre situation économique ne peut pas perdurer. Ils savent qu’aucun miracle n’est à attendre, et pourtant ils continuent à mentir effrontément à leur population, à l’aide d’artifices intellectuels probablement fascinants pour eux.

Le fait que, contrairement aux années 1970, aujourd’hui « Internet » rende ces mensonges éphémères ne change rien.

Cette fragilité liée au temps s’applique à leurs mensonges, mais elle s’applique aussi à la vérité, donc match nul.

Car, si « Internet » permet de découvrir rapidement la vérité, de la faire circuler, il est incapable de structurer la société. La vérité n’est pas capable seule d’organiser la société, quand bien même le mensonge serait capable lui, seul, de la détruire.

C’est pourquoi les tenants d’une organisation forte et rigide se moquent d' »Internet », de la vérité, ils savent que c’est la force et la hiérarchie qui musclent le squelette social, qu’elles s’imposent au droit.

Il n’y a donc aucune autre sortie que celle qui consiste à réfléchir à une évolution de la démocratie permettant d’éradiquer le mensonge qui l’empoisonne.

Ceux qui prônent la démocratie directe, c’est-à-dire l’usage du référendum à l’initiative des élus ou des électeurs, ont probablement raison.

Mais, de mon point de vue, ils se trompent sur la méthodologie.

Ils veulent en faire un débat national, c’est irréaliste.

Il faut commencer par ce qui est accessible, par la dimension locale. Bien des maires, bien des électeurs de villes, voire de villages, ont aujourd’hui des problématiques qu’ils aimeraient faire trancher par un référendum.

C’est cela qu’il faut autoriser le plus tôt possible, la dimension nationale de ce type de démocratie suivra inévitablement, lorsque chacun aura compris sa force et son réalisme.

Bien cordialement. H. Dumas

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A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

Une réflexion sur « Hannah Arendt : « Du mensonge en politique ». »

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