En s’exilant au Portugal, le chanteur met en lumière la dérive idéologique de nos prélèvements obligatoires devenus un outil de redistribution.
Les propos du chanteur Florent Pagny évoquant son projet de s’installer au Portugalpour y payer moins d’impôts ont beaucoup choqué les belles âmes, résolument citoyennes mais fiscalement pudibondes. À celles-ci on recommande la lecture du rapport Statistiques des recettes publiques 2016 de l’OCDE, qui place la France au rang de vice-championne du monde des prélèvements obligatoires, avec 45,5 % du PIB, talonnant de près le Danemark (46,6 %), mais distançant très largement les autres grands pays industrialisés (36,9 % du PIB en Allemagne, 32,5 % au Royaume-Uni, 32 % au Japon, 26,4 % aux États-Unis).
Après son tube « Ma liberté de penser », qui témoignait déjà chez le membre du jury de The Voice d’indéniables aptitudes pour la réflexion métaphysique, l’annonce de son prochain exil fiscal vient opportunément nourrir le débat « philosophique », très vif, autour de la finalité et de la légitimité de l’impôt. Le philosophe allemand Peter Sloterdijk avait déjà, il y a quelques années, dans son ouvrage Repenser l’impôt. Pour une éthique du don démocratique fait scandale en invitant les citoyens à « se réveiller du sommeil du dogmatisme fiscal » et en dénonçant avec virulence un fisc devenu « le véritable souverain de la société moderne », qui « pense avoir un droit à puiser immédiatement une part notable de leurs gains chez tous ceux qui ont gagné de l’argent ».
Avec son essai Philosophie de l’impôt (PUF), c’est au tour de Philippe Nemo, professeur à l’ESCP Europe et directeur du Centre de recherche en philosophie économique, de donner une hauteur conceptuelle bienvenue au ras le bol fiscal qui se manifeste de façon très concrète depuis quelques années en France. Tout en décrivant pourquoi la vision qu’on se fait de la fiscalité dépend de celle qu’on se fait de l’État, de la société et de la nature humaine en général, il passe en revue les raisons idéologiques expliquant l’irrésistible ascension de l’imposition depuis un siècle. On rappelle brièvement les chiffres. Les prélèvements obligatoires représentaient dans notre pays 9 % du PIB en 1896, 16 % au début des années 1920, 20 % avant la Seconde Guerre mondiale, 33,6 % en 1965, 45,5 % aujourd’hui. Il convient de noter que ce mouvement de hausse, s’il a frappé la France avec une force singulière, a été quasi général. En cinquante ans, le niveau de recettes fiscales dans les pays de l’OCDE est passé de 23,5 % à 34,3 % du PIB, seuls quelques pays échappant à cette fièvre fiscale, parmi lesquels le Royaume-Uni (29,3 % du PIB en 1965, 32,5 % en 2015) et les États-Unis (23,5 % en 1965, 26,4 % en 2015).
« Vol progressif »
Pour M. Nemo, l’augmentation « quantitative » spectaculaire des impôts résulte d’une « mutation qualitative » de leur conception même. À l’origine, l’impôt obéissait à une logique d’échange : il était la contribution financière que le citoyen apporte à l’État pour que celui-ci soit en mesure d’assurer l’ordre public et de fournir à la population les biens et les services collectifs. C’est la définition qu’en donnait Montesquieu : « Les revenus de l’État sont une portion que chaque citoyen donne de ses biens pour conserver l’autre. » Mais, peu à peu, et de plus en plus intensément, s’est imposée, selon M. Nemo, une logique « socialiste » de l’impôt, considéré avant tout comme un outil de redistribution, logique reposant elle-même sur l’idée que l’enrichissement d’un individu est anormal, illégitime et même scandaleux. « Dès lors, l’impôt n’est plus le paiement d’un service rendu, il est la sanction que vaut à quelqu’un le fait de posséder plus de revenus ou de patrimoine que d’autres. On lui prendra ce supplément sans que ce soit en échange d’un service, mais simplement dans le but de l’appauvrir. Ce sera un impôt sans contrepartie, ce qu’on appelle en bon français un vol. »
C’est cette conception redistributive de la fiscalité, contre laquelle tempête M. Nemo, qui a justifié l’instauration puis la généralisation de l’impôt progressif, dont le philosophe britannique libéral John Stuart Mill disait que c’était un « vol progressif ». Lui aussi philosophe et lui aussi libéral, Raymond Aron estimait pourtant que « les sociétés occidentales ayant souscrit, au moins partiellement, à un idéal égalitaire, la progressivité de l’impôt en résulte », même s’il émettait de sérieux doutes sur son efficacité dans la lutte contre les inégalités et en dénonçait les dérives confiscatoires. Il est permis d’avancer un autre argument, non « socialisant », en faveur de l’impôt progressif : le maintien de l’ordre public auquel, selon la vision libérale, doit être essentiellement destiné l’impôt n’est-il pas menacé par une montée trop forte des inégalités ? Autrement dit, la progressivité de l’impôt n’est-elle pas pour les riches le meilleur moyen de protéger leur fortune, quitte à la voir amputée, contre une éventuelle révolte des pauvres ?
Le budget pour 2018 que vient de présenter le gouvernement, avec la quasi-suppression de l’ISF et l’instauration d’une « flat tax » de 30 % sur les revenus mobiliers, marque une inflexion, sinon une rupture dans la « philosophie » fiscale à l’œuvre en France depuis plusieurs décennies. L’ancien ministre de l’Économie et des Finances Michel Sapin n’a pas tort de dire que « c’est le grand principe de la progressivité de l’impôt sur le revenu qui est abattu pour les plus grandes fortunes ». Il est toutefois peu probable que ce virage amorcé de la progressivité vers la proportionnalité suffise à apaiser la terrible colère fiscale de M. Nemo. Il est également peu probable qu’il dissuade Florent Pagny de s’installer au Portugal, bienheureux pays qui, outre la joie d’offrir l’hospitalité, avant l’hôpital, à des cohortes de retraités français, va accueillir sur son sol un rebelle fiscal VIP et un poète-philosophe de haut vol auteur du tube Souviens-toi, qui commence par ces paroles inoubliables : « Tu ouvres déjà grand tes ailes dans le lointain/ Et moi j’ai comme un goût de sel au creux des mains. »
Florent Pagny s’en va, c’est normal, cela fait depuis qu’il sait comment ça marche….
» une logique « socialiste » de l’impôt, considéré avant tout comme un outil de redistribution, logique reposant elle-même sur l’idée que l’enrichissement d’un individu est anormal, illégitime et même scandaleux. « Dès lors, l’impôt n’est plus le paiement d’un service rendu, il est la sanction que vaut à quelqu’un le fait de posséder plus de revenus ou de patrimoine que d’autres. On lui prendra ce supplément sans que ce soit en échange d’un service, mais simplement dans le but de l’appauvrir. » sans oublier au passage un prélèvement plus que confortable et même usuraire pour abonder les revenus des hordes de fonctionnaires parfaitement inutiles
autre formulation :
En s’exilant au Portugal, le chanteur met en lumière la dérive idéologique de nos prélèvements obligatoires devenus un outil de redistribution AVEC PONX ET ZÉLUS SE SUCRANT GRASSEMENT AU PASSAGE.