Briser les chaines ne suffit pas

Nous sommes tous stupéfaits par le spectacle donné par l’Assemblée nationale, de ceux que la presse dans son ensemble appelle le « personnel politique ». Que nous nommons ici « les hommes de l’État ».

Les explications ne manquent pas à l’extérieur ou à l’intérieur du Palais-Bourbon. Toutes s’alignent sur une ou plusieurs des thèses portées par les différentes obédiences constituant l’Assemblée nationale. Comme si ce désordre avait pour origine l’une ou l’autre de ces thèses ou croyances, leurs oppositions ou leurs complémentarités.

Alors que le problème — pourtant d’une grande simplicité — est escamoté. Et pourtant, il y a probablement deux cent mille ans qu’il est lié à l’homme.

Il s’appelle : l’esclavage.

L’esclavage commence par la perte partielle ou totale de l’usage exclusif de son corps ou de ses biens. Il ne doit pas être confondu avec la croyance, qui est la perte de l’usage exclusif de sa pensée. Même si les deux vont souvent de concert.

Ces pertes d’usage peuvent dépendre de la force imposée par une organisation extérieure ou d’un dérèglement personnel intérieur.

L’esclavage suppose au moins deux intervenants : le maître et l’esclave, même s’il arrive que les deux soient regroupés en une seule personne.

Ceci accepté,

il est alors possible de poser un regard lucide sur la pagaille de l’Assemblée nationale et d’imaginer la suite.

Premier constat : L’Assemblée nationale est exclusivement composée de maîtres dont nous sommes les esclaves. Ces maîtres, membres de cette Assemblée, agissent au Palais-Bourbon pour leur bénéfice et pour celui de leurs affidés. Une sorte de démocratie à la grecque.

Ils pratiquent un esclavage moderne, à travers différentes promesses ou actions dont toutes ont pour objectif d’annihiler nos libertés fondamentales, nos conditions d’homme, de nous soumettre intégralement à leur service, à leurs croyances.

Hormis quelques farouches résistants, pas toujours conscients de leur résistance, souvent caricaturés et marginalisés par les maîtres qui les accusent d’inconséquence, la grande majorité des esclaves ne se révolte pas, tant que les maîtres paient.

La problématique, c’est que les maîtres paient avec l’argent des esclaves. C’est la splendeur de l’esclavage de notre époque.

Hélas, les maîtres ont été débordés par l’enthousiasme que leur procure leur statut — venu du hasard d’un dimanche d’élection, ce qui ne diffère pas beaucoup des hasards héréditaires des maîtres des siècles passés — ils ont fait exploser la caisse.

Deuxième constat : La pagaille à l’Assemblée découle du fait que les maîtres ne sont pas d’accord sur la façon de reconstituer la caisse pour continuer à corrompre et à maîtriser leurs esclaves.

Certains craignent que les esclaves se révoltent : il y a des exemples dans l’histoire de l’humanité.

D’autres pensent qu’au contraire, plus l’esclave est contraint, plus il se terre et s’écrase.

L’affrontement de ces deux positions est vital pour les maîtres : s’ils se trompent, ils risquent gros. Le courage n’étant pas leur vertu première, la pétoche en fait des singes hurleurs.

Nous en sommes là. Que dire de plus ?

Peut-être essayer de transmettre l’idée que le statut d’esclave, même sans réel danger physique, gâche notre passage sur terre.

Que la seule antidote à ce statut est la propriété : la propriété d’abord de notre corps, qui comprend notre libre pensée, puis de nos biens, qui nous protègent modérément des agressions matérielles de la vie, et évidemment de celles des maîtres que cette propriété arrête à sa porte.

Apporter à cela un bémol, titre de ce billet : briser les chaînes ne suffit pas.

La liberté n’est pas donnée par l’abolition des chaînes ; elle exige une réappropriation intérieure, personnelle, responsable — autrement dit, la propriété de soi.

Ce ne sont pas les femmes, qui au prix fort ont pu se libérer récemment de leur esclavagisme sociétal, qui me contrediront sur la difficulté de l’après pour l’ancien esclave.

La Révolution française, qui a fait sauter le poids de l’esclavage par ses maîtres, a tué d’abord puis retrouvé vaguement ses fondements intellectuels un siècle plus tard, pour les reperdre aujourd’hui.

Regardons avec joie, et non avec angoisse ou terreur, nos maîtres actuels se crêper le chignon à l’Assemblée nationale — jusqu’à ce que mort s’ensuive, il faut l’espérer —, ne prenons pas parti pour leurs problèmes de manque de fonds de corruption, et essayons de ne pas être totalement assourdis par l’explosion monumentale et prévisible de leur esclavagisme.

Vive la liberté et les responsabilités qu’elle va nous procurer.

Bien à vous.

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A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

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