Bon, on rigole, on s’amuse avec Fillon, Jouyet et la contre-performance rigolote de Hollande à la télé jeudi dernier, mais il ne faut pas oublier que les battants, les ouineurs, ceux qui en veulent et qui sont au gouvernement pour redresser le pays, pendant ce temps, ils turbinent à fond les ballons pour un avenir meilleur. Les réformes n’attendent pas et c’est pour cela qu’Emmanuel Macron a mis le turbo, a déclenché les boosters, a écrasé le champignon et a gobé un quatre-heures à moteur.
Et dans les multiples projets que le sémillant trentenaire nous prépare avec la fougue que sa jeunesse permet, on en trouve deux croustillants comme une baguette tout juste sortie du fournil où viennent d’être préparés à la hâte quelques jolis pains constellés du caca des multiples rongeurs qui l’habitent.
Le premier concerne les autoroutes de notre beau pays. On le sait, surtout depuis Ségolène, ces ouvrages majeurs de l’infrastructure française qui ont fait la renommée de notre pays sont, outre des artères vivifiantes amenant la sève routière aux hameaux les plus reculés, des tuyaux pratiques pour des mouvements de fonds entre les sociétés qui les exploitent et l’État. Récemment, de manière aussi fortuite que commode, avec un sens du timing politique qui frôlerait la perfection si les coïncidences n’existaient pas, un rapport de l’Autorité de la Concurrence (organisme d’une neutralité évidemment irréprochable) découvrait et nous avec que ces sociétés autoroutières engrangeaient un bénéfice frisant l’indécence, le tout avec des tarifs en hausse constante, les salauds.
Bien que parfaitement légaux, ces bénéfices furent bien vite considérés comme immoraux, puisque sur le dos des conducteurs, donc du Peuple, dont nos hommes politiques ont à cœur de le satisfaire toujours et en tout point, à commencer par lui en ménager le portefeuille.
Ce n’était donc que justice qu’Emmanuel Macron, syntonisé comme pas deux sur les attentes populaires, se fixe comme objectif de remédier à tout ça. Il s’en est donc ouvert dimanche dernier, dans l’émission Capital, et a ainsi expliqué vouloir policer un peu ces brigands modernes qui osent ainsi détrousser le conducteur simplement parce qu’il veut rouler vite – notez qu’on parle toujours de société autoroutières ici, pas de radars automatiques, restons concentrés je vous prie. Et pour policer, ce sera facile :
« Nous allons mettre beaucoup plus de pression sur les sociétés d’autoroutes. Ce ne sont pas des mots. Une autorité de régulation, un gendarme, qui agit déjà sur certains transports va étendre ses compétences. »
Ah, chouette ! Un gendarme va mettre la pression sur les sociétés d’autoroutes, ça change un peu des gendarmes qui mettent la pression sur leurs clients. Le but ? Il est clairement affiché : faire« baisser les tarifs là où ce sera possible ». Et pour la pression, on va l’exercer sur un point bien particulier :
« Concrètement, année après année, nous allons verrouiller et maintenir la pression pour baisser la rentabilité des sociétés d’autoroutes.«
Et vlan, prenez-vous ça dans les gencives, salauds de sociétés autoroutières capitalistes ! L’État et Emmanuel Macron vous ont à l’œil, et ça va massacrer de la rentabilité à la tronçonneuse, c’est lui qui vous le dit, parce que tout le monde sait que lorsque le pays est au bord du gouffre, baisser la rentabilité d’une société est le rôle de l’État.
Ne vous emballez pas.
Nous ne sommes qu’à mi-billet (et mi-mandat pour mi-molette, mais c’est sans rapport). Il faut aussi évoquer, même succinctement, l’autre Menu Malin de Manu Macron, qui ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Si, pour les sociétés autoroutières, l’affaire est entendue, il y a encore plein de paquets de petits comiques qui ne font rien qu’à faire du bénéfice sur le dos des autres et qui méritent amplement qu’on se penche sur leur cas, en appliquant avec soin et répétitions la nécessaire batte de baseball fiscale pour enfin les remettre sur le droit chemin de l’ascèse socialiste.
Et dans ce paquet de comiques, on trouve bien sûr les dentistes. Ces honteux profiteurs n’hésitent pas à facturer leurs prothèses dentaires avec une marge scandaleuse que certains, notamment dans les pays du bloc soviétique il y a 25 ans, auraient jugée suffisante pour un envoi en aller simple vers le goulag le plus proche. Pour résoudre ce problème qui touche toujours plus de personnes et, même le cœur de notre charitable Président au point qu’il les appelle les sans-dents, frère Emmanuel s’est fixé comme apostolat de faire apparaître au grand jour le coût de revient de ces dentiers.
Pour cela et concrètement, le projet de loi de Manu Les Belles Ratiches prévoit d’obliger les dentistes à indiquer sur leur devis le prix d’achat des prothèses qu’ils facturent ensuite à leur patient.
Comme par hasard, les koulaks de la gencive s’y opposent fermement. L’idée est donc forcément bonne, et on peut être certain qu’une fois mise en place, ces salauds de profiteurs du peuple diminueront leur marge sur les prothèses tout en continuant pourtant à sous-facturer les actes conventionnés, c’est évident. Aucun ne choisira de se déconventionner. Aucun ne commettra la bêtise évidente de ne plus faire que les actes les plus rémunérateurs. Et le fait de s’attaquer au prix de la prothèse résout évidemment le problème de la rémunération des dentistes sur tous les actes.
Évidemment que tout va bien se passer !
Mais je dis : Manu, ne visez pas trop petit, allez plus loin ! Obligez toutes les factures, tous les devis, tous les tickets et autres facturettes à faire enfin apparaître les marges pratiquées ! Combien de plombiers se sucrent sur leur devis, hein ? Et les serruriers, qui profitent du malheur d’une clef oubliée dans le canon de serrure ! Et les chauffagistes, notamment ceux du Nord, où les températures polaires l’hiver venu obligent les habitants du cru à s’isoler chaudement !
On peut faire encore mieux : marquons exactement, sur tous les tickets, la proportion de tous les coûts dans l’élaboration du prix final. Y apparaîtra alors tout ce qui part dans les charges sociales et patronales, toutes les lignes de taxes diverses et variées, tous les coûts induits par les ponctions diverses, en ce compris celles de l’État et de ses sbires satellitaires. Ah pour sûr, le méchant burger à 4€ n’aura plus le même goût, avec son coût de 1€ et ses taxes et cotisations à hauteur de 2,85€ ! En faisant apparaître ainsi ces marges et ces coûts de façon claire, le travail du garagiste, d’un charpentier ou d’un chirurgien ressemblera de plus en plus à celui d’un fonctionnaire et les factures, devis ou tickets vont avoir un petit parfum de feuille de paie (encore que non, puisqu’elles vont êtresimplifiées).
Parce qu’avec son idée, Emmanuel Macron tue deux lièvres d’une seule pierre : celui du profit, suspect, que dis-je, honteux, spoliateur même, et celui de la complexité administrative ; car la simplification passe bien sûr par l’ajout des lignes aux tickets, aux factures et aux devis, ainsi que par les nouvelles procédures imposées à ceux qui en avaient déjà quelques-unes à respecter.
…
Pas de doute, quand on apprend tout ça, on ne peut que pousser un grand « ouf » de soulagement. Certains ne sont pas des bras cassés et, au moins, travaillent d’arrache-pied sans perdre la main sur le sujet. Qu’entends-je dans le fond ? Quoi ? « Marché libre » ? Oh. Quel gros mot.
Bien sûr, les propositions de Manu la Bricole ne résolvent pas les problèmes de l’État obèse, des finances publiques gravement déficitaires, de la croissance en berne ou du chômage galopant, et font semblant de s’attaquer au pouvoir d’achat qui dégringole, conséquence directe de ces problèmes-là. Bien sûr, il s’attaque de travers à la conséquence et pas à la cause. Mais ce n’est pas grave.
N’oubliez pas, le socialisme, vraiment, c’est magique™.