CHRONIQUE. Premier texte post-déconfinement voté par LREM, la loi contre la haine sur Internet est calamiteuse. La liberté d’expression, Avia, ça vient !
Par Bernard Quiriny
Il y a des coïncidences étranges auxquelles il est tentant d’attacher une signification. En 2017, alors qu’on venait de passer de l’ancien au nouveau monde, l’une des premières lois votées par la majorité LREM portait atteinte à la liberté d’expression : la loi sur la moralisation de la vie politique, partiellement censurée par le Conseil constitutionnel. Nous voici en 2020, on vient de passer au monde d’après. Et paf ! La première loi post-déconfinement votée par LREM porte encore atteinte à la liberté d’expression : la loi contre la haine sur Internet, que le Conseil constitutionnel jugera prochainement.
C’est ce qui s’appelle, j’imagine, revenir aux fondamentaux : dès qu’il est question d’écrire un nouveau chapitre, la majorité commence par attaquer la liberté d’expression. Et dire que des mauvaises langues reprochent aux macronistes de manquer de principes ! On voit qu’ils ont tort.
Toutes ces révélations sont assurément ennuyeuses ; ajoutées à la vieille affaire de son altercation avec un chauffeur de taxi, épisode mordant dont sa page Wikipédia préserve amoureusement le souvenir, elles tracent d’elle un portrait pour le moins désavantageux. En même temps, pour une fois qu’une parlementaire porte une loi sur un sujet qu’elle maîtrise, on ne va pas se plaindre.
Dernière perle d’une longue série
Si peu glorieux cependant soit le comportement supposé de Mme Avia, il ne faut pas perdre de vue que son vrai motif de se cacher à jamais dans une grotte reste bel et bien la loi scélérate qui désormais porte son nom. C’est cruel, à propos, d’avoir une loi calamiteuse à laquelle l’opinion vous rattache. D’autres lois mal foutues sont restées anonymes, désignées par un simple sigle. La loi NOTRe de 2015, par exemple, cette ahurissante usine à gaz technocratique que plus personne n’assume aujourd’hui. Il est facile, vu qu’elle n’accuse personne, de s’en désolidariser. Pour Mme Avia, en revanche, c’est fichu : le jour où – à Dieu plaise – elle aura retrouvé ses esprits et regrettera son texte, il sera trop tard ; son patronyme sera pour toujours associé à une loi hostile à la liberté d’expression, comme le pauvre Hercule de Serre à celle, aussi peu libérale, de 1819
« Contribution au débat public »
Des brigades d’anges gardiens, inspirées elles aussi du dispositif anti-Covid, feraient des contrôles au hasard parmi les internautes, avec un pouvoir d’amende. Ce serait incitatif, efficace, et pas plus idiot que de substituer à la répression par le juge une censure a priori par les plateformes, comme le fait cyniquement l’article 1er de la loi Avia. Quant à nous, accoutumés aux attestations à remplir, nous n’aurions pas de mal à nous adapter.
De fait, j’ai préparé mon attestation pour la présente chronique, histoire de m’entraîner. Je soussigné, etc., certifie que ce papier est lié au motif suivant : contribution à un débat public. J’ai ajouté en marge, au cas où, être totalement étranger aux motivations suivantes : ironie, démoralisation, malice, amertume, dérision. On n’est jamais trop prudent, n’est-ce pas.