Des organismes peu sérieux ont imposé l’idée que l’Etat laisse échapper plus ou moins volontairement des dizaines de milliards d’euros d’impôts qui lui sont soustraits par la fraude et l’optimisation. Hélas, ce n’est pas la solution miracle pour redresser les comptes publics et financer de nouvelles dépenses.
C’est une des fake news, ou des fausses informations si l’on préfère, les plus répandues depuis des années dans le débat public et plus récemment sur les ronds-points. Si le gouvernement – l’actuel ou un autre, peu importe – s’attaquait véritablement à la fraude et à l’évasion fiscale, les difficultés budgétaires de la France seraient partiellement ou totalement réglées d’un coup et il y aurait des cagnottes pour financer de nouvelles dépenses. Cette idée rassurante est une des figures obligées des projets électoraux des populistes et une partie de l’opinion en est désormais persuadée, sous l’influence de militants associatifs plus ou moins sérieux. Un chiffre tourne même en boucle : il serait possible de récupérer 80 à 100 milliards d’euros par an, selon SUD Solidaires.
2 à 80 milliards !
La vérité est hélas qu’il n’y a pas de trésor caché sous le tapis. Les comportements répréhensibles et condamnables existent, mais il est difficile, par définition, d’en évaluer l’importance. Un rapport parlementaire publié il y a un an a d’ailleurs mis en évidence la taille de la fourchette des différentes estimations faites par la Cour des comptes et pléthores d’organismes divers. Elle va de… 2 milliards à, donc, 80 milliards. Difficile de savoir. Qui plus est, pourquoi les services fiscaux feraient-ils exprès de laisser courir les fraudeurs si c’était si facile de les attraper ? On a beau chercher, on ne voit pas. Enfin, avancer des chiffres spectaculaires est un moyen, pour les syndicats de Bercy, de réclamer plus de moyens.
Des progrès à faire… mais déjà réels
Cela ne veut pas dire que l’Etat ne peut pas faire plus et mieux. Le combat contre la fraude et l’abus de droit doit être mené sans relâche, qu’il s’agisse des personnes, des petites sociétés ou des multinationales. Des progrès sont possibles et sont déjà à mettre à l’actif des responsables politiques ces dernières années. Les quinquennats Sarkozy et Hollande ont vu la mise en place des échanges automatiques d’informations avec des paradis fiscaux comme la Suisse et des milliards d’euros sont rentrés dans les caisses. Depuis un an, Bruno Le Maire, aux Finances, se bat pour contraindre les géants du numérique à verser leur obole. C’est juste.
Complotisme
Mais si l’amélioration des contrôles fiscaux reste nécessaire, il est trompeur de faire croire que la fraude est généralisée dans notre pays, que par exemple les « riches » échappent systématiquement à leur dû de solidarité tandis que seuls les « pauvres » sont accablés de prélèvements. Dresser les Français les uns contre les autres est complotiste et dangereux. Ni les moins ni les plus aisés, pour la majorité d’entre eux, n’ont d’argent caché, pas plus que les étrangers. Bref, ne comptez pas sur une solution miracle pour rétablir nos finances publiques, qui affichent un déficit supérieur à 60 milliards. Et, cette fois, ce chiffre est exact.