Depuis vingt ans, je perds tous mes procès. Il faut dire que ma profession est prolixe en procédures en tout genre, je ne peux pas y échapper.
Pourtant, mes dossiers sont bons, mes causes justes, les magistrats devant lesquels je me présente me paraissent attentifs, intéressés, mes avocats sont de qualité, mes conclusions travaillées, malgré tout cela je perds toujours. Il y a une constante remarquable : je trouve les jugements systématiquement incompréhensibles.
Au terme d’une longue réflexion, je suis arrivé à la conclusion que la justice est sous influence, je pense pouvoir vous en faire la démonstration.
Une influence mécanique
Un excellent article est paru dans le Monde du 20 Septembre 2013. Signé de François Béguin, il reprend les propos de Fabien Jobard, chercheur au CNRS, directeur du Cesdip. Ce dernier fait état des rapports de force existants entre la justice, la politique, la police et ses syndicats.
Il dit tout haut ce que tout le monde pense sans le dire : tous se tiennent par la barbichette. Les magistrats qui se prétendent libres ne le sont pas.
Au-delà du pouvoir politique qu’ils font constamment semblant de défier, ils sont les otages de leurs propres bras armés, la gendarmerie, la police, auxquels il y a lieu de rajouter le fisc et, plus largement, l’ensemble de la fonction publique.
Cette imbrication, à la fois esprit de corps et soumission obligatoire, pollue complètement leurs jugements. En sont-ils conscients ? Je n’en sais rien.
Une influence idéologique
Ici les choses sont plus complexes. Je vous propose d’abord de prendre connaissance du remarquable exposé que le philosophe Damien Theillier a développé le 5 Juillet 2013 devant le cercle Frédéric Bastiat, sous le titre « Responsabilité, initiative individuelle et prise de risque » : link
Dans cet exposé, Damien Theillier donne de la liberté deux concepts totalement opposés, ce qui n’a pas manqué de m’interpeller.
Il évoque la liberté négative, celle qui est à conquérir par chacun de nous. Cette liberté est totale, elle s’arrête uniquement ou commence celle des autres. Le sujet en dispose à sa guise, mais il doit la quérir. Elle suppose que chacun est propriétaire de son corps évidemment, mais aussi des fruits de son travail. Elle implique le droit à disposer librement de ces fruits, donc la propriété privée qui est le socle de cette liberté. Elle sous-entend la responsabilité. C’est elle qui a façonné notre société occidentale.
Il explique ensuite la liberté positive, celle qui doit être offerte à tous, sans liaison avec son engagement personnel. Il n’est nul besoin de la conquérir, elle est donnée à chacun dès le départ. C’est l’Etat qui se charge de sa mise en place, elle doit être accessible à tous sans différenciation et sans combat. Elle dégage l’individu de toute responsabilité, qui est transférée à l’Etat.
Pour ma part, je trouve stupéfiant que le même mot, que l’on nous bassine dès notre plus jeune âge, qui représente une aspiration universelle, qui est inscrit en premier au fronton de nos édifices publics, pour lequel on peut exiger notre vie, puisse ainsi générer deux concepts aussi différents, totalement antagonistes. Mais, force est d’accepter la possibilité de ces deux pensées, même si l’une parait complètement utopique.
Dans la pratique
Les magistrats sont majoritairement des adeptes de la liberté positive. Nous dirons que leur position dans la société peut les amener, face à la problématique de l’influence du milieu, à souhaiter la liberté positive.
Le chantre de la liberté positive est Karl Marx, les tentatives d’application de ses théories sur la planète se sont soldées par des catastrophes humaines considérables.
En ce qui me concerne j’ai été élevé dans le respect de la liberté négative, c’est d’elle que résultent les lois de notre pays, je l’applique donc au jour le jour.
C’est ainsi que je me trouve constamment en opposition philosophique avec la magistrature.
C’est là que le bât blesse. La magistrature est indépendante, elle n’a de compte à rendre à personne dans ses jugements, elle en profite pour appliquer sa passion pour la liberté positive. De ce fait elle n’a que peu de considération pour la propriété privée, une animosité avérée pour le profit ou la richesse, peu lui importe que les lois de notre pays n’aillent pas dans ce sens. Peu lui importe que l’expérience mondiale ait prouvé la nocivité de la liberté positive pour l’homme et ses organisations sociales.
Par le « mur des cons » le syndicat de la magistrature a fait la démonstration de son peu de respect pour les avis qui divergent de son dogme.
Ainsi donc, lorsque j’arrive devant les tribunaux avec ma bonne foi, mes conclusions, mes causes justes, je me heurte soit à des influences mécaniques, soit à des influences idéologiques qui font que je ne peux que perdre.
Hélas, j’en ai pris conscience trop tard, pour moi c’est cuit. Pour vous, j’espère que ce billet vous éclairera et vous fera rechercher d’autres solutions qu’une justice engagée, sous influence.
Bien cordialement. H. Dumas