Une personne proche dépose son dossier de retraite. Méticuleuse, elle s’emploie consciencieusement à remplir toutes les cases des imprimés, à fournir tous les justificatifs. Une fois son dossier complet elle l’adresse en RAR au RSI.
Puis, elle attend la fameuse retraite, dont elle estime le montant à un peu plus de 200€ par mois.
Au lieu de cela, deux mois plus tard, elle reçoit une lettre l’informant que son dossier est incomplet, qu’il ne peut pas être traité en l’état. Suivent des formulaires à remplir et une liste de documents à fournir, le tout parfaitement identique à ce qu’elle a déjà déposé.
C’est là que les choses deviennent passionnantes, restez concentrés.
Il se trouve que cette personne n’est absolument pas belliqueuse. Au lieu de piquer une grosse colère, elle s’acharne au téléphone pour obtenir un interlocuteur au RSI. Au bout de deux jours et quelques heures de patience, elle finit par avoir une interlocutrice qui, après vérification de son dossier, lui dit ceci :
« – Ah oui, mais non, pas de problème. Ne vous inquiétez pas, déchirez cette lettre, n’en tenez pas compte. Votre dossier est complet, il suit son cours, il n’y pas de problème. C’est la stagiaire de la responsable qui a dû encore se tromper » !!!
Etonnant non ?
Si le réceptionnaire du courrier avait été Henri Dumas, je me serais foutu dans une colère noire. J’aurais immédiatement adressé à l’expéditeur (donc à la stagiaire) un courrier en retour en lui demandant si elle ne se moquait pas de moi, le tout sèchement ou ironiquement selon mon humeur du moment.
La stagiaire se serait plainte de mon agressivité, scandalisée que l’on puisse attendre d’elle un peu de concentration et, si possible, pas d’erreur.
La responsable aurait pris immédiatement la défense de sa stagiaire. Mon dossier complet serait passé à la trappe. On m’aurait fait savoir qu’effectivement mon premier dossier était incomplet et que si je voulais, peut-être, un jour, toucher ma retraite, j’avais intérêt à refaire mon dossier plutôt que passer mon temps à emmerder les honnêtes et épuisés travailleurs du RSI, qui ont autre chose à faire que de s’occuper d’emmerdeurs de mon acabit.
C’est le syndrome de la meute.
La meute se crée autour d’un intérêt commun à défendre. Ici les fonctionnaires du RSI, ailleurs ceux des impôts, de la SNCF, d’une collectivité locale, ou encore d’une profession, les pharmaciens, les notaires, etc…
Notre société est une invraisemblable accumulation de meutes.
La meute, et c’est son activité essentielle, protège ses membres les plus faibles ou les plus nuls contre tout élément extérieur, exclusivement, parce qu’à l’intérieur ce serait plutôt au contraire l’exploitation du plus faible.
Ce faisant, la meute pervertit le système social global de plusieurs façons :
– En protégeant le fautif ou l’incompétent, elle désorganise le système de la vie en groupe qui ne peut être hiérarchisé que par la compétence.
– Plus la cible de la meute, le plaignant, est de qualité, plus la meute doit obtenir son anéantissement total. Cet engrenage inévitable est globalement et gravement improductif pour le reste de la société.
– La meute ne supporte pas les individualités en son sein par définition, mais aussi elle tend à les agresser dès qu’ils passent à proximité de son périmètre d’intérêt.
Ainsi la meute est un obstacle réel aux épanouissements individuels qui sont indispensables à la créativité, sans laquelle l’homme n’aurait fait aucun progrès.
Mais il y a pire. La meute n’a pour finalité que le pouvoir, même si les membres qui la composent n’en ont pas tous conscience. Le pouvoir est la raison d’être de la meute.
Ainsi, lorsqu’une société, comme la nôtre aujourd’hui, n’est plus qu’une accumulation de meutes, sans place aucune pour les individus isolés, libéraux, les conflits de pouvoir entre meutes sont latents. Leur émergence n’est qu’une question de temps.
Les meutes un jour se font la guerre, c’est écrit, c’est incontournable.
Ceux qui croient profiter des avantages de leur meute ont-ils compris qu’à terme celle-ci les engagera dans une guerre totale ? Je n’en suis pas sûr.
Ils devraient y réfléchir.
Mieux vaut assumer individuellement ses erreurs, voir sa médiocrité, que trouver refuge dans une meute qui tôt ou tard entrainera ses membres dans des conflits ou des guerres dévastateurs.
Bien cordialement. H. Dumas