Hier soir, j’ai été voir Céline, au Théâtre de l’œuvre, par Jean François Balmer. C’est fort. Il faut y aller.
Je n’aime pas Céline, ses livres me tombent des mains. Trop de méchanceté, trop de haine. Oui mais, il a révolutionné la littérature, ses descriptions sont au scalpel, sa lucidité décapante. C’est vrai, mais je ne l’aime pas. Oui mais, sa vie a été saccagée par la boucherie de 14-18, il a vingt ans en 1914, les traces de cette guerre stupide, qui signe les derniers soubresauts d’une aristocratie européenne décadente, l’ont marqué au fer rouge. On dit pareil d’Hitler et c’est vrai aussi, ça ne me le rend pas sympathique.
N’oublions pas que Céline lui-même dit qu’il est parti à cette guerre avec plaisir, tout à la joie d’en découdre, il voudrait nous faire croire qu’en la vivant il aurait soudain compris quelque chose. En gros que l’expérience régule la connerie. Ce n’est jamais le cas, ça se saurait. La preuve en est rapportée par le fait que même « bousillé » de celle-là, il sera sur le front intellectuel de l’autre (celle de 40, qui n’est pas mieux que la première), prêt à en découdre.
En sortant, nous sommes montés place de Clichy, manger quelques huîtres chez Wepler. Sur la place des jeunes de banlieue, en voiture aux vitres teintées, s’en prenaient à un chauffeur de taxi, lui défonçant férocement les portes de son véhicule à coup de pied et son moral à coup d’insultes. Le taxi s’étant échappé, ils l’ont rattrapé pour poursuivre leur œuvre.
De l’autre côté de la place, devant chez Wepler, un groupe de jeunes complètement défoncés. Nous rentrons dans le restaurant, quand, soudain, deux de ces jeunes rentrent aussi dans le restaurant, descendent aux toilettes et en ressortent pour retourner dans la rue, plus défoncés qu’en rentrant.
Une ambiance globale, très « Céline ».
Au théâtre comme dans la rue la haine était là hier soir. Je n’aime pas la haine, je ne lui trouve aucune excuse. C’est l’expression ultime de l’échec.
La société est régulièrement prise de crises de haine. Le paradoxe est que cette haine s’empare en priorité des cons, de ceux-là même qui, s’imposant lourdement à la société, la perturbent suffisamment pour qu’elle s’engage dans le cycle de la haine.
Une fois lancée, la haine est comme un ouragan, elle détruit tout sur son passage, et les cons qui l’ont provoquée sont tout surpris… Aujourd’hui, ils expriment leur haine contre l’économie, depuis déjà quelques dizaines d’années. Ce n’est qu’un exutoire parmi d’autres possibles.
Ce faisant, ils décapitent l’économie, ils se donnent une excuse de violence, ils leur tardent d’en découdre, ils sont dans les starting-blocks, ils vont tout casser par plaisir. Puis ils regretteront… encore.
Ceux qui les poussent à ça, politiques, journaleux, propagandistes, sont gravement responsables.
Ceux qui assument les basses œuvres, contrôleurs fiscaux, magistrats, flics, fonctionnaires de tout poil, sont encore plus responsables.
Après le carnage, non seulement ils diront qu’ils ne savaient pas, mais ils accuseront quelque absent ou disparu d’avoir été la cause du carnage. Alors que l’œuvre ne sera due qu’à leur profonde connerie. Il en va ainsi de la société comme des individus, elle se trompe, se butte, se met en colère et tue. Hélas, trois fois hélas, pour ceux qui ne demandaient rien.
Personne ne peut reprendre la maîtrise de la société lors de ses crises de haine.
Aujourd’hui, j’en suis personnellement victime, comme des milliers de français que Bercy, foyer propagandiste de la haine, va réduire en bouillie.
J’espère sincèrement, pour moi et pour ma famille, que je saurai subir sans violence, en me contentant de dénoncer.
Bien cordialement. H. Dumas