Hier, j’ai vu la crise en face. J’ai assisté au discours passionné d’un président de région qui coupait le ruban inaugural d’un ouvrage économique financé par lui.
Animé d’une satisfaction de lui-même évidente et probablement sincère, il nous a expliqué que, malgré la crise, il continue à investir car l’investissement génère l’économie. Sarkozy nous l’avait déjà fait avec le grand emprunt, mais, prudent, il annonçait qu’il y avait deux sortes d’investissements, les bons et les mauvais (à l’usage, il est probable qu’il se soit trompé de case, qu’il ait malencontreusement choisi la mauvaise). Paix à ses erreurs, nous avons à affronter aujourd’hui celles de ses successeurs.
Mais quand même, il faut être totalement ignare pour penser que l’investissement génère l’économie, alors que c’est exactement l’inverse qui se produit, c’est l’économie qui génère l’investissement.
La première façon de faire s’appelle l’économie planifiée, elle a échoué partout dans le monde où elle a été pratiquée. Aujourd’hui le phénomène a été suffisamment étudié pour que l’on sache précisément que l’économie découle de l’échange, de la valorisation de cet échange, qui ne peut s’épanouir qu’avec la liberté individuelle et la propriété privée.
Le plus terrible
C’est que nos dirigeants sont non seulement persuadés qu’ils favorisent une économie libérale, mais qu’ils en sont des membres actifs.
La réalité est qu’ils prélèvent un impôt très lourd au motif de la redistribution et de la solidarité, puis qu’ils réinvestissent une partie importante de cet impôt dans l’économie. Ce faisant, neuf fois sur dix, ils viennent perturber la marche naturelle de l’économie l’appauvrissant par deux fois. La première fois par la lourdeur de l’impôt, la deuxième fois par l’incohérence économique de leurs investissements.
Pour les amateurs de calculs, un tableau de la consommation du ruban d’inauguration et de l’affutage des ciseaux pourrait être un indice à prendre en compte par les agences de notation.
Pourquoi le cercle est-il vicieux ?
Parce que l’apparence d’intérêts opposés va dans le sens du cercle.
Il est incontestable que la richesse, moteur essentiel de l’économie, peut paraître agressive ou injuste pour ceux qui n’ont pas la chance ou la volonté de l’approcher. Ils applaudissent donc à deux mains lorsqu’elle est prétendument ponctionnée pour la redistribuer.
Mais, ceux qui pratiquent la ponction, dès que la richesse est dans leur poche, ne peuvent pas résister à l’idée de la jouer sur le tapis vert du risque économique. Ils y sont encouragés par un grand nombre d’opérateurs économiques qui trouvent là un moyen de financer des projets fumeux pour les autres mais rentables pour eux, des projets qui n’auraient pas trouvé preneur dans l’économie naturelle.
Ces deux leviers puissants, impôts et planification, sont les moteurs de la crise. Ils ne pourront pas disparaître par une prise de conscience de cet enchainement, la société n’est pas capable de cette prise de conscience.
Je pense souvent à l’inquisition, je suis convaincu qu’elle n’était pas le fait des seuls sadiques ou bourreaux, que les inquisiteurs croyaient sincèrement sauver l’âme des gens. Et pourtant, elle ne laisse que le souvenir des sadiques et des bourreaux, de la souffrance et de l’injustice dont elle a été le puissant vecteur. A moindre échelle, j’ai vécu l’obscurantisme, pas si éloigné, de la censure, c’était le même enchainement d’intérêts divergents qui se retrouvaient accidentellement liés.
Lorsqu’un enchainement de pensées normalement inconciliables se crée, il s’alimente seul et devient très vite nocif.
Il aboutit à une situation qui ne peut pas être comparée, puisqu’elle investit la totalité du spectre social, les autres solutions possibles ne devenant que des hypothèses. Hypothèse contre réalité, le match est perdu d’avance pour l’hypothèse. La réalité, quelle qu’elle soit, ayant évidemment ses serveurs, ses intérêts en jeu, qui résistent au changement jusqu’au dernier souffle.
La crise n’est donc pas accessible à la raison, les ciseaux inauguraux ne cesseront que sous la contrainte de la misère généralisée.
Cordialement. H. Dumas