Vivre est un statut éphémère. La vie n’est qu’économie, au sens de l’équilibre des besoins. Nulle notion de justice dans ce constat. En tout cela, en ce qui me concerne, je ne reconnais à l’homme qu’une seule responsabilité, mais elle est écrasante: garantir à tous ainsi qu’à lui-même le libre accès à la vie, à la liberté, donc à l’économie. En un mot, je suis un « libéral ».
Une relation, pour qui j’ai la plus grande estime, me rappelait récemment Etienne de La Boétie qui, en 1550, écrivait le « Discours de la servitude volontaire ». Dans cet essai, écrit à 18 ans, l’auteur explique que ce ne sont pas les tyrans qui asservissent le peuple, mais le peuple qui souhaite être asservi par les tyrans. Ce constat est régulièrement conforté par les« élections libres ». Hier en Tunisie quand la population se jette dans les bras des religieux, demain quand les français vont se jeter dans les bras de ceux, de droite ou de gauche, par qui ils souhaitent être asservis.
D’où vient cette étrangeté qui fait préférer aux hommes la servitude à la liberté. La Boétie pense que la servitude les rassure, donc que la liberté leur fait peur. C’est probable, mais c’est cher payé l’apparence de la sécurité.
Le plus troublant pour moi est la nécessité pour les serfs et les tyrans de se mettre d’accord sur un ennemi commun, à partir duquel ils vont justifier leur alliance délirante. C’est l’autre, le bouc émissaire, qui va payer la facture initiale. Mais la facture finale sera évidemment payée par les asservis, ceux-là même qui croyaient devoir leur vie à la destruction d’autres hommes. Quelle folie.
Tous les asservis et leur alliés les tyrans sont des guerriers en puissance, des faiseurs de guerre, puisqu’il leur faut un ennemi fédérateur commun. Pour les religieux ce sont les autres religions, pour les matérialistes ce sont les « riches », pour les prudes ce sont les libertins, pour les fonctionnaires et assimilés ce sont les contribuables, etc….
Le libéral que je suis n’a pas d’ennemi, même s’il a d’inévitables conflits.Pas d’ennemi car qu’importe la folie des asservis et de leurs tyrans, la vie reprendra ses droits, ces folies n’auront qu’un temps. Tyrans et asservis disparaîtront inévitablement terrassés par leur propre système. A quoi bon les haïr, alors qu’il y a tout lieu de les plaindre?
Le libéralisme a peu de succès, entre 10 et 20% d’une population développée, zéro pour cent chez les barbares. On lui reproche son iniquité, son manque de charité, son refus du partage, rien n’est moins vrai.
Pour imager cet aspect des choses, je propose de prendre pour exemple l’affaire des mendiants de Marseille. Face à la montée de la mendicité, le maire Gaudin prend un arrêté d’interdiction de la mendicité. A juste titre, les mendiants gueulent. Mais aussi les bonnes âmes, celles qui probablement donnent peu et pas souvent. Bon, imaginons qu’au lieu d’interdire, Gaudin dans son désir d’organiser la mendicité ait rendu le don obligatoire. Pourquoi pas? Facile, les places de quêtes se donneraient en mairie, elles deviendraient un privilège officiel. C’est déjà le cas, mais c’est entre les mains des mendiants eux-mêmes. Un minima de don serait fixé. Les gens hésiteraient à sortir, ils regrouperaient leurs courses et enverraient un coursier commun pour éviter d’être trop taxés par les mendiants. Ils étudieraient leurs trajets en fonction des places de mendicité, évitant de repasser trop souvent devant ces places. Mais alors, la mairie, face à ces « combines », serait obligée d’imposer des trajets à tous les habitants pour éviter la triche aux dons. J’en passe et des meilleures, je laisse le champ libre à votre imagination.
Inévitablement, vos projections aboutiront au fait que c’est déjà ainsi que fonctionne naturellement la mendicité, mais sans contrainte, laissée au libre arbitre de chacun. Cependant, cette situation naturelle gêne ceux qui dans la rue ne veulent pas avoir à affronter le choix du refus. Pour ne pas être face au courage nécessaire au jugement personnel de leurs propres décisions, ils préfèrent confier la gestion de ce problème de charité à un chef. C’est lui qui sera inévitablement leur tyran puisque, organisé, le problème se transformera en contraintes insupportables auxquelles ils tenteront d’échapper, générant de fait la nécessité de sanctions. La servitude arrive. C’est ce type de démarche intellectuelle qui a inventé, de toute pièce, l’impôt lien social, l’impôt solidarité. Rien n’est moins vrai, ce sera l’objet du prochain billet.
Un libéral n’est pas choqué par l’organisation naturelle de la mendicité, ce qui ne veut pas dire qu’il soit insensible à son existence ou à son accroissement.
Cordialement. H. Dumas
PS: Pendant que j’écrivais ce billet, le téléphone sonne. Encore une démarche publicitaire (contrainte du libéralisme):
– Bonjour Monsieur, ici les machines à affranchir machin.
– Bonjour Monsieur.
– Nous réalisons une enquête de satisfaction. Etes-vous satisfait de votre machine à affranchir, qu’elle est sa marque?
– C’est une « Lalangue », j’en suis très satisfait. Une goute de pastis de temps en temps, c’est tout ce qu’elle demande.
– ……. Merci, au revoir Monsieur