La loi de transition énergétique, votée récemment aura si elle est appliquée des conséquences économiques et financières considérables. Est-elle réaliste ? c’est ce que je vais essayer d’expliquer .
La loi de transition énergétique et ses conséquences !
La loi de transition énergétique votée récemment a pour but officiel de réduire la consommation d’énergie, de réduire le gaspillage énergétique et les émissions de « gaz à effet de serre » (GES) principalement le CO2. En réalité, le but des écologistes, à l’origine de cette loi, est de s’attaquer directement à l’énergie nucléaire par le biais d’un nouveau mixe énergétique basé sur le développement des énergies intermittentes qualifiées de « renouvelables ».
Il s’agit en effet dans un premier temps de « stabiliser » la puissance de production nucléaire à sa valeur actuelle (63 GW), ce qui signifierait la fermeture d’anciens réacteurs en cas de mise en service de nouveaux et dans un 2ème temps de réduire la part du nucléaire dans la production électrique de 75 à 50%. Si cette loi venait effectivement à être appliquée, elle entrainerait des conséquences économiques financières et énergétiques catastrophiques !.
1 – Puissance nucléaire constante
La France dispose actuellement de 58 réacteurs à eau pressurisée, soit une puissance installée de 63,13 GW (49,3% de la puissance totale) et qui a fourni en 2014 404 TWh, soit 73% de notre production électrique. Un réacteur de 3ème génération de type EPR (de puissance 1650 MW) est en construction à Flamanville et devrait être mis en service en 2017. Selon la loi, EDF devra alors fermer plusieurs réacteurs nucléaires pour maintenir les 63 GW. Ce pourrait être les 2 réacteurs de 900MW les plus anciens ceux de Fessenheim. Est-ce possible ? Oui, serait-ce utile ? Économiquement non… Pourquoi ?
- Ces réacteurs sont en parfait état, des travaux importants ont été réalisés pour les mettre au niveau des dernières mesures de sécurité prises après Fukushima. Ils peuvent encore fonctionner au moins une dizaine d’années.
- Pour un coefficient de production de 85% (soit une puissance effective de 1530 MW) ils produisent chaque année 13,4 TWh (pour un coût de l’ordre de 40€/MWh), soit en 10 ans 134 TWh ce qui représente sur le marché européen de l’énergie électrique (et pour un prix de vente moyen de 60€/MWh) une somme totale de plus de 8 milliards d’euros de manque à gagner pour EDF.
2 – Réduction de la part du nucléaire à 50%
Il faudra produire environ 150 TWh par d’autres moyens. Lesquels ? Il est envisagé de recourir aux énergies intermittentes, c’est-à-dire les énergies éolienne (terrestre et en mer), solaire et hydraulique (et éventuellement hydrolienne !).
Avec ses 5,3 GW de panneaux photovoltaïque, le solaire n’a produit en 2014 que 5,9 TWh (pour un coût de plus de 200€/MWh) et il est illusoire de croire qu’il puisse en produire beaucoup plus.
Les hydroliennes (400€/MWh) ne sont et ne seront qu’anecdotiques.
L’énergie hydraulique est utilisée essentiellement pour compenser les fluctuations de consommation en raison de sa grande souplesse. Mais elle ne pourrait pas produire en permanence au maximum de ses capacités compte tenu des volumes d’eau stockés limités (sauf pour les barrages « au fil de l’eau » mais que ne représentent qu’une faible part de notre parc).
Restent donc les éoliennes. Actuellement les 5000 éoliennes installées représentent 9,1 GW et en 2014 ont produit 17 TWh (avec un tarif d’achat imposé de 90€/MWh).
Peuvent-elles produire les 150 TWh nécessaires ? (sachant que l’on ne peut pas stocker l’énergie électrique sauf de manière très limitée et très coûteuse).
Un calcul simpliste montrerait qu’en multipliant par 9 environ le nombre d’éoliennes (soit près de 30.000 éoliennes de 3MW) on produirait ces 150 TWh (pour un coût d’investissement de plus de 86 milliards d’euros et un coût de production annuel compris entre 10 et 14 Mds€ selon que l’on prend le prix de revient ou le tarif d’achat, soit plus du double du nucléaire).
Mais ce calcul est faux… En effet il ne tient compte que de la puissance moyenne qui ne représente en réalité que 21% de la puissance installée. En effet, ces 86 GW d’éoliennes fourniront bien ces 150 TWh mais de manière aléatoire et imprévisible, la puissance instantanée pouvant varier brutalement entre 4 et 60 MW !(*) D’où par moment des sur–productions dont il faudra se débarrasser et surtout des sous-productions qui ne pourront subvenir aux besoins.
(*) Pour l’ensemble des parcs éoliens, quel que soit le pays, on observe que la puissance produite varie de manière aléatoire entre 5% et 70% de la puissance installée, selon la force du vent.
Que faire ? Faire en sorte que la production garantie (5% de la puissance théorique) soit suffisante ? Absurde, il faudrait 360 GW soit près de 120.000 éoliennes ! (coût de l’investissement 360 milliards d’euros pour une durée de vie de 15 à 20 ans !)(**) Et que faire de l’excès titanesque de production à certains moments ?
(**) 360 Mds€ représente le coût de plus de 50 réacteurs EPR pouvant produire annuellement de manière régulière et prévisible 650 TWh et ceci pendant plus de 60 ans…
Une seule solution, compléter les éoliennes avec des centrales thermiques au charbon ou au gaz.
On arriverait alors à une solution où sur les 150 TWh nécessaires, 35 TWh seraient fournis par l’éolien et 115 TWh par le thermique à flamme (qui actuellement ne produit que 44 TWh) !
Conclusion : les conséquences seraient
1 – multiplier par 2 le nombre d’éoliennes tout en doublant la production thermique (avec la construction de nouvelles centrales qui ne fonctionneront au plus que 80% du temps).
2 – un coût de production plus cher, de nouveaux investissements (centrales thermiques, éoliennes et lignes à haute-tension) et des importations de charbon et de gaz qu’il faudra doubler.
3 – Sortir du nucléaire ?
Rêve de certains écologistes et entretenu par des études fantaisistes de l’ADEME, organisme officieux des anti-nucléaires financé par le contribuable.
Déjà réduire à 50% serait une absurdité alors à 0% !
Selon le numéro de septembre 2015 de Science et Vie (revue de vulgarisation scientifique qui est à la science ce que Gala est au Monde Diplomatique) il suffirait de multiplier par 10 le nombre d’éoliennes (17 TWh multipliés par 10 ça ne ferait jamais que 170 TWh…), par 11 le nombre de panneaux solaire (5,9 TWh par 11 ça ne ferait que 65 TWh…) et par 1,1 notre parc hydraulique… En 2014, celui-ci a fourni 75 TWh mais de manière très intermittente, uniquement pour assurer des pointes de consommation. La puissance totale étant de 75 GW, il serait susceptible de produire 220 TWh (et même en augmentant de 10% ses capacités on n’en serait encore qu’à 245 TWh…) on arrive effectivement en les ajoutant pas loin des 440 TWh nécessaires ! Mais à quel prix ! Et tout cela en oubliant que 1 – l’éolien et le solaire ne produisent que de manière intermittente et imprévisible, 2 – que les capacités hydrauliques sont liées à la quantité d’eau stockée et donc ne peuvent fournir en permanence et que 3 – on ne stocke pas l’énergie électrique (*)!
La seule solution à la sortie du nucléaire : construire des dizaines de centrales thermiques au charbon (qu’il faudra importer) comme le fait l’Allemagne. Nous aborderons cette question dans le prochain chapitre.
(*) La seule solution efficace pour stoker l’énergie électrique est la station de transfert énergétique par pompage (STEP) qui consiste à utiliser de l’énergie électrique en excès pour pomper de l’eau vers un lac supérieur et de restituer cette énergie électrique par turbinage en cas de besoin. Outre le fait que le rendement global étant de 50% et donc qu’il faudra consommer 2 kWh pour en produire 1 seul (donc 2 fois plus cher), les capacités de stockage sont limitées 1 – en puissance, 4 GW pour la France pour un parc de production de 128 GW et 2 – en capacité de production en fonction de la capacité en eau du lac supérieur…