Notre pays s’enfonce dans les classements internationaux. Il ne cesse de perdre des places quant à sa solidité économique et dans le même temps il en gagne quant à l’intensité de la corruption.
Comment a-t-on pu en arriver là?
D’abord une digression sur la notion de groupe. Le groupe peut naître d’une idée ou d’une activité partagée (religions, pensée politique, corporatisme, sport, etc…). Il peut aussi naître du partage d’un territoire (ville, pays, groupe de pays).
Quoiqu’il en soit, dès sa création, le groupe se dote de structures et notamment de règles ou lois. Dans le même temps, une hiérarchie s’impose qui génère une méthode de sélection pour classer les membres du groupe à l’intérieur de cette hiérarchie. Il n’y a que deux méthodes de sélection:
La sélection par la compétence
La sélection par l’appartenance
Nous nous intéressons ici au groupe appelé « France ». Il s’agit d’un groupe issu du partage d’un territoire. Donc, à l’intérieur de ce groupe toutes les opinions ou aspirations doivent cohabiter. Au fil des siècles, la démocratie est apparue comme le meilleur moyen (le moins mauvais disent certains) de permettre à tous de vivre en commun, malgré les différences. Quant à la méthode de classement hiérarchique à l’intérieur du groupe, elle a toujours oscillé entre les deux méthodes que nous venons de voir. Ceci exposé, je voudrais vous parler de mon expérience et des conclusions que j’en ai tirées.
LA DECENTRALISATION
J’ai rejoint le monde du travail en 1965. De 1965 à 1984, j’ai connu la France des préfets. C’est-à-dire un pouvoir central et une ossature administrative forte, faite de fonctionnaires d’Etat, dont le chef incontesté était, dans chaque département, le préfet. Ces fonctionnaires d’Etat avaient le sens du service public. Certes, il y avait bien des brebis galeuses, comme partout, mais elles étaient isolées. Leur chef, le préfet, veillait à la dépense publique et à la bonne marche de l’ensemble. Il faut admettre que tout cela était un peu rigide et que les libertés créatives individuelles étaient incontestablement bridées par cette organisation verticale. Mais le résultat était franchement satisfaisant. Evidemment les politiques, dans cette organisation, étaient des nains. Plus particulièrement l’opposition.
En 1984, Mitterrand, après avoir pris le pouvoir, décida de se payer les préfets, dont il avait eu tant à souffrir. Ainsi naquit la décentralisation. Il est juste de dire qu’elle fut reçue comme un progrès de la liberté d’entreprendre. Hélas, elle dissimulait des tares dont nous payons aujourd’hui la facture.
1° Tare: Elle a confié le pouvoir décisionnel aux élus locaux. Ceux-ci, sans formation, s’en sont remis aux fonctionnaires. D’abord aux fonctionnaires d’Etat, dont les préfets. Mais ces derniers, revanchards à souhait, ont laissé les élus se fourvoyer avec délectation, espérant ainsi se voir réhabiliter dans la mission d’organisation qu’ils venaient de perdre. Ils n’ont donc pas ou peu rempli leur mission de contrôle de la légalité, la limitant au strict minimum. Pareillement pour la Cour des Comptes dont l’incurie est connue de tous. C’est donc sans limite que les élus locaux se mirent à décider tout et n’importe quoi, sans conscience, chacun dans leur coin, du coût global de leurs folies. Notamment, ils ont créé une masse de fonctionnaires à leur strict service, faisant doublon avec la fonction publique générale. Ce fut le début des dépenses non maîtrisées, de la démagogie de la dépense publique.
2° Tare: La sélection hiérarchique, qui précédemment se faisait majoritairement par la « compétence » du fait de l’anonymat d’un système centralisé, s’est fait plus particulièrement par « l’appartenance » du fait de la multiplication et de la proximité des décideurs. Pour illustrer ce sujet, disons que la sélection par la compétence est liée par exemple, aux diplômes ou aux références, alors que la sélection par l’appartenance est liée à l’amitié, à la famille ou encore à l’étiquette politique ou partisane. Les sociétés qui pratiquent la première sélection ont des chances de fonctionner, celles qui pratiquent la deuxième finissent inévitablement en catastrophe.
3° Tare: Cette organisation locale a eu des répercussions nationales.
D’abord, le type de sélection qu’elle a imposé a trouvé dans l’éducation nationale un allié de poids, capable de fabriquer des diplômes ne correspondant qu’au recrutement par « l’appartenance ». Ainsi l’éducation nationale est devenue le seul pourvoyeur de la sélection hiérarchique, au détriment de la compétence pragmatique.
Ensuite, la multiplication des pouvoirs a eu raison de leur diversité. C’est ainsi que le pouvoir économique a été éradiqué au profit du pouvoir des petits chefs politiques multipliés à l’infini. In fine le pouvoir politique s’est imposé comme seul pouvoir. Le pouvoir économique est devenu un nain et l’économie une fille de nains.
Cette organisation structurelle a généré, directement de son fait et indirectement du fait de son poids sur le reste, la dérive non maîtrisable de la dépense publique. Elle a introduit à grande échelle la sélection par « l’appartenance » qui est, partout dans le monde, l’inévitable foyer de la corruption.
Evidemment les socialistes sont particulièrement mal placés, toute idéologie politique oubliée, pour proposer une solution aux problèmes qu’ils ont eux-mêmes installés. D’ailleurs, il est clair que leurs propositions ne vont que dans le sens d’une amplification des causes de nos problèmes. Ce qui est plus étonnant c’est de voir les autres partis politiques adopter exactement la même attitude. C’est ce qui me fait penser que nous n’allons pas pouvoir sortir de cette « social-démagogie ».
Que donc, en contrecoup, la justice fiscale n’est pas pour demain.
Cordialement. H. Dumas