Le vertige du néant

Face au néant qui l’enveloppe et l’absorbe — ou l’absorbera — l’homme n’a que deux attitudes possibles : lutter avec son petit corps et sa petite tête ou se laisser engloutir.

William Shakespeare l’a synthétisé d’une formule jamais égalée « être ou ne pas être ».

La lutte est perdue d’avance. Ce ne sont pas la richesse, la notoriété ou le pouvoir, ni même la jouissance ou encore la connaissance, qui protègent du néant.

Malgré ce constat — que nous pouvons tous faire — la vie s’empare de nous et lutte. Nous-même, vecteurs de sa lutte, objectivement nous ignorons pourquoi elle lutte.

Puis, soudain, à chaque génération, assez rapidement las de cet effort peu concluant, la plus grande majorité abandonne. Peut-on le lui reprocher ? Bien sur que non, puisqu’il n’y a pas d’issue.

Mais, et c’est sur ce point précis que les choses dérapes, au lieu d’accepter le néant contre lequel elle ne lutte plus, cette majorité générationnelle fait mine de confier cette lutte à une ou plusieurs tierces personnes. Elle se dérobe, simule une acceptation de lutte par délégué interposé, n’affronte pas le néant. Elle a le vertige du néant.

C’est ici que tout bascule : ceux qui acceptent – voire revendiquent — cette mission de lutte contre le néant pour le compte des autres ne peuvent être que des escrocs.

Ce que je veux dire c’est que « être ou ne pas être » relève exclusivement d’un choix individuel, sans possibilité de délégation à quiconque.

A partir de ce constat, il est utopique et malsain d’imaginer qu’une organisation collective pourrait se substituer à la responsabilité individuelle.

Or, depuis des millénaires, il se trouve toujours quelque escroc pour prétendre gérer pour le compte d’autrui la lutte contre le néant. Ces aigrefins réclament systématiquement un blanc-seing de ceux qui ont abandonné la lutte, alors qu’ils savent pertinemment que cet abandon les a définitivement engloutis dans le néant dont ils ne pourront en aucun cas les sortir.

Promettre ce que l’on sait ne pas pouvoir donner est le b.a.-ba de l’escroquerie.

Toute organisation sociale qui prétend éviter aux hommes leur propre néant est une escroquerie.

Une fois cette conclusion posée et admise, les perspectives changent du tout au tout. Il apparait de façon claire que la seule politique qui vaille est celle qui laisse à l’homme le choix d’assumer seul le fait de décider s’il veut  « être ou de ne pas être », se battre contre le néant ou se laisser engloutir.

Ce choix est si fondamental, si respectable, qu’à lui seul il légitime la protection due à l’individu pour qu’il puisse le faire.

Toutes les forces d’une société doivent donc contribuer à protéger la liberté de l’individu pour qu’il soit en mesure de faire ce choix existentialiste, seul hochet que lui accorde l’univers.

On voit ici que le respect de la personne, de son individualité, dépasse largement la notion d’égoïsme, elle est au centre de la vie. Il en ressort que le collectivisme est une escroquerie philosophique indéniable.

Rien ne peut justifier le collectivisme, rien ne peut lui être pardonné, en ceci qu’il masque à l’homme son destin, la décision qu’il doit prendre face au néant, sans laquelle il n’est pas.

Et pourtant, tous ces escrocs de l’assistance par la collectivité portent beau, convaincus qu’ils font semblant d’être de leur efficacité, alors qu’elle ne peut être.

Tout au plus peuvent-ils déstabiliser ceux qui tentent d’affronter le néant au profit de ceux qui s’y abandonnent, mais dans quel but ?

Puisqu’au final tous seront logés à la même enseigne, qu’il ne s’agit que d’un jeu dans lequel le néant sort toujours vainqueur, quel est l’intérêt de tricher ?

Même leur propre intérêt est éphémère. A ne pas comprendre, ou à faire semblant de ne pas comprendre cette réalité d’un choix exclusivement individuel et de ses conséquences, peuvent-ils récolter un avantage ? Même pas.

Leur tricherie déroute les joueurs sincères qui ne voulaient que jouer, elle créé dans la partie en cours une instabilité favorable au néant qu’ils prétendent sottement maîtriser.

La vanité est leur seul moteur, comment peuvent-ils espérer, ainsi affublés, remplir leur vie, leur médiocre vie ?

L’univers et l’absolu sont des données qui leur sont étrangères, pourtant leur mystère les rattrapera…

Depuis toujours des hommes se lèvent face au néant, pour le fun, sans autre prétention que de dominer leur peur. Cet acte solitaire doit être respecté, au diable tous ces escrocs du collectivisme qui est l’antichambre de l’esclavagisme, de l’acceptation de la servilité, le prix à payer pour tenter de fuir le vertige du néant.

Laissez-nous l’affronter, nous n’avons pas besoin de vous. Nous savons le combat perdu, mais laissez-nous le mener.

Bien cordialement. H. Dumas

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A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

Une réflexion sur « Le vertige du néant »

  1. Si on exclut la notion d héritage de la surface de la terre , c est pas faux …. Malheureusement , la notion d égalité étant une chimère , je ne pense pas que le libéralisme soit l horizon indepassable de la lutte contre le vertige du néant

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