14 Août 2070 à Sorèze (La dépêche du midi 18 Août 2070).

Le 14 Août 2070, le professeur Ahmed SALIN animait un colloque sur la révolution du 2 Août 2020, dont c’est le cinquantième anniversaire.

Ahmed SALIN est un économiste libéral, homonyme du renommé Pascal SALIN, lui aussi économiste libéral mais de la fin du siècle dernier et du début de celui-ci, décédé en 2039.

Le professeur Ahmed SALIN a choisi l’amphithéâtre de l’université de Sorèze — considérée comme l’une des plus performante du monde — pour évoquer la révolution libérale du 2 Août 2020.

L’Université succède en ces lieux à une école prestigieuse, très en avance pédagogiquement aux 19ème siècle, fermée en 1991, rouverte par la grâce et les finances de Bill Gates dans les mois qui ont suivi la révolution libérale de 2020 ; il voulait marquer son admiration pour l’économiste Frédéric Bastiat, élève de l’école au temps de sa splendeur de 1814 à 1818.

Le professeur a d’abord rappelé l’ambiance avant la révolution :

A cette époque les hommes de l’Etat étaient omniprésents, interventionnistes, la population très infantilisée.

Cette attitude avait un coût important et besoin de nombreux relais pour contraindre la population, qui autrement aurait naturellement aspiré à un développement personnel. Pour contrer cette aspiration de développement personnel, les hommes de l’Etat avaient mis moralement en exergue l’idée de solidarité, qui impliquait un égalitarisme inapplicable et réducteur.

Dans la pratique, à l’aide d’une avalanche de lois, de décrets, de circulaires, chaque geste ou chaque pensée de chaque homme étaient rendus si difficiles que tous pouvaient être à tout moment taxer d’illégalité, de délit par rapport à la loi, de fraudeur.

Un corps social privilégié, les fonctionnaires et leurs garants les élus, était chargé de surveiller l’application de cette avalanche de textes auxquels eux-mêmes avaient la faculté d’échapper à l’occasion de complicités de corps rarement dénoncées ou, dans tous les cas, non sanctionnées par une justice aux ordres.

Cette organisation avait un coût très élevé. Par ailleurs les relais de contrainte, les fonctionnaires, bénéficiaient d’un statut personnel qui paraîtrait invraisemblable aujourd’hui. Ils avaient la garantie à vie de leur emploi, une retraite payée sur l’impôt et une carrière statutaire à l’ancienneté sans lien avec leurs performances. Au surplus, ils étaient irresponsables des conséquences de leurs décisions.

Cette situation eut pour résultat de les rendre arrogants, aveugles à leurs échecs, dispendieux inépuisablement.

Une cassure irréversible apparaissait dès la fin du 20ème siècle, vers les années 1990, entre la population et cette caste de privilégiés. Pour la dissimuler les hommes de l’Etat durent financer d’énormes compensations, saupoudrer des avantages, jusqu’à affaiblir durablement le capital économique et pousser les acteurs économiques vers le crédit.

Une crise en 2007 et 2008, liée à l’augmentation exponentielle du crédit, a failli dès cette époque mettre à bas ce système économique bancal, imposé à tous depuis le 15 Août 1971 du fait de la décision dérangeante du Président Nixon au sujet de l’or. La fabrication intensive de fausse monnaie a toutefois permis de le faire perdurer.

Ce n’était que reculer pour mieux sauter. Le tissu économique était doublement fragilisé par le crédit. Les entrepreneurs en flux économique tendu ne pouvaient affronter aucun affaiblissement de la consommation, les consommateurs étaient psychologiquement fragilisés par la pression exercée sur eux pour les contraindre à consommer en leur offrant des crédits quasiment gratuits, mais quand même remboursables.

Des dénis politiques de réalité apparurent sous la forme de croyances irrationnelles, la plus marquante fut l’écologie.

La France fragilisée par l’interventionnisme illimité des hommes de l’Etat, et l’incompétence de ses fonctionnaires détenteurs du pouvoir réel, s’est trouvée dans une grande fragilité.

En Octobre 2018, la pression fiscale devenue insupportable, une jacquerie est soudainement apparue, elle prit le nom de révolte des gilets jaunes.

Le pays était alors gouverné, depuis à peine plus d’un an, par un jeune homme sous influence depuis l’âge de 16 ans de sa professeure de français. Il prit peur, durablement. Il se jeta dans les bras de spécialistes, tous fonctionnaires, comme lui.

Comme le disait Marc Bloch : « Mais rien, précisément, ne trahit plus cruellement la mollesse d’un gouvernement que sa capitulation devant les techniciens ».

La politique de la France fut alors faite de commissions et de collèges sans vision, sans but. Mais avec une constante : la méfiance envers le peuple, tout particulièrement ses éléments charismatiques (voir l’affaire Raoult).

Chaque difficulté, chaque trouble intérieur ou extérieur touchant le pays furent un motif pour limiter les libertés individuelles, soumettre et surveiller la population.

Le jeune président connaissait son histoire. Il avait en mémoire évidement comme tout le monde la révolution spectaculaire et régicide de 1789, mais aussi les trois autres : Les trois glorieuses en Juillet 1830, la révolution des libéraux en Février 1848 et enfin celle de Mai 1968. Trois révolutions qui en quelques jours ont fait table rase de la politique du moment, en ont imposé une autre.

La France à du mal à se transformer autrement que par ces chocs tectoniques.

Le professeur Ahmed SALIN a ensuite évoqué les faits

Alors qu’une pandémie, virulente mais sans plus, touchait le monde, Macron le jeune président de l’époque, suivant ses conseillers, a pensé opportun d’enfermer sa population, interdisant de ce fait tout rassemblement qui aurait pu lui être défavorable. Du même coup, il fragilisait son opposition particulièrement exposée à l’enfermement, alors que ses alliés fonctionnaires n’en subissaient aucun dommage, au contraire, c’était plutôt pour eux un air de vacances anticipées.

Mais, acculée, la faction des gilets jaunes, attisée par la nonchalance des amis du pouvoir « les fonctionnaires », vit arriver en renfort une partie importante de la classe moyenne, les médecins en souffrance face aux fonctionnaires, les commerçants, les artisans et les petits entrepreneurs, pas mal de monde.

Des réseaux de résistance occultes s’organisèrent à partir du « blacknet. »

Ces réseaux lancèrent l’idée d’une grande manifestation pour le 2 Août 2020 à Paris. La présidence n’était pas en mesure de l’interdire. Des réunions de concertation établirent un parcours et l’autorisation fut donnée.

Mais en réalité le mot d’ordre caché était de monter à Paris la veille au soir. C’est ainsi que des centaines de camions dès le 1 Août en fin d’après-midi s’installèrent devant les portes des casernes de CRS, leur interdisant toute sortie, et que la foule des manifestant pu envahir Paris, pratiquement librement.

Elle se dirigea vers l’Elysée, qui était le point de ralliement secret.

C’est ainsi qu’un million de manifestants se retrouva rue du Faubourg Saint Honoré, face à une poignée de gardes républicains en faction.

Avec un certain courage, il faut le dire, le jeune Macron sortit du Palais de l’Elysée pour haranguer la foule. Mal lui en a pris, il ne dut son salut qu’à la vive protection des meneurs du premier rang et à une exfiltration rapide de ses gardes du corps par les jardins du palais de l’Elysée et les Champs Elysées.

C’est ainsi que la foule s’empara, à l’occasion de cette quatrième révolution, du symbole du pouvoir : le palais de l’Elysée.

Dès le lendemain un pouvoir provisoire était instauré avec pour mission l’organisation d’élections immédiates pour installer une chambre chargée sous trois mois de remettre un projet de constitution, qui fera dans les faits l’objet d’un référendum approuvé à 90% des suffrages exprimés.

Pour le professeur Ahmed SALIN,

Cet épisode de notre histoire est la preuve que la France pratique la procrastination politique, remettant toujours au lendemain les réformes jusqu’au jour où elle doit les réaliser dans l’urgence et la violence.

Cette révolution a vu la disparition de Bercy, de l’URSSAF, du corps spécifique des fonctionnaires.

Ce qui a permis de reconstituer le capital du pays, de retrouver les libertés individuelles, un impôt unique et proportionnel payé par tous à la hauteur de ses moyens, le respect de chacun, la propriété privée et l’aide aux plus démunis.

Les hommes de l’Etat ont été réduits en nombre de 70%, il n’y a plus qu’une élection pour tous nos représentants tous les quatre ans. Les fonctionnaires ont le même statut que tout le monde, ils ont été eux aussi réduits de 70%, le budget de l’Etat est bénéficiaire, l’armée et la justice sont les deux piliers d’un Etat qui se fait discret mais prêt à tout moment à rendre le service qu’il doit rendre en cas de nécessité.

Le plus remarquable est que la nouvelle constitution, avare en poste de pouvoir, a permis, depuis son installation en Décembre 2020, de constantes évolutions qui laissent penser que la France pourra dans l’avenir s’adapter aux changements nécessaires sans révolution.

Le colloque s’est conclu sur un débat libre où il fut question de l’école de Sorèze, de son étonnant destin, de Frédéric Bastiat, de son époque, elle aussi libérale… mais seulement intellectuellement.

Ce qui a fait dire au professeur Salin : « Nous avons peut-être accompli le rêve de Bastiat. »

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A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

4 réflexions sur « 14 Août 2070 à Sorèze (La dépêche du midi 18 Août 2070). »

  1. Génial ! Moi aussi, j’ai la conviction qu’on ne s’en sortira pas sans une sorte de révolution. Ce qui veut peut-être dire… qu’on ne s’en sortira pas. Mais bon, le pire n’est jamais certain et ceux qui n’ont pas peur ont le droit de croire en leurs rêves. Bien amicalement.

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